Statut de l'hébergeur : le gouvernement réformera ou ne réformera pas ?

Nuance ou précipitation ?
Droit 4 min
Statut de l'hébergeur : le gouvernement réformera ou ne réformera pas ?
Crédits : Axelle Lemaire - Flickr (CC BY-ND 2.0)

Réformera ou réformera pas ? Pour faire court, en avril dernier, le gouvernement a adressé une note à Bruxelles pour solliciter la réforme du statut (européen) des hébergeurs. Hier, à l’Assemblée nationale, Axelle Lemaire révèle que cette réforme n’est pas soutenue par le gouvernement.

Hier, Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique était auditionnée au sein de la commission des affaires européennes dans le cadre des travaux préparatoires au conseil des ministres. Une réunion fixée au 12 juin ayant pour sujet la question des télécommunications. Elle a ainsi affirmé, tel que l’a rapporté notre confère Samuel Le Goff, que « la remise en cause du régime des hébergeurs ne fait pas partie des positions soutenues par le gouvernement français. »

Seul souci, comme l’a pointé Pascal Rogard, directeur général de la SACD, le gouvernement français milite bien pour une réforme de ce statut. En témoigne la note pour Bruxelles que les autorités françaises ont adressée en avril dernier, reprenant docilement les positions des sociétés de gestion collective. Là, le gouvernement assure que depuis l’adoption en 2000 de la directive sur la société de l’Information, trop d’intermédiaires n’ont plus le rôle « technique, automatique et passif » tel que défini par le texte.

Ainsi, certains de ces hébergeurs « jouent désormais un rôle central dans l’accès aux contenus protégés en Europe tout en restant placés largement hors du champ d’application des obligations du droit d’auteur et des droits voisins, notamment en matière de rémunération de la création. Ces intermédiaires de l’internet peuvent interagir à divers degrés sur l’offre de contenu proposé : [ils] jouent des rôles divers, allant de la présentation, la sélection, la promotion, l’affichage, la mise en ligne, la distribution, à la valorisation de contenus, par exemple en tant que régie publicitaire ». Bref, le temps serait venu de réformer tout ça, afin de faciliter leur responsabilité sur les contenus (paroles, images, sons, et autres fichiers) mis en ligne par des tiers et stockés dans leurs serveurs. Comment ?

Un couac ?

De ce couac, tel que le qualifie Électron Libre, on peut imaginer deux principales explications. D’un, les services d’Axelle Lemaire semblent avoir été tout simplement négligés, contournés, délaissés par la ministre de la Culture. Le dossier touche pourtant de plein fouet au numérique, et donc à ses cordes. La réforme du statut des hébergeurs ne serait là considérée que comme une excroissance contrariante des intérêts des seules industries culturelles. Du coup, ses partisans n’ont pas estimé nécessaire d’en souffler mot à la secrétaire d’État, feignant, à tout le moins, de ne rien comprendre aux retombées d’une telle réforme sur l’économie ou la liberté d’expression, vous savez, ce truc encore encensé lors des attentats contre Charlie Hebdo.

De deux, le gouvernement jouerait sur un terrain plus vicieux. Il ne s’agit pas de réformer à proprement parler le statut des hébergeurs, en clair l’existant, mais d’ajouter une nouvelle catégorie. Nuance. C’est en tout cas l’explication donnée par Georges Etienne Faure, conseiller technique numérique au cabinet du Premier ministre, sur son fil Twitter personnel. L’enjeu serait ainsi de créer un nouveau statut, par exemple celui des « plateformes ». Il permettrait de traiter autrement ceux qui ne sont plus considérés comme hébergeurs, en forgeant un nouveau régime de responsabilité plus direct sur les contenus stockés, dénoncés par titulaires de droits.

Imposer un principe de loyauté

Mais qu’est-ce qu’une plateforme face à un hébergeur ? Pas d’explication officielle pour l’instant, mais selon les préconisations du Conseil d’État, seraient qualifiés de plateforme tous les « services de référencement ou de classement de contenus, biens ou services édités ou fournis par des tiers, partagés sur le site de la plateforme. Une telle définition couvrirait l’ensemble des acteurs usuellement considérés aujourd’hui comme des plateformes : moteurs de recherche, réseaux sociaux, sites de partage de contenus (vidéos, musique, photos, documents, etc.), places de marché, magasins d’applications, agrégateurs de contenus ou comparateurs de prix. »

La définition est ainsi suffisamment vaste pour embrasser un grand nombre d’acteurs qui joueraient aujourd'hui cependant selon le Conseil d’État « un rôle d’intermédiaire actif dans l’accès à des contenus » (p. 272 de son dernier rapport annuel, sur le numérique). ce statut « ter », entre éditeur et hébergeur, imposerait le respect d’un principe général de loyauté, avec notamment une information sur les critères de classement et de référencement, une définition des critères de retrait de contenus licites en termes clairs, accessibles à tous, et non discriminatoires, et concernant les utilisateurs commerciaux, une notification préalable, avec un délai de réponse raisonnable, des changements de la politique de contenus ou de l’algorithme susceptibles d’affecter le référencement ou le classement.

S’y ajouterait également la mise en œuvre du notice and stay down, qui viserait aussi les hébergeurs, afin de contraindre un temps durant ces acteurs à empêcher la remise en ligne d’un contenu une première fois notifié. Un mécanisme reposant sur un système de filtrage des contenus, non des URL, avalisé juridiquement par la justice européenne et sollicité également par le rapport Imbert Quaretta sur la lutte contre la contrefaçon en ligne.

Au-delà du méli-mélo franco-français, la balle est désormais dans le camp de Bruxelles. Remarquons cependant que la fameuse obligation de loyauté, soutenue par le Conseil d’État, a déjà trouvé un certain écho au gouvernement la semaine dernière, puis lundi, chez des députés socialistes.

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