Un magazine condamné à 10 000 euros d’amende pour incitation au piratage

Les incités d'or
Droit 5 min
Un magazine condamné à 10 000 euros d’amende pour incitation au piratage
Crédits : jmiks/iStock/Thinkstock

Pour avoir « sciemment » incité à l’utilisation de logiciels de téléchargement illégal, l’éditeur du bimensuel « Téléchargement » vient d’écoper d’une amende de 10 000 euros. Une « première » selon les producteurs de la SCPP, à l’origine de la procédure.

Aux yeux de Marc Guez, directeur général gérant de la SCPP, « une ligne avait été franchie » par les auteurs du magazine « Téléchargement » daté des mois d’août et septembre 2014. « C'est un magazine qui a clairement incité à la piraterie, sans aucune vergogne. C'est ça qui nous a poussé à agir » explique-t-il aujourd’hui à Next INpact. Sur la couverture du fameux numéro, on pouvait lire « Films, séries, musiques & jeux – Les meilleurs logiciels et sites GRATUITS pour downloader ! » Le tout sur fond de tête de mort recouverte d’une arobase...

Au fil des pages, plusieurs passages avaient fait tiquer l’organisation de producteurs, parmi lesquels :

  • Des descriptions de logiciels tels que µTorrent ou BitComet, avec des mentions du type : « Inutile de sonder les profondeurs du Deep Web à la recherche de fichiers pirates à télécharger, Google se charge de les faire remonter à la surface. Quelques mots clés judicieusement trouvés, une poignée de clics et vous remplirez vos disques durs dans la joie et la bonne humeur... Nous vous offrons un tour d’horizon des meilleurs clients Torrent plus quelques conseils et astuces pour vous régaler ».
  • Des descriptions de logiciels comme eMule, MorphXT ou P2P Rocket, avec des commentaires tels que : « Faites le plein de DivX et de MP3 pour ne plus être dépendants de votre famille, de vos amis et de vos collègues de bureaux. On vous donne l’adresse des meilleurs clients Peer2Peer et on explique en prime comment récupérer des masses de fichiers sans s’énerver ».
  • Des descriptions de sites de téléchargement direct (Wawacity, Libertyland...). « Comment télécharger encore plus de contenu pirate ? Grâce à Google et aux boards pirates, vous avez très certainement listé plusieurs bonnes adresses dans vos favoris. Que diriez-vous de démultiplier le nombre de vos entrées, et parallèlement celui de vos films, grâce à quelques bons sites web pleins à craquer de films, jeux vidéo, e-books, photos, vidéos, logiciels, applications, musiques, clips et consorts ? » pouvait-on lire.
  • Des descriptions de logiciels de type Download Manager ou JDownloader, affublées d’explications telles que « Avant de vous engager dans le côté obscur, faites le plein de logiciels ».

La SCPP avait attaqué l’éditeur sur le fondement d’un article de la loi DADVSI

Peu de temps après la parution du magazine, la SCPP attaquait son éditeur devant la 15ème chambre du tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement de l’article L335-2-1 du Code de la propriété intellectuelle. Cet article, introduit par la loi DADVSI de 2006, interdit « d'inciter sciemment » à l’usage de tout « logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés ». En cas d’infraction, le contrevenant s’expose à une peine maximale de 3 ans de prison et de 300 000 euros d’amende.

Durant les débats parlementaires, le ministre de la Culture d’alors avait expliqué que l’objectif de ces dispositions était « de pouvoir poursuivre pénalement ceux qui, de manière intentionnelle (...) et massivement, alimentent le piratage et incitent au piratage par des messages publicitaires, c’est-à-dire ceux qui « font » de l’argent sur le dos des internautes et des créateurs ».

Comparaissant dans le cadre d’une citation directe, les Éditions de Montreuil ont toutefois tenté de se défendre en affirmant que les auteurs du magazine Téléchargement n’avaient pas « sciemment » incité au piratage d’œuvres protégées. Mais qu’ils avaient au contraire rappelé à plusieurs reprises que le téléchargement de tels fichiers était illicite : « pirater des films américains, ou des séries, c’est mal, vous le savez » ; « les fichiers hébergés sur les plates-formes sont le plus souvent issus du petit monde des pirates, donc hors la loi » ; « on ne le répétera jamais assez : le piratage, c’est mal... » ; etc.

L’avocat de la société, maître Frédéric Gras, a également voulu démontrer que les dispositions du Code de la propriété intellectuelle brandies par la SCPP s’appliquaient aux éditeurs de logiciels, et non aux organes de presse. De fait, l’article L335-2-1 vise tout d’abord ceux qui éditent, mettent à la disposition du public ou communiquent, « sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ». Il interdit ensuite « d'inciter sciemment, y compris à travers une annonce publicitaire, à l'usage d'un [tel] logiciel ».

L'incitation au piratage peut également s'appliquer aux organes de presse

Le 12 juin, le verdict du tribunal est tombé. L’éditeur du magazine a finalement écopé d’une amende délictuelle de 10 000 euros, soit grosso modo l’argent qu’il a touché pour la vente des 6 038 exemplaires du numéro litigieux. Il devra également payer un droit fixe de procédure de 127 euros, ainsi que la publication de la décision dans Le Parisien et Le Journal du dimanche. Cette décision pourrait d'ailleurs être devenue définitive, puisque aucune des parties n'a l'intention de faire appel selon l'AFP. « Comme la peine est réduite de 1500 euros si l’on règle dans le mois, que nous ne disposons pas des motifs de la décision et que nous n’avons aucune certitude d’une meilleure décision en appel, les Éditions de Montreuil ont décidé de ne pas interjeter appel de la décision » nous a confirmé maître Gras.

Pour la SCPP, cette décision, qualifiée de « première », est plus que satisfaisante. « La loi DADVSI de 2006 avait été faite pour ça, pour éviter que la presse incite à des comportements illicites en matière de propriété intellectuelle », réagit Marc Guez. Y a-t-il d’autres actions similaires en cours ? « Non, répond l’intéressé. Mais s'il y avait un motif à le faire, on le ferait. Mais en général la presse fait attention, donc il n'y a pas de raison de le faire. »

Nous reviendrons plus en détail sur cette décision une fois l’arrêt en notre possession. 

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