Alors que l’examen du projet de loi sur le dialogue social débute cet après-midi à l’Assemblée nationale, de nombreux députés de la majorité ont déposé des amendements visant à ce que le syndrome dit d’épuisement professionnel (également appelé « burn-out ») soit plus facilement reconnu comme une maladie professionnelle. Pour ces élus de la majorité, il n’est pas normal que l’Assurance maladie prenne en charge les effets désastreux du management de certains employeurs.
« Environ 3,2 millions d’actifs (soit près de 12 % de la population active) risquent un épuisement nerveux au travail. Les cas d’épuisement professionnel touchent les salariés dans toutes sortes d’activités, qu’ils soient employés, cadres, artisans ou agriculteurs » affirme l’ancien ministre « frondeur » Benoît Hamon au travers d’un de ses amendements. Soutenu par une soixantaine de députés socialistes et écologistes, l’élu déplore « la pression exercée sur les salariés aux fins d’une productivité toujours accrue », à l’heure où les emails et coups de téléphone à caractère professionnel ont tendance à s’immiscer de plus en plus dans la sphère privée – notamment via les smartphones.
Difficile reconnaissance des maladies professionnelles
Le problème est qu’il est aujourd’hui très difficile de faire reconnaître la responsabilité de son employeur dans un burn-out. « Les pathologies psychiques ne relèvent pas de l’accident du travail en raison de l’absence de soudaineté » expliquent en ce sens les députés. Étant donné que le syndrome d’épuisement professionnel ne figure pas non plus dans le tableau des maladies professionnelles, les parlementaires veulent faciliter l’instruction des dossiers de burn-out examinés au cas par cas par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles.
Comment ? En prévoyant que les « affections psychiques » soient explicitement prises en compte lors de l’examen de ces dossiers. Et pour cause, pour les cas de dépression par exemple, le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) se situe généralement entre 10 et 15 % – bien loin du minimum requis de 25 % pour la présentation d’une demande. Deux amendements ont ainsi été déposés afin que ces affections fassent l’objet d’un « traitement » ou d’un « pourcentage différencié ».
Un troisième amendement, plus ambitieux, propose de prendre en compte « toute affection ou tout symptôme médicalement constaté liés au surmenage d’origine professionnelle ». La preuve de l’origine professionnelle de la maladie serait d’ailleurs « réputée établie sur attestation conjointe du médecin du travail et de l’inspecteur du travail ». « Il n’est pas normal que les effets de cette pression, comptabilisée en congés, pèsent sur le système de l’assurance-maladie alors que la responsabilité de l’employeur est seule en cause » clament les auteurs de cet amendement, parmi lesquels figure encore Benoît Hamon.
Bras de fer entre députés de la majorité et gouvernement
L’ensemble du groupe socialiste a par ailleurs déposé un amendement obligeant le gouvernement à remettre au Parlement, « avant le 1er septembre 2015, un rapport sur l’intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles ou l’abaissement du seuil d’incapacité permanente partielle pour ces mêmes affections ».
Leur exposé des motifs a cependant des airs d’ultimatum : « Nous demandons que ce seuil qualificatif [de 25 %, ndlr] soit supprimé à l’horizon de 3 ans comme c’est le cas en Suède aujourd’hui où tous les dossiers sont considérés même si bien entendu au final tous ne font pas l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle. Ce seuil pourrait être abaissé très rapidement dans un premier temps à 10 % pour les maladies psychiques. A maxima, nous demandons que le tableau des maladies professionnelles intègre deux éléments supplémentaires : la dépression suite à un épuisement professionnel et le stress post traumatique. Il ne s’agit pas de définir un système punitif mais de s’engager dans la voie de la responsabilité partagée et ce pour le bien commun » concluent les députés PS, auxquels se sont joints quelques écologistes.
Restera maintenant à voir qui remporte ce bras de fer. Selon Les Échos, l’exécutif ne serait pas encore prêt à aller aussi loin. « Le lobbying du patronat, déjà très remonté contre la création actuelle du compte pénibilité physique, pèse lourd, d’autant que la démarche est jugée bien incertaine, sinon impossible » expliquent nos confrères.
Le gouvernement a néanmoins déposé un amendement prévoyant que « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle » dans les conditions posées par l'actuel Code de la sécurité sociale. Nuance. « La prise en compte de ces pathologies se fera via le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles, l’inscription dans le tableau des maladies professionnelles n’étant pas adaptée à la spécificité et à la complexité de ces pathologies » indique l'exécutif. Fin du suspense dans quelques jours, lorsque ces amendements seront examinés en séance publique.