Alors que la nouvelle majorité a enterré le délit de consultation de sites terroristes - porté par Nicolas Sarkozy à la suite de l'affaire Merah, l'ancienne ministre Nathalie Kosciusko-Morizet vient de publier une tribune dans laquelle elle milite pour le retour de ces dispositions.
Le drame de Toulouse à peine achevé, le président Sarkozy avait rapidement annoncé le 22 mars dernier la création d’un nouveau délit pénal : celui de la consultation habituelle de site faisant l’apologie du terrorisme. Le candidat à sa réelection précisait alors que « la propagation et l'apologie d'idéologies extrémistes seront réprimées par un délit figurant dans le Code pénal avec les moyens qui sont déjà ceux de la lutte antiterroriste ».
Branle-bas de combat en plein contexte de campagne présidentielle. En quelques semaines, un énième projet de loi sur la lutte contre le terrorisme était rédigé, puis déposé en Conseil des ministres le 11 avril, soit trois semaines à peine après l’annonce présidentielle. La suite est connue : l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité a contrarié la procédure législative à laquelle était destinée ce texte.
Un projet de loi de retour sur le devant de la scène
Mais alors qu’on le pensait aux oubliettes, ce texte a refait parler de lui il y a peu. Un projet de loi, tout droit inspiré de celui de la précédente majorité, a été déposé par le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls devant le Sénat le 10 octobre dernier. Parmi toutes ces mesures concernant la lutte contre le terrorisme, on ne retrouve toutefois aucune trace du délit de consultation des sites terroristes.
Dans une tribune intitulée « Le terrorisme doit être aussi pourchassé sur Internet », et publiée dans Le Monde daté d’hier, l’ancienne ministre et porte-parole de la campagne de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, déplore cette absence. « Il est difficile de comprendre pourquoi le gouvernement n’a pas repris l’idée de créer un délit permettant de punir pénalement toute personne consultant de manière habituelle, et sans aucun motif légitime, des sites Internet qui incitent au terrorisme ou qui en font l’apologie », tonne l’actuelle députée de l’Essonne.
NKM déroule alors son plaidoyer : « Pourquoi prendre le risque de participer à des réunions clandestines quand on peut tout aussi bien, dans le secret de son domicile et grâce aux nouvelles technologies, être un terroriste modèle. Le fait est là, impossible à nier : aujourd’hui, la violence, l’idéologie mortifère du terrorisme sont, pour des jeunes démunis, à la portée d’un simple clic ». Et pour les vieux du net ?
NKM repasse une couche
Et pour tordre le cou à ces risques du « simple clic », l’ancienne ministre réchauffe la solution de Nicolas Sarkozy : «pénaliser la consultation répétée de sites incitant au terrorisme ou en faisant l’apologie ». NKM ne précise néanmoins pas comment elle entend lever les écueils fréquemment pointés pour ce type de projet (Comment définir un site « incitant au terrorisme ou en faisant l’apologie » ? Comment constater dans la pratique que la consultation est « répétée » ? Qui sera en charge de déterminer si un site peut être catégorisé de la sorte (autorité administrative, juge,...) ? etc.), mais se veut néanmoins rassurante. « Bien sûr, il n’est pas question de rendre la loi aveugle : des dérogations pourraient ainsi être prévues pour les professionnels pour lesquels la consultation de ces sites Internet fait partie intégrante de leur métier (journalistes, chercheurs, services de police) ».
La députée UMP termine : « Nous n’avons pas à redouter cette innovation pénale, d’autant plus que la voie a déjà été tracée dans le domaine de la lutte contre la pédophilie ». Alibi en poche, NKM annonce qu’elle va déposer lors des débats parlementaires un amendement reprenant l’article 227-23 du Code pénal, qui s’applique à la pédopornographie. Ce texte précise ainsi que « le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende ».
Retour au Sénat par la petite porte
Notons enfin que NKM n’est pas la seule parlementaire à vouloir un retour du délit de consultation des sites terroristes. Le sénateur UMP Jean Jacques Hyest a en effet déposé un amendement au projet de loi déposé début octobre, dans lequel il reprend à la virgule près le texte de la précédente majorité. L’élu fait cependant l’économie du dernier paragraphe, pourtant nécessaire pour protéger le travail des journalistes, des historiens, etc. qui peuvent être amenés à consulter régulièrement ces sites dans le cadre de leur travail.
Le parlementaire demande également via un autre amendement des mesures proactives des intermédiaires et propose même d’étendre le périmètre du blocage des sites pédopornographiques à ceux faisant l’apologie du terrorisme. Pour cela, il calque son amendement sur le fameux article 4 de la LOPPSI. (Pour plus de détails, voir notre actualité).