Loi Renseignement : la saisine blanche du président du Sénat

Une contrariété pour les futures QPC ?
Droit 4 min
Loi Renseignement : la saisine blanche du président du Sénat
Crédits : Marc Rees (licence CC BY SA 3.0)

La loi sur le renseignement a fait l’objet de trois demandes d’examen adressées au Conseil constitutionnel. Après la saisine des députés, puis celle du président de la République, nous révélons celle de Gérard Larcher. Sa particularité ? Le président du Sénat a fait le choix d'une saisine blanche.

« Face à ces enjeux, eu égard à la portée d’une telle loi, aux interrogations qu’elle a suscitées et à la brièveté des délais accordés au Parlement pour l’examiner, le président du Sénat, Gérard Larcher, saisira dès demain le Conseil Constitutionnel afin qu’il s’assure que le texte réponde aux exigences de protection des libertés fondamentales ». Voilà ce qu’avait indiqué mercredi dernier Gérard Larcher (Les Républicains). Jeudi, la saisine du Conseil constitutionnel se triplait donc à l’encontre de la loi sur le renseignement, tout juste votée par le Parlement.

Mais que dit le président du Sénat dans sa missive ? Rien de bien concret. Il se contente d’égrainer quelques considérations généralistes, en l’accompagnant de commentaires personnels : « Concernant ces nouvelles technologies, peu de références juridiques pertinentes permettent d’apprécier la constitutionnalité du cadre légal. Le Conseil constitutionnel n’a été saisi ni de la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, ni de la loi de programmation militaire (…) du 19 décembre 2013. »

Applaudir le Sénat, critiquer le choix du gouvernement

De fait, l’essentiel de sa saisine se contente de féliciter l’apport sénatorial dans l’ébauche du texte, et de critiquer le choix gouvernemental pour la procédure accélérée. Si le processus législatif « a permis d’améliorer substantiellement le projet de loi », le Parlement a néanmoins été contraint « par la décision du gouvernement de recourir à la procédure accélérée, alors que l’importance et les difficultés des questions posées auraient justifié que les deux assemblées aient le temps nécessaire, par la navette parlementaire, de parvenir à un équilibre plus éclairé entre les nécessités de la sécurité et les garanties des libertés. »

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Ceci posé, le président du Sénat pourra toujours se dédouaner sur le gouvernement en cas de censure constitutionnelle : ni les députés ni les sénateurs n’auront pu prévenir cette censure, le gouvernement ayant préféré limiter le temps des débats sur des dispositions parfois très floues, mais toujours très sensibles.

Le président du Sénat opte pour une saisine blanche

Plutôt que d’opter pour une mise en cause ciblée de tel ou tel article de la loi Renseignement, Gérard Larcher a fait le choix d’une saisine blanche, exprimée ainsi :

« Eu égard à la portée de ce texte, aux nombreuses interrogations qu’il a suscitées et à la brièveté des délais laissés au Parlement pour l’examiner, j’estime devoir le soumettre à l’examen du Conseil constitutionnel, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, afin qu’il puisse être garanti que, dès sa promulgation, le dispositif adopté répondra pleinement aux exigences, en matière de protection des libertés, du bloc de constitutionnalité. »

L’actuel président du Conseil constitutionnel avait dit toute son opposition à ce type de saisines qui consistent à transmettre un texte à son examen sans formuler de griefs particuliers. Il est vrai cependant que la Constitution ne les interdit pas formellement (« les lois peuvent être déférées... » dit l’article 61 alinéa 2 de la Constitution).

La saisine blanche, un potentiel verrou anti-QPC

Comme on peut le lire dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, dans pareil cas, le juge ne s’interdit pas de soulever d’office les points d’inconstitutionnalité ou, à défaut, de déclarer conforme la loi tout entière.

Seulement, depuis l’avènement des questions prioritaires de constitutionnalité, la manœuvre est potentiellement contrariante : en effet, un citoyen ne peut adresser de QPC à l’encontre d’une disposition déjà promulguée que si elle n’a pas été déclarée préalablement conforme. En d’autres termes, une déclaration de conformité globale de la loi pourrait venir bloquer les futures QPC : non, messieurs de la Quadrature du Net ou de FDN, vous ne pouvez agir contre tel article, puisque la loi a été déclarée conforme dans son ensemble...

Cependant, si la situation est tendue, elle n’est pas encore perdue pour les détracteurs : les QPC ne peuvent être déclarées irrecevables que si les dispositions en cause ont été déclarées conformes à la fois dans les motifs et dans le dispositif de la décision (considérant 4 de la décision du 2 juillet 2010). « Les motifs » sont les moyens de droit qui fondent la décision, laquelle se trouve nichée dans les « dispositifs ». Ainsi, comme l’expliquent les Cahiers, le Conseil constitutionnel considère par exemple « qu’une disposition jugée conforme à la Constitution dans les motifs d’une de ses précédentes décisions, mais non dans son dispositif n’a pas déjà été jugée conforme à la Constitution », elle peut ainsi faire l’objet d’une QPC. Bref, retenons qu'avec cette astuce, le Conseil pourrait très bien censurer un article, sans bloquer les futures QPC. Il faudra dans tous les cas ausculter avec soin la décision « Loi Renseignement » attendue dans moins d’un mois.

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