Après une proposition d'achat déposée par Altice en partenariat avec Iliad (Free), Manuel Valls évoquait hier ses priorités sur ce dossier. Dans le même temps, le directeur général de Numericable-SFR se voulait rassurant, tandis que le PDG de Bouygues Telecom adressait un « message de confiance » à ses employés.
Les priorités de Manuel Valls, mais quid du pouvoir d'achat ?
Alors que le Conseil d'administration de Bouygues Telecom doit se réunir aujourd'hui afin d'étudier l'offre de rachat « non sollicitée » d'Altice, Manuel Valls entrait hier après-midi dans la danse des déclarations afin d'exprimer ses conditions. Comme le rapportent nos confrères de l'AFP, ses priorités pour le secteur « sont claires : c’est l’emploi, qui doit être préservé et développé ; l’investissement (...) parce qu’il faut couvrir tout le territoire avec le déploiement de la fibre, la 3G sur tout le territoire d’ici la fin 2016 ; la vente des fréquences pour développer la 4G ; l’innovation parce qu’il faut investir dans l’avenir et évidemment la qualité de service pour le consommateur. »
On notera tout de même qu'il s'agit surtout ici de points à la charge de l'opérateur, mais que la question du pouvoir d'achat et des prix des forfaits est complètement mise de côté. Elle n'est ainsi pas du tout évoquée dans la déclaration de Manuel Valls, alors même que, comme nous avons pu l'évoquer à plusieurs reprises, les prix de la marque au carré rouge ont augmenté à différents niveaux depuis son rachat. De quoi inquiéter les clients de Bouygues Télécom qui propose des tarifs très attractifs sur le fixe et des forfaits relativement intéressants sur le mobile ?
Numéricable-SFR se veut rassurant
Eric Denoyer, directeur général de Numericable-SFR, était pour sa part l'invité des Échos afin d'évoquer l'offre de rachat déposée par son groupe, mais aussi pour répondre aux inquiétudes du Premier ministre : « Notre projet les respecte : poursuivre l’investissement, accélérer l’innovation, continuer d’améliorer la qualité de service, préserver l’emploi et acheter les fréquences 700. Patrick Drahi rencontrera le ministre de l’Économie ce soir afin de poursuivre le dialogue. » précisait-il, sans détailler la manière dont il compte s'y prendre pour arriver à ses fins, et notamment pour faire cohabiter deux entreprises très proches au sein d'un même groupe, avec beaucoup de synergies, sans sabrer dans les effectifs.
Concernant les investissements, le directeur général joue la carte du plan très haut débit (voir notre analyse) : « Notre objectif est de délivrer le meilleur service et le meilleur débit aux consommateurs. Pour cela, nous devons investir. D’ores et déjà, nous prenons l’engagement de porter notre effort de déploiement dans la fibre à 20 millions de prises d’ici à 2020, contre 15 millions annoncés jusqu’à présent (12 millions en 2017). Soit 5 millions de prises supplémentaires en FTTH (fibre jusqu’à la maison) dans des zones moins denses. Cela permettra de mobiliser moins d’argent public pour atteindre l’objectif gouvernemental d’une couverture complète du territoire d’ici à 2022 ». Une manière de souffler le chaud et le froid avec un gouvernement qui pousse le plan THD, mais qui craint certains effets d'un retour à trois opérateurs.
Bien évidemment, et comme l'avait déjà annoncé Patrick Drahi à l'Assemblée nationale, Numericable-SFR sera toujours candidat à l'obtention des fréquences 700 MHz, et ce, quel que soit l'issue de cette offre. Mais avec une partie du portefeuille des fréquences de Bouygues Telecom ou de Numericable-SFR qui irait à Free Mobile en cas de rachat, et les modalités actuelles de mises en vente, les enchères pourraient rapidement prendre fin avec un retour à trois opérateurs. De plus, la limite totale de 30 MHz par opérateur pour les fréquences basses (700, 800 et 900 MHz) serait probablement un frein important à la montée des enchères, ce qui entrainerait un manque à gagner pour le gouvernement.
Le « message de confiance » d'Olivier Roussat à ses troupes
Bouygues Telecom n'a pour le moment pas donné de suite à cette demande et il faudra attendre la fin du Conseil d'administration de Bouygues organisé ce jour pour en savoir plus. Mais une lettre interne a été envoyée par Olivier Roussat à certains de ses collaborateurs afin de leur adresser un message de confiance, qui reste pour le moment assez vague. Il n'est ainsi pas clairement indiqué qu'un refus sera opposé à cette proposition de rachat, puisque ce choix relève du Conseil d'administration :
« Comme il a été spécifié, il s’agit d’une offre non sollicitée et il n’existe par ailleurs aucune négociation ni discussion entre le groupe Altice et le groupe Bouygues.
Je souhaite vous redire toute la confiance qu’avec le comité de direction générale, je place dans la stratégie de l’entreprise et dans les choix que nous avons faits avec le plein soutien des actionnaires, dans l’intérêt de nos clients et de l’entreprise. Ces choix permettront à Bouygues Telecom de continuer à exercer son rôle spécifique sur le marché français : permettre à tous de profiter à plein de la vie numérique.
Je veux donc vous délivrer un message de confiance. L’entreprise a besoin, particulièrement ces jours-ci, de votre implication et de votre sang froid. Vous pouvez compter sur ma détermination absolue et celle du comité de direction générale à conduire l’entreprise pour lui permettre de réaliser jour après jour sa mission. »
Reste maintenant à voir quelle sera la décision annoncée dans la journée, qui ne signera pas forcément la fin des discussions. Si Bouygues souhaite se séparer de sa branche télécom, il s'agit d'une offre qui prête à réfléchir puisqu'il est question de plus de 10 milliards d'euros, alors que la capitalisation du groupe Bouygues dans son ensemble était de 11,3 milliards d'euros, avant qu'elle ne passe à quasiment 13 milliards depuis le dépôt de l'offre d'Altice. Bouygues pourrait néanmoins être tenté de faire monter les enchères.