Big Data : une start-up française veut huiler les rouages entre les ayants droit et YouTube

Track and claim, une solution contre les censures injustifiées sur la plateforme vidéo ?
Economie 6 min
Big Data : une start-up française veut huiler les rouages entre les ayants droit et YouTube
Crédits : vetkit/iStock/ThinkStock

Nous avions déjà évoqué la cible de Transparency Rights Management. Cette start-up française croit au Big Data (ou mégadonnées) pour fluidifier les flux financiers entre sociétés de gestion collective et plateformes vidéos. Après avoir travaillé un temps avec la Sacem sur Dailymotion, celle-ci annonce, à l’occasion du MIDEM 2015, Track and Claim. Un outil taillé pour YouTube, en accord avec Google et la Performing Rights Society for Music (PRS). Jean François Bert, son fondateur et président, nous en explique les fondements.

Quelle est la vocation de Track and claim ?

Track and Claim est un outil permettant plus de transparence et d’efficacité dans la gestion des droits sur YouTube. Il se compose de deux strates. La première, le « Track », vise à pouvoir dire exactement pour chaque vidéo dans chaque pays du monde qui contrôle les droits (liées à la vidéo, l’enregistrement, la musique, etc.) et quelles sont les métadonnées attachées par les différents ayants droit ou ceux qui prétendent l’être. On peut donc savoir qui contrôle quoi sur quel territoire. Il faut savoir que toutes les déclarations faites par les ayant droits sont parfois contradictoires entre elles et donc inopérantes.

En clair parce que plusieurs ayants droit revendiquent une paternité sur une œuvre, alors qu’un seul pourrait le faire ?

Exactement. Sur la partie des droits d’auteurs par exemple, certains oublient parfois de dire que l’œuvre leur appartient, d’autres fois, plusieurs pensent que c’est à eux. Les questions sont ainsi multiples : est-ce que toutes les sociétés de gestion collective s’investissent assez dans leur mission de revendication ? Certaines ne sont-elles pas au contraire trop ambitieuses en revendiquant une paternité injustifiée ? Prenons un exemple : si la Sacem revendique 70 % d’une œuvre et que la PRS, équivalent Sacem outre-Manche, en revendique 50 %, le total incohérent fait 120 % et les ennuis commencent.

On a une idée de la volumétrie de ces incohérences ? Quelles sont les conséquences ?

Selon notre dernière estimation, il y a 35 % des vidéos qui souffrent ainsi d’un problème de sous-droits ou de sur-droits. Les conséquences sont douloureuses : il peut y avoir de longs retards de paiement, le temps que tout le monde se mette d’accord. Des droits peuvent aussi être versés aux mauvaises personnes, ou pire, rien n’est versé ni même perçu par YouTube compte tenu du blocage.

Est-ce ce genre de problème de multiple ou sous paternité qui vient emmêler les pinceaux de Content ID, lequel parfois censure injustement des atteintes à droits ?

Oui, Content ID (le système de détection des droits de YouTube, ndlr) est un simple outil de reconnaissance des contenus. Si suite à cette reconnaissance YouTube fait quelque chose de « stupide » c’est parce que des ayants droit, ou ceux qui se prétendent comme tels ont choisi de faire quelque chose de stupide. C’est une solution agnostique qui s’appuie sur les revendications des labels et des sociétés de gestion collective et les applique froidement. Quand on s’est penché sur ces problématiques, la solution a toujours été extrêmement logique : quelqu’un a, à un moment donné, décidé de bloquer ou fait une mauvaise déclaration de propriété qui a conduit YouTube à « censurer » quelque chose.

Mais qu’est-ce qui va justifier que votre entreprise va y arriver là où les sociétés de gestion collective ont échoué ?

Si vous voulez être crédible techniquement face à YouTube, il faut s’en donner les moyens. Transparency a beaucoup investi sur la technologie, le calcul Big Data et nous menons de multiples recherches et développements (R&D) sur ce thème.

Nous avons notamment développé cette année une capacité de traitement complexe des gros volumes de données unique au monde dans le cadre de notre R&D sur l’utilisation de Scalding-Cascading-Tez. Nous avons une vitesse de calcul entre 2 et 15 fois supérieure à l’état de l’art, et nous allons présenter nos résultats le 14 juillet au siège social de Twitter à San Francisco ainsi qu’à de nombreux acteurs du Big Data de la Silicon Valey.

Quelle est l’autre strate de votre projet ?

La première strate est le constat de la situation, c’est « le track ». La deuxième, le « claim », réside dans l’aide à la résolution de la situation : mettre à disposition des ayants droit des outils de veille, d’alertes en temps réel précisant les problèmes rencontrés sur telle vidéo dans tel pays, et des outils concrets pour optimiser la gestion des droits et la résolution des conflits.

A-t-on déjà une idée des conséquences financières d’une telle solution à deux étages ?

La résolution de conflits de ownership par Track and Claim aura deux conséquences : la première est que l’argent bloqué par YouTube à cause de ces conflits pourra enfin être redistribué aux bons ayants droit, et la seconde est que YouTube pourra monétiser plus de vidéos qui, actuellement, ne peuvent pas l’être dans certains pays à cause de ces problèmes de droits, et donc générer plus de revenus pour les créateurs. Tout le monde devrait y trouver son compte.

Comment s’est justement passée cette collaboration avec YouTube ? 

Il a fallu être très précautionneux et avancer pas après pas, cette collaboration étant axée sur une confiance mutuelle. Nous avons cependant réussi à nous faire former directement par YouTube à Londres où nous avons pu devenir « YouTube certified » sur la gestion de ces droits numériques. Nous avons maintenant un interlocuteur dédié chez Google qui nous permet d’avoir un quota de requête sur leur API conforme à nos process Big Data. Je pense que YouTube apprécie notre capacité à fluidifier les droits et à augmenter le nombre de vidéos monétisables.

Jean François Bert Transparency Rights Management
Crédits : Transparency Rights Management

Qui sont vos clients justement ? 

Toutes les sociétés qui postent des contenus sur YouTube, ou qui ont des droits sur ces contenus que ce soit dans la musique, l’audiovisuel ou le cinéma. Nous nous sommes concentrés jusqu’à présent sur la musique, car c’est là où l’on trouve le plus de conflits. Nous travaillons déjà avec la Sacem anglaise, la Performing Rights Society for Music (PRS). Cela leur permet vraiment d’optimiser leurs droits, mais d’autres sociétés préfèrent ne pas l’optimiser. À l’arrivée, cela fera une différence de revenus pour chaque créateur.

Les acteurs anglo-saxons semblent avoir compris beaucoup plus qu’en France à quel point ces problèmes de gestion de droits impactent négativement leurs revenus. Nous nous rendons souvent à Londres et aux États-Unis et nous venons d’ouvrir un bureau à San Francisco. Nous espérons pouvoir annoncer bientôt une belle coopération.

Mais quelles sont les autres SPRD, notamment en France, qui s’associent avec vous ?

Nous avons réalisé en 2013 une première mondiale en installant un marqueur dans le player de Dailymotion afin de pouvoir certifier l’usage réel des œuvres. Cela nous a permis de délivrer à la SACEM un reporting extrêmement précis pendant dix-huit mois.

Concernant YouTube, les différentes SPRD françaises de droits d’auteur et droits voisins nous expriment régulièrement leur intérêt fort pour une solution optimisant leur gestion des droits sur cette plateforme, mais ces sociétés ont des processus de décision très longs peu adaptés à la réalité numérique.

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