C’est demain 12h30 que la commission mixte paritaire se réunira afin d’arbitrer les différences entre la version du projet de loi voté par les députés et celles des sénateurs. Next INpact vous propose un petit tour de piste de plusieurs d'entre elles
Les différences sont nombreuses entre l’une et l’autre version et dépassent bien souvent le stade du détail juridique mineur. D’abord, il y a la question des finalités qui permettent aux services de déployer les outils de surveillance. En clair, la porte d’entrée justifiant l’espionnage administratif.
Les finalités, selon les députés :
- L'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale
- Les intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère
- Les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France
- La prévention du terrorisme
- La prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale ou de la reconstitution ou d'actions tendant au maintien de groupements dissous en application de l'article L. 212-1
- La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées
- La prévention de la prolifération des armes de destruction massive.
Les finalités votées par les sénateurs :
- L'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale
- Les intérêts essentiels de la politique étrangère, l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère
- Les intérêts économiques et scientifiques de la France
- La prévention du terrorisme
- La prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l'article L. 212-1, et des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique
- La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées
Il y a ainsi des différences notables. On passe ainsi de 7 à 6 finalités. Mais il ne faut pas se tromper : le texte en l'état est une porte béante. Et pour cause, les sénateurs ont modifié le projet de loi afin de permettre la surveillance dès lors que sont en jeu les intérêts économiques et scientifiques français. Les députés, eux, la réservaient à la seule mise en cause des intérêts « majeurs ». Les possibilités d’action sont désormais infinies.
Autre nuance d’importance, les sénateurs ne veulent pas que les services pénitentiaires soient assimilés à des services spécialisés, à l’instar de ceux de la Défense, de Bercy ou de l’Intérieur. En contrepartie, ils proposent qu’un décret vienne détailler les conditions d’actions de ces services dans le milieu pénitentiaire. Au Sénat, pareillement, a été adopté un amendement visant à prévoir un nouvel examen du texte cinq ans après son entrée en vigueur. Seulement, on sait combien est fragile ce genre de technique puisqu’en la matière, le règne étant celui du clapet antiretour. Autre différence, plus formelle, la composition de la Commission de contrôle des techniques du renseignement passe de 13 membres (députés) à 9 (sénateurs).
Les sondes et les boites noires revues et corrigées
Dans la même veine, les sénateurs n’ont pas voulu que les sondes puissent viser « des personnes », mais « une personne » préalablement identifiée. Pour les boites noires, il a été clairement spécifié désormais qu’il s’agirait de traitements automatisés, pour ceux qui en doutaient encore. De même, les algorithmes ne pourront recueillir d'autres données que celles qui répondent à leurs paramètres de conception, un détail qu’avaient oublié (formellement) les députés. Autre chose, la détection visera des « communications susceptibles de révéler une menace terroriste ». La version des députés se contentait d'un « dispositif destiné à détecter une menace terroriste ». Selon une grille de lecture, il y a un recadrage : l’algorithme sera plus étroit, un peu moins massif, même s’il reste d’ampleur, et ne ciblera que les communications où le doute s’installe. On pourra voir un aperçu de ces différences dans notre actualité.
Ajoutons que la CNIL a été mise dans la boucle notamment au stade de la rédaction du décret qui décriera les modalités d’application des outils de surveillance. Maigre victoire pour la Commission qui pestait d’être écartée du projet de loi, notamment au stade du contrôle des fichiers sécrétés par les services.
Une seule opposante titulaire en commission mixte paritaire
Les membres de la commission mixte paritaire (CMP) se réuniront en tout cas demain pour trancher ces disharmonies. Autant le dire immédiatement, il est impossible de revenir en arrière : le texte continue sa fuite en avant. D’un, ce n’est pas le rôle de la CMP de tout torpiller, de deux, sa composition ne laisse aucune marge de manœuvre. Les sept députés désignés titulaires ont en effet tous voté pour. Chez les sénateurs, seule Cécile Cukierman (Communiste Républicain et Citoyen) a voté contre. Les six autres ont tous été favorables au texte.
Rappelons que c’est la commission des lois, commission compétente au fond, qui désigne les représentants du Sénat à la CMP. À L’Assemblée nationale, les noms sont transmis directement par les présidents de groupes.