Alors que le Premier ministre promettait jeudi d’inscrire les principes de l’Open Data dans la loi, son gouvernement a soutenu dans le même temps un amendement à la loi Macron qui permettra aux sociétés de transport de s’exonérer des obligations de diffusion initialement voulues par le législateur. La SNCF, Air France ou la RATP pourront en effet signer des codes de bonne conduite prévoyant entre autre le paiement de redevances.
Mais que s’est-il passé pour que l’exécutif revoit à ce point sa copie ? Même s’il est encore impossible de le savoir avec certitude, il ne fait guère de doute que les pressions de la part des entreprises concernées ont dû être fortes... Et pour cause, l’amendement introduit au début du mois en commission spéciale par le gouvernement prévoyait ambitieusement que tous les « exploitants des services de transports et de mobilité » (train, avion, vélib, etc.) soient tenus de diffuser « dans un format ouvert » une foule de données, dont la réutilisation serait « libre, immédiate et gratuite ».
Plus concrètement, l’exécutif souhaitait la mise en Open Data des informations concernant :
- les arrêts,
- les horaires planifiés et en temps réel,
- les tarifs,
- l’accessibilité des personnes handicapées,
- la disponibilité des services,
- les incidents constatés.
Autant de données qui, une fois libérées, pourraient permettre à des développeurs de proposer un site ou une application capable de calculer un trajet complet en prenant en compte l’ensemble des moyens de transport disponibles – bus, train, métro, etc. Pour que les choses se passent en douceur, le gouvernement avait par ailleurs indiqué dans son amendement que les transporteurs pourraient, sur la base du volontariat, remplir leurs nouvelles obligations en adhérant à « des codes de conduite » définissant « les conditions de diffusion, de fourniture et d’actualisation des données ».
Le gouvernement revient sur son amendement
Mais la semaine dernière, surprise ! Dès mardi, Manuel Valls a annoncé qu’il engageait la responsabilité de son gouvernement via le « 49-3 ». Non seulement aucun amendement n’a de ce fait été discuté, mais en plus l'exécutif a pu choisir ceux qu’il voulait conserver – et qui ont donc été considérés comme adoptés vu qu’aucune motion de censure n’a été votée par l’Assemblée nationale.
Parmi eux, se trouve un amendement porté notamment par le rapporteur Richard Ferrand (PS), lequel réécrit les dispositions gouvernementales concernant l’Open Data sur les données de transport. Si le dispositif initialement voulu par l’exécutif ne change guère, une petite phrase risque d’en saper grandement la portée... Les sociétés concernées seront en effet « réputées » avoir rempli leurs obligations « dès lors qu’elles sont adhérentes à des codes de conduite, des protocoles ou des lignes directrices préalablement établis par elles et rendus publics, pour autant que ces documents établissent les conditions de diffusion et d’actualisation des données ».
Les redevances font leur retour par la petite porte
Autrement dit, à partir du moment où ces sortes de charte existeront, elles prévaudront sur les dispositions législatives de la loi Macron – qui s’appliqueront toutefois à ceux qui n’en signent pas. Même s’il est prévu que ces documents soient homologués conjointement par les ministres des Transports et du Numérique, la rédaction actuelle du texte laisse à penser que le tout pourrait grandement s’éloigner des ambitions initiales du législateur...
Ces chartes préciseront par exemple « le délai raisonnable et les conditions techniques de diffusion » des données, uniquement « en vue » de les fournir en temps réel (alors que ceux qui ne signent pas ces codes de bonne conduite devront procéder à une diffusion « immédiate » – donc sans délai). Autre illustration : ces chartes pourront prévoir des « dérogations au principe de gratuité », « justifiées par des coûts significatifs de mise à disposition ». En clair, des redevances pourront être réclamées par la RATP ou Air France, à l’encontre « des utilisateurs de masse » de leurs données. Une vision bien éloignée des principes de l’Open Data, mais qui correspond à celle développée notamment par la SNCF, le groupe public s’alarmant il y a quelques jours encore de l’amendement gouvernemental voté en commission spéciale...
Transmis au Sénat dès vendredi dernier, le projet de loi Macron devrait revenir d’ici quelques semaines devant l’Assemblée nationale pour une lecture définitive – sachant que le président de la République a promis que le texte serait définitivement adopté d’ici au 14 juillet. Les débats sur ces dispositions pourraient reprendre à cette occasion.