Même si le Sénat s’y est opposé, l’Assemblée nationale s’apprête à faciliter la reconnaissance des « burn-out » comme maladie professionnelle. Un syndrome d’épuisement intense lié bien souvent à certaines méthodes de management, mais aussi au développement croissant des nouveaux moyens de communication.
Alors que les emails et coups de téléphone à caractère professionnel ont tendance à s’immiscer de plus en plus dans la sphère privée des salariés, notamment via les smartphones, plusieurs députés socialistes avaient profité de l’examen du projet de loi sur le dialogue social pour faire adopter en mai dernier un amendement facilitant la reconnaissance du « burn-out » (ou syndrome d’épuisement professionnel) comme maladie dont la responsabilité incombe à l’employeur.
Le problème est qu’actuellement, les burn-out ne peuvent être considérés comme relevant d’un accident du travail, en raison notamment de leur « absence de soudaineté », expliquaient ces parlementaires. Leur solution ? Permettre aux salariés souffrant de « pathologies psychiques » de demander la requalification de leur épuisement en maladie professionnelle, et ce par l’intermédiaire du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles (lequel s’exerce devant des comités régionaux, qui décident au cas par cas).
Votées dans l’hémicycle avec le soutien du gouvernement, ces dispositions ont cependant été purement et simplement supprimées par le Sénat le mois dernier. « N’imputons pas tous les problèmes au travail, ce qui aurait des répercussions pénalisantes pour les entreprises : plus les accidents du travail et les maladies professionnelles déclarés sont nombreux, plus le taux de cotisation est important » avait notamment soutenu le sénateur René-Paul Savary (Les Républicains) lors des débats du 24 juin. Et pour cause, les porteurs de cette réforme estiment de leur côté qu'il n’est pas normal que l’Assurance maladie prenne en charge les effets désastreux du management de certains employeurs.
Les comités régionaux seront spécialement revus, promet le gouvernement
Mais les députés ne lâchent pas le morceau ! Alors que le projet de loi sur la dialogue revient devant l’Assemblée nationale dans le cadre d’une nouvelle lecture (députés et sénateurs n’étant pas parvenus à un accord en commission mixte paritaire), le fameux amendement a été réintroduit en commission, le 1er juillet, sur proposition du rapporteur socialiste Christophe Sirugue et de l’écologiste Christophe Cavard.
Lors de ces débats en commission, les élus LR (ex-UMP) ont bien tenté de faire barrage, mais n'y sont sans surprise pas parvenus. « Le Sénat a eu raison de supprimer l’article, car il faudrait mener une étude d’impact sur le sujet. Comme cela n’est pas au programme, nous continuons à nous opposer à cette disposition. Je ne dis pas que la notion de burn-out n’existe pas. Mais on ne peut pas la traduire ainsi dans la loi, sans prendre un peu de recul » a fait valoir à cet égard Dominique Tian.
Sauf surprise, ces dispositions soutenues par la majorité socialiste devraient être votées en l’état cette semaine dans l’hémicycle, puisque aucun amendement n’a été déposé par les députés (de suppression ou de simple modification). Mais même si tel était le cas, tout burn-out ne serait pas forcément reconnu comme maladie professionnelle. Le Code de la sécurité sociale impose en effet que chaque maladie soit « essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux (...) au moins égal à un pourcentage déterminé ». L’amendement prévoit à cet effet que « les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers [seront] fixées par voie réglementaire » – autrement dit par décret ou arrêté.
Le ministre du Travail, François Rebsamen, avait par ailleurs indiqué lors des débats au Sénat que des mesures ne relevant pas du domaine de la loi seraient prises pour accompagner cette réforme. « La composition des comités qui seront appelés à se prononcer sur la reconnaissance de ce syndrome sera notamment revue pour intégrer des médecins psychologues lorsque seront examinés des cas potentiels de burn-out. (...) Parallèlement, j’ai mis en place en février dernier un groupe de travail spécifique sur le syndrome de burn-out, qui a produit un guide de prévention d’une grande qualité à destination des acteurs de l’entreprise. » Celui-ci est d'ailleurs disponible ici en PDF.