Loi Macron : des députés ne veulent pas de l’amendement anti-Google

Et expliquent pourquoi
Droit 5 min
Loi Macron : des députés ne veulent pas de l’amendement anti-Google
Crédits : aristotoo/iStock

Le projet de loi Macron n’a pas trouvé de terrain d’arbitrage entre la version votée par les sénateurs et celles des députés. Résultat des courses, le texte revient à partir d’aujourd’hui en commission à l’Assemblée nationale. Là, des parlementaires s’opposent bec et ongles à l’amendement visant à réguler davantage les moteurs de recherches, du moins dans sa logique actuelle.

En avril dernier, les sénateurs avaient voté l’amendement dit anti-Google. Déposé par trois présidents de commission au Sénat, l’UDI Catherine Morin-Desailly (Culture), les UMP Jean Bizet (Affaires européennes) et Jean-Claude Lenoir (Affaires économiques), ainsi que par les sénateurs Bruno Retailleau (UMP) et Chantal Jouanno (UDI), le texte a une logique simple : dès lors qu’un moteur a « un effet structurant sur le fonctionnement de l’économie numérique », il est contraint à une série d’obligations.

Et si Google faisait de la pub pour Bing ?

Quelles obligations ? Citons afficher sur sa page d’accueil de liens vers trois autres moteurs de recherche « sans lien juridique avec cet exploitant ». Détailler les « principes généraux de classement ou de référencement proposés », en imposant une obligation générale de « loyauté » et de non-discrimination, sans que soient favorisés « ses propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec lui ». Enfin, s’interdire d’obliger « un tiers proposant des solutions logicielles ou des appareils de communications électroniques à utiliser, de façon exclusive, ledit moteur de recherche pour accéder à Internet ». Pour les contrevenants, ces obligations seraient alors sanctionnées lourdement par l’ARCEP, avec une amende pouvant être portée à 10 % du chiffre d’affaires mondial.

Selon Catherine Morin-Desailly, l’enjeu est de protéger nos acteurs face aux géants, au hasard américains. « Il y a aujourd’hui des abus de position dominante qui se conjuguent avec la question des données personnelles, lesquelles permettent d’affiner encore et toujours plus le marketing et l’orientation des consommateurs sur la Toile, tout cela en générant de plus en plus de bénéfice et sapant l’action publique ». « Doit-on être demain les acteurs ou les simples consommateurs de cet agenda numérique ? » se demande-t-elle.

L’opposition du gouvernement, un possible plan B

L'enjeu de cet amendement est aussi de faire sortir l’exécutif du bois. Comment celui-ci qui n’a cessé de critiquer les positions des géants américains allait-il s’y opposer ? Lors des débats au Sénat, justement, le gouvernement s’est montré très tiède à l’idée de voir voter une telle disposition. Au Sénat, Emmanuel Macron y a vu une « atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ». Selon lui, « ce serait comme demander à Renault de faire de la publicité pour Peugeot sur ses pare-brise ». Au surplus, confier le képi à l’ARCEP n’est pas judicieux puisque le problème est concurrentiel, non sectoriel. Enfin, ce dossier est sur le feu à Bruxelles et ces dispositions ne sont pas opérantes puisque Google n’est qu’une régie en France.

D’après le ministre de l’Économie, il serait d’ailleurs plus opportun de jouer sur le levier du droit de la consommation. « La loi du 17 mars 2014 donne une base : l'article L. 111-5 du code de la consommation sur les comparateurs de prix ayant un siège en France. Plutôt que de réguler les plateformes, donnons aux consommateurs la possibilité de faire valoir leurs droits. Lançons et multiplions les contrôles. »

Comme révélé vendredi, le Gouvernement a dans ses cartons un amendement visant à muscler ces règles issues du droit de la consommation. Il propose une meilleure régulation des commentaires en ligne placés sur les comparateurs de prix, un encadrement plus strict des marketplaces, mais aussi et surtout impose une série de règles dès lors qu’un service en ligne met en relation deux consommateurs voire deux non professionnels.

Obligation de fournir une « information loyale, claire et transparente » et de décrire « les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne », ou encore mise en place d’« un mode de règlement extrajudiciaire des litiges ». Seulement, ces dispositions n’ont pas été bien accueillies par les professionnels français. D’une part, le sujet est lui aussi à l’étude, cette fois au Conseil national de la Consommation. Pourquoi donc contourner ces travaux ? De deux, ils peuvent craindre une régulation peu glorieuse où finalement les acteurs étrangers seraient épargnés…

Ces critiques semblent être partagées puisque selon une source gouvernementale, l’exécutif aurait finalement décidé de ne pas le déposer. Il faudra voir donc si un texte de remplacement ne lui sera pas substitué.

Déjà des amendements de suppression chez les députés

Cependant, en l’état, l’amendement sénatorial demeure. De leur côté, d’autres députés entendent bien l’éradiquer du projet de loi sur la croissance.

Lionel Tardy, par exemple, a déposé cet amendement de suppression. S’il comprend la logique du texte voulu par les sénateurs, le député de Haute-Savoie estime que « les questions de monopole et d’information des utilisateurs doivent être traitées a minima au niveau européen. Imposer des obligations franco-françaises sur Internet n’est pas pertinent ». Il démonte dans la foulée chacune des obligations qui seraient imposées aux moteurs : « peut-on imaginer d’imposer à n’importe quelle entreprise d’obliger à faire référence à ses concurrents ? C’est pourtant ce qui est proposé ici. Or, les internautes sont autonomes et parfaitement libres d’utiliser les moteurs de recherche qu’ils souhaitent ». De même, il constate que « la notion de « moteur de recherche susceptible, compte tenu de son audience, d’avoir un effet structurant sur le fonctionnement de l’économie numérique » n’est pas définie ». Au final, il partage l’avis d’Emmanuel Macron : « il n’est pas sûr que l’ARCEP soit l’autorité pertinente pour réguler les moteurs de recherche ». Bref, selon lui, pareillement, « mieux vaut donc laisser la Commission européenne avancer sur ce sujet ».

Du côté de l’UDI, Yves Jégo n’en veut pas davantage. Avec d’autres parlementaires du groupe, le président du parti réclame aussi la suppression pure et simple de cette disposition. « Les objectifs poursuivis sont légitimes, mais ceux-ci doivent faire l’objet d’une véritable étude d’impact préalable et nécessitent d’être traités au niveau européen plutôt que national. Les risques de pénaliser les entreprises françaises et de porter atteinte à l’attractivité numérique de la France sont sérieux. Par ailleurs, les mesures proposées portent atteinte à la liberté d’entreprendre, rendant leur constitutionnalité incertaine ». Enfin, selon le collègue de Catherine Morin-Desailly, « ces mesures pourraient être considérées comme méconnaissant aussi les principes communautaires de libre prestation de service et de liberté d’établissement ».

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