CJUE : la section vidéos des sites de presse écrite dans le viseur de la régulation

CJUE : la section vidéos des sites de presse écrite dans le viseur de la régulation

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Marc Rees

Publié dans

Droit

30/06/2015 5 minutes
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CJUE : la section vidéos des sites de presse écrite dans le viseur de la régulation

Mercredi prochain, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne rendra ses conclusions dans l’affaire « C-347/14 New Media Online (DE) ». Le sens de ce dossier pourrait conduire à la régulation par le CSA de tous les sites de presse en France, du moins ceux disposant d’une section vidéo dans leurs pages.

Tiroler Tageszeitung online, un journal autrichien en ligne (tt.com) dispose d’un sous-domaine où sont diffusées plus de 300 vidéos d’actualités, le plus souvent en rapport avec les articles écrits. En 2012, l’autorité de contrôle des communications, la Kommunikationsbehörde Austria, a considéré que New Media Online, son éditeur, organisait là un service de médias audiovisuels à la demande (SMàD) selon sa grille de lecture de la directive du 10 mars 2010, dédiée à ce secteur.

« La rubrique vidéo aurait en effet un caractère télévisuel et remplirait une fonction autonome par rapport au reste du site web, si bien que son objet principal consiste dans la fourniture de programmes » résument les services de communication de la CJUE. Cet éditeur aurait donc dû notamment notifier son service à l'autorité, ce qu’il n’a pas fait. Pour New Media Online, au contraire, ces vidéos n’ont rien de comparable à une offre de TV classique. De plus, son portail vidéo n’est qu’accessoire au site de presse, lequel n’est pas un SMàD.

Bref, la question est de savoir si de courtes vidéos publiées par la presse en ligne peuvent être qualifiées de services de médias audiovisuels, parce que assimilables à des services de TV classique. L’enjeu ? Soumettre ces flux à la législation relative à ce type de médias dans chaque État membre, notamment dans ses versants contributifs. Mais avant, il faudra aussi savoir si une section peut finalement être isolée juridiquement afin de lui attribuer le statut de SMàD. Telles sont les deux questions soulevées devant la CJUE par la justice autrichienne.

Quelle situation en France ?

Potentiellement, cette affaire pourrait avoir de lourds effets sur la régulation des flux vidéo sur les sites de presse en ligne qui disposent d’une telle catégorie, isolée ou non par un sous-domaine. En France, la loi du 5 mars 2009 définit les SMàD comme « tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur sa demande, à partir d'un catalogue de programmes dont la sélection et l'organisation sont contrôlées par l'éditeur de ce service » (article 2).

Ce régime embrasse donc la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande. Ces prestataires ont alors des obligations contributives, outre le respect d’autres règles touchant à la prohibition de l’incitation à la haine, la chronologie des médias, la promotion des œuvres françaises et européennes, ou la protection des mineurs. De plus, les acteurs reconnus comme SMàD ont l’obligation depuis novembre 2013 de se déclarer auprès du CSA, gendarme sur ces activités.

Le texte de 2009 exclut cependant de ce régime « les services qui ne relèvent pas d'une activité économique », les contenus générés par l’utilisateur à des fins de partage dans une communauté d’intérêts, mais encore « ceux dont le contenu audiovisuel est secondaire ». Il suit là la directive qui prévoit en son point 22 que la définition des SMàD « devrait exclure tous les services dont la finalité principale n’est pas la fourniture de programmes, autrement dit les services dont le contenu audiovisuel est secondaire et ne constitue pas la finalité principale. Tel est par exemple le cas des sites web qui ne contiennent des éléments audiovisuels qu’à titre accessoire, comme des éléments graphiques animés, de brefs spots publicitaires ou des informations concernant un produit ou un service non audiovisuel » (liste non limitative).

Isoler la partie vidéo pour la faire réguler par le CSA

C’est la logique bien connue de l’accessoire qui suit le principal, avancée également par le site de presse autrichien. Cependant, la loi française souffle le chaud et le froid puisqu’elle permet dans le même temps une application distributive : « une offre composée de services de médias audiovisuels à la demande et d'autres services ne relevant pas de la communication audiovisuelle ne se trouve soumise à la présente loi qu'au titre de cette première partie de l'offre. »

L’enjeu de l’arrêt actuellement préparé par la CJUE sera ainsi de définir la ligne de démarcation entre l’activité SMàD et celle des autres actualités. Si l’arrêt opte pour la parcellisation, isolant la partie vidéo du reste, alors le CSA et les autres autorités de contrôle seront confortés pour réguler cette partie des sites de presse, alors qu'ils échappant pour l’instant à leur spectre.

Précisons enfin que cette jurisprudence est également attendue (avec crainte) par les sites de radio, du moins ceux qui diffusent des flux vidéos de leurs émissions en ligne. Ceux-ci pourraient tout autant tomber dans la régulation des SMàD selon le sens de la décision.

Écrit par Marc Rees

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Quelle situation en France ?

Isoler la partie vidéo pour la faire réguler par le CSA

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Commentaires (5)


Et bien si cette parcellisation se met en place, c’est peut être la fin de France Info ? Ce service public qui ne vivait que de ça (j’imagine que c’est toujours le cas aujourd’hui).


On va nous faire payer la redevance si on lit les LIDD si ça continue…





Est-ce que les sous-titres des articles sont aussi soumis à la redevance TV ?


Le 14h42 sera-t-il aussi sous le coup de cet décision?


Réponse dans quelques mois, et déjà demain avec les pistes des conclusions de l’AG.