Loi Renseignement : l'amendement sur les non-résidents, l'émotion sélective du gouvernement

Loi Renseignement : l’amendement sur les non-résidents, l’émotion sélective du gouvernement

La loi d'honneur

Avatar de l'auteur
Marc Rees

Publié dans

Droit

22/06/2015 5 minutes
32

Loi Renseignement : l'amendement sur les non-résidents, l'émotion sélective du gouvernement

Le projet de loi sur le renseignement sera examiné puis voté une dernière fois au Sénat ce mardi, avant une lecture similaire à l’Assemblée nationale. Ce week-end, le gouvernement s’est finalement opposé à l’amendement de dernière minute déposé par Jean-Jacques Urvoas et destiné à alléger l’encadrement de la surveillance des non-résidents en France.

La semaine dernière, les sept députés et sept sénateurs réunis au sein de la commission mixte paritaire (CMP) ont trouvé un terrain d’entente sur le projet de loi Renseignement. Cependant, comme nous l’avons relevé jeudi, Jean-Jacques Urvoas a fait adopter à cette occasion un amendement sorti tout droit du chapeau.

Non-Français, non-résidents, tous suspects

Au plan national, les mesures de surveillance qu’organise ce texte exigent, sauf exceptions, l’avis préalable de la Commission de contrôle des techniques du renseignement (CNCTR). Le député socialiste a cependant estimé que les non-Français ou les personnes ne résidant pas habituellement sur le territoire ne méritaient pas une telle bienveillance. Il a donc proposé de se passer de cet avis préalable pour ceux dont le statut serait si suspect.

Les Français ou les étrangers non-résidents devraient ainsi s’habituer à un risque : celui de l’oreille des services du renseignement collée aux murs de leur chambre d’hôtel, sur leur connexion Internet ou leur mobile suite à tout franchissement de nos frontières. Dans cette mécanique, la CNCTR n’interviendrait qu’a posteriori, afin de s’assurer « que les renseignements collectés ne concernent pas un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français ». En clair, un contrôle aussi minimum que tardif, qui pourrait, en cas d’irrégularité, entraîner une hypothétique saisine du Conseil d’État.

Comme on peut le voir dans le compte rendu des débats (désormais disponible), la question a été âprement débattue en CMP. Plusieurs parlementaires, dont Philippe Bas ou Jean-Jacques Hyest, ont tiqué : il y aurait selon eux problème de constitutionnalité. Si l’UMP Guillaume Larrivé n’a pas partagé leur avis, celui-ci a tout de même « jugé floue la différence proposée entre les étrangers et les résidents habituels en France ». Et pour cause, dans le marbre du texte, on ne sait même pas si cet encadrement allégé frapperait également les Français non-résidents, ou seulement les non-Français et les étrangers ne résidant pas habituellement sur notre sol.

Ne pas heurter les pratiques actuelles

À ces critiques, Jean-Jacques Urvoas s’est abrité derrière une jurisprudence admettant de longue date des atteintes jugées « non excessives » au principe d’égalité. Toujours en CMP, il a surtout ajouté « ne pas souhaiter que la collecte de certains renseignements qui a pu se pratiquer par le passé, soit dorénavant interdite, et redouté que tel soit le cas si la commission ne retenait pas sa proposition de rédaction ». Voilà qui est clairement dit : l’essentiel est d’ouvrir légalement les vannes à l’encontre des étrangers de passage, afin de ne pas s’écarter d’habitudes labourées par les pratiques actuelles... Philippe Bas a pressenti toutefois un autre risque : voilà un amendement qui ouvre une question nouvelle, or une telle adjonction est interdite à ce stade ultime de la procédure parlementaire. En vain. Le texte a été adopté, à la grande satisfaction des services du renseignement concernés.

Le coup de gueule de Jean-Marie Delarue

Samedi, l’épisode a fait sursauter Jean-Marie Delarue, l’actuel président de la Commission nationale des interceptions de sécurité (CNCIS), future ancêtre de la CNCTR : « Ne nous méprenons pas, écrit-il dans une tribune au Monde du 21 juin. Ce n’est nullement l’émigrant érythréen ou syrien qui est visé. Mais celui qui est soupçonné d’être menaçant pour les intérêts français : l’homme politique, l’homme d’affaires ou encore le vrai ou faux riche touriste… Ceux-là pourront être surveillés, par autorisation directe du Premier ministre. La commission de contrôle ne pourra, après coup, protester que si c’est un Français ou un étranger résidant en France qui aura été écouté ». Selon lui, « il s’agit désormais de permettre aux services, quels qu’ils soient, de faire ce que bon leur semble avec les étrangers de passage. »

Quid des mesures de surveillance internationale ?

La brèche ouverte par Urvoas, un des pères du texte, a finalement ému le gouvernement. Selon Le Monde, encore, l’exécutif entend déposer ce jour un amendement de suppression, soutenant lui aussi que ce régime dérogatoire s’écarte un peu trop du principe d’égalité.

Belle affaire pour son auteur qui pourra toujours se draper derrière la défense des principes constitutionnels et du citoyen, quel que soit sa nationalité ou son lieu de résidence. Rappelons cependant que le Conseil d’État a, contre son avis, estimé que la définition des données de connexion était sans doute mal définie dans le Code de la sécurité intérieure, ces fameuses données qui constituent le pétrole des outils de surveillance. Il a ainsi transmis la patate chaude au Conseil constitutionnel à la demande de la Quadrature du Net, FDN et FFDN.

L’émotion est encore sélective à Matignon face aux autres scénarios du projet de loi qui évincent tout autant l’avis préalable de la CNCTR. Il y a certes les mesures commandées par l’urgence – inutile de perdre du temps quand l’incendie menace – mais aussi et surtout ces mesures de surveillance à l’échelle internationale. Elles pourraient tout autant viser des nationaux dès lors qu’ils échangent avec une personne en dehors de nos frontières ou même se contentent d’utiliser un service en ligne non national.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Non-Français, non-résidents, tous suspects

Ne pas heurter les pratiques actuelles

Le coup de gueule de Jean-Marie Delarue

Quid des mesures de surveillance internationale ?

Fermer

Commentaires (32)








News a écrit :



il a surtout ajouté « ne pas souhaiter que la collecte de certains renseignements qui a pu se pratiquer par le passé, soit dorénavant interdite, et redouté que tel soit le cas si la commission ne retenait pas sa proposition de rédaction. »





Mais merde, comment on peut dire ça sans que ça ne choque personne (dans le gouvernement/opposition) ?



Ne serait-il pas plus simple de ne pas autoriser les étrangers sur le territoire et d’obliger les non résidents à passer un test de patriotisme après une période de quarantaine ?








Mihashi a écrit :



Mais merde, comment on peut dire ça sans que ça ne choque personne (dans le gouvernement/opposition) ?





Bof… À partir du moment où il a été acté qu’un des enjeux principaux de ce texte était de légaliser ce qui se faisait déjà de la part des services de renseignement, cette assertion n’a rien de choquant, de leur point de vue…







TaigaIV a écrit :



Ne serait-il pas plus simple de ne pas autoriser les étrangers sur le territoire et d’obliger les non résidents à passer un test de patriotisme après une période de quarantaine ?





+1 faut arrêter ce clair-obscur, à un moment



  Ça voudrait dire que, moi qui suis un voisin du nord, je viens en France, les autorités pourraient espionner tranquillement ce que je fais sans même avoir de raison valable (entendre par là, avoir l’autorisation explicite d’un juge, etc)?

 



&nbsp;Ça va vraiment être sympa de venir chez vous maintenant.. <img data-src=" />

&nbsp;

Y a des pays du moyen-orient qui font ça aussi… l’excitation en plus…

&nbsp;



&nbsp;J’exagère, mais franchement, c’est inquiétant.








WereWindle a écrit :



+1 faut arrêter ce clair-obscur, à un moment





Je me demande si les chômeurs devraient avoir un status proche des non résident ou identique à celui des étrangers.









darksky1985 a écrit :



Ça voudrait dire que, moi qui suis un voisin du nord, je viens en France, les autorités pourraient espionner tranquillement ce que je fais sans même avoir de raison valable (entendre par là, avoir l’autorisation explicite d’un juge, etc)?





Tu n’as pas un peu l’impression de te contredire ?



il pourrait faire un attentat a base de frites, de sauce King-Kong et de gauffres et t’achever avec son accent <img data-src=" />


Cela dépend aussi si les étrangers en question sont Schengen ou non&nbsp;<img data-src=" />


Cet Urvoas est vraiment un type gerbant.


France pays des collabos


On est en démocratie MAIS “au nom de l’intérêt de l’État” on fait ce qu’on veut, et ferme ta gueule sinon on a un dossier sur toi ! <img data-src=" />








TaigaIV a écrit :



Je me demande si les chômeurs devraient avoir un status proche des non résident ou identique à celui des étrangers.





On pourrait imaginer les obliger à se promener avec un signe d’instinctif comme une&nbsp;étoile de shérif par exemple <img data-src=" />









Yzokrad a écrit :



C’est vrai ça, à quand l’égalité entre français et étrangers.

 D’ailleurs supprimons la nationalité française du coup.





Absolument d’accord. Je vote pour. C’est un truc qui ne sert à rien.



“voilà un amendement qui ouvre une question nouvelle, or une telle adjonction est interdite à ce stade ultime de la procédure parlementaire. En vain. Le texte a été adopté, à la grande satisfaction des services du renseignement concernés.”&nbsp;



Non mais on se marche sur la tête là… “eh mec, on peut pas, c’est trop tard pour&nbsp;l’insérer&nbsp;et puis c’est interdit&nbsp;à&nbsp;ce stade&nbsp;- ‘ s’en&nbsp;fout, on&nbsp;fait passer, le premier qui l’ouvre en prend une !”








WereWindle a écrit :



Bof… À partir du moment où il a été acté qu’un des enjeux principaux de ce texte était de légaliser ce qui se faisait déjà de la part des services de renseignement, cette assertion n’a rien de choquant, de leur point de vue…





Pas tout à fait juste. Avant, vu que c’était pas légale, les renseignements acquis ainsi sur des français n’étaient pas recevables devant la justice. Donc à part donner du grain à moudre aux forces de police dans leur enquêtes, ils avaient aucun intérêt à cumuler les renseignements sur la populace. Maintenant que c’est légaliser, en revanche…

&nbsp;

&nbsp;





darksky1985 a écrit :



&nbsp;

Ça voudrait dire que, moi qui suis un voisin du nord, je viens en

France, les autorités pourraient espionner tranquillement ce que je fais

sans même avoir de raison valable (entendre par là, avoir

l’autorisation explicite d’un juge, etc)?





&nbsp;

Si tu crois que les SS ont attendu cette loi pour espionner des personnes qui n’ont quasiment aucun droit… <img data-src=" />









fitfat a écrit :



Pas tout à fait juste. Avant, vu que c’était pas légale, les renseignements acquis ainsi sur des français n’étaient pas recevables devant la justice. Donc à part donner du grain à moudre aux forces de police dans leur enquêtes, ils avaient aucun intérêt à cumuler les renseignements sur la populace. Maintenant que c’est légaliser, en revanche…





ah oui on est bien d’accord.



Je ne parlais ni des objectifs poursuivis, des conséquences probables. Juste de pourquoi personne ne s’offusquait sur les bancs de l’Assemblée <img data-src=" />









TaigaIV a écrit :



Je me demande si les chômeurs devraient avoir un status proche des non résident ou identique à celui des étrangers.





Impossible : ils risqueraient d’être expulsés d’ils ne trouvent pas vite un boulot !

D’ailleurs, les chômeurs n’ont pas assez de sous se payer la carte de séjour.









canard_jaune a écrit :



Impossible : ils risqueraient d’être expulsés d’ils ne trouvent pas vite un boulot !

D’ailleurs, les chômeurs n’ont pas assez de sous se payer la carte de séjour.





Je ne vois pas en quoi ça ne permettrait pas de résoudre efficacement cette épineux problème que les bien pensant n’arrive pas à solutionner depuis fort longtemps.



Une question, la loi Renseignement traite du cas des communications interceptées à l’étranger ?

Pour savoir si la DGSE peut continuer à siphonner les communications des Français avec des datacenter au Maroc…








TaigaIV a écrit :



Je ne vois pas en quoi ça ne permettrait pas de résoudre efficacement cette épineux problème que les bien pensant n’arrive pas à solutionner depuis fort longtemps.





Hé, c’est la solution la plus socialiste que tu peux faire. La solution libérale serait de supprimer le smics et d’user de l’abondance de la demande pour proposer des poste avec des salaires bas.









tazvld a écrit :



Hé, c’est la solution la plus socialiste que tu peux faire. La solution libérale serait de supprimer le smics et d’user de l’abondance de la demande pour proposer des poste avec des salaires bas.





Un petit couplage des deux propositions me semblerait fort efficace.









TaigaIV a écrit :



Un petit couplage des deux propositions me semblerait fort efficace.





Non, car il est nécessaire d’avoir une stock de chômeurs prêt à accepter n’importe quoi. Si tu vires ce stock, tu supprime l’offre de demandeurs d’emploi et c’est plus difficile de trouver un bon larbin à pas cher.



y en a des pelletés qui arrivent chaque jour par bateau, c’pas un problème ca <img data-src=" />








tazvld a écrit :



Non, car il est nécessaire d’avoir une stock de chômeurs prêt à accepter n’importe quoi. Si tu vires ce stock, tu supprime l’offre de demandeurs d’emploi et c’est plus difficile de trouver un bon larbin à pas cher.





On met en place un système permettant d’écourter la période de quarantaine au besoin (que l’on justifie par un blabla humaniste).









athlon64 a écrit :



y en a des pelletés qui arrivent chaque jour par bateau, c’pas un problème ca <img data-src=" />









TaigaIV a écrit :



On met en place un système permettant d’écourter la période de quarantaine au besoin (que l’on justifie par un blabla humaniste).





Mais en soit, ça coute moins cher de creuser une fosse publique et d’y balancer de la chaux vive de temps à autres que de mettre en œuvre des moyens pour suivre et virer les personnes n’ayant pas ou plus la nationalité française.

Après, je ne dis pas, il y a moyen de faire une entreprise de safari de “sans papier”.



ca dépend, pas oublier le cout d’éducation d’un chomeur francais par rapport au cout pour faire arriver les autres sur la cote


&nbsp;D’un côté

&nbsp;

Loi Renseignement pour une surveillance générale

&nbsp;et de l’autre côté

Manuel Valls veut inscrire la neutralité du Net dans la loi

&nbsp;

&nbsp;est-ce compatible ?



&nbsp;


Après les privilégiés non suspects par l’importance de leurs fonctions,

on a les plus suspects que les autres…

&nbsp;<img data-src=" />&nbsp;&nbsp;<img data-src=" />


“l’oreille des services du renseignement collée suite à tout franchissement de&nbsp;nos frontières.”

&nbsp;

Faudra mettre un panneau à la frontière : “Attention en France priorité aux oreilles du renseignement”








tazvld a écrit :



Hé, c’est la solution la plus socialiste que tu peux faire. La solution libérale serait de supprimer le smics et d’user de l’abondance de la demande pour proposer des poste avec des salaires bas.



et la plus réaliste (qui ne se fera jamais car justement trop réaliste et efficace, et surtout touchera l’“ennemi du président” qu’il ne faut surtout pas brusquer) : diminuer la taxation du travail, et la remplacer par une taxation infinitésimale des flux de capitaux. Et en prime, plus d’argent rentrerait dans les caisses de l’Etat.