Pas moins de 30 ans après Au-delà du Dôme du Tonnerre, Georges Miller nous revient avec un quatrième opus de Mad Max : Fury Road. Une suite à la trilogie qui veut relancer la saga, comme d'autres le font avec Star Wars et Star Trek. Un pari risqué, qui semble plutôt réussi... surtout pour les adeptes du genre.
La trilogie Mad Max est l'un de ces objets étranges issus du fin fond des années 80 dont on ne sait pas trop quoi penser. La plupart des trentenaires s'en souviennent à peine, ce qui suffit à générer un brin de nostalgie et à lui conférer tout juste ce qu'il faut de hype 30 ans plus tard pour relancer la machine. Et ce, même si les trois opus sortis respectivement en 1979, 1981 et 1985 n'ont pas très bien vieilli malgré de réelles qualités.
Mad Max : un flic de la route des années 80, tenté par le côté obscur
Car il est toujours bon de se remémorer que Mad Max et son mythique « aigle de la route », c'était au départ l'histoire d'un monde à la dérive suite à une guerre entre puissances mondiales afin de contrôler la production de pétrole. Une guerre qui aura finalement ravagé la planète, laissant une population ulcérée et des forces de l'ordre débordées, à la merci des pillards, à voiture ou en moto. Une dystopie largement inspirée des ravages des accidents de la route de l'époque et du premier choc pétrolier de 1973.
Un contexte favorable à tous les chamboulements, et notamment à celui qui était au centre de l'intrigue : la dérive de Max Rockatansky, héros en devenir de la MFP (Main Force Patrol), qui va finalement sombrer dans une folie meurtrière afin de venger les siens. L'occasion de découvrir un Mel Gibson perdu sur les routes australiennes alors qu'il n'avait que 23 ans.
Un premier film qui n'était pas vraiment violent de manière directe, mais plutôt par son ambiance et le contexte qui y était décrit. Il a néanmoins été interdit en France aux moins de 18 ans à sa sortie, qui dû attendre 1982. Le film avait alors été réduit de six minutes par la censure. Réévalué, quelques années plus tard, il n'était plus interdit qu'aux moins de 16 ans. Le mois dernier, cela était limité aux moins de 12 ans... de quoi faciliter sa rediffusion dans les salles de cinéma.
Une trilogie avant tout construite autour d'une dynamique efficace
Les deux opus suivants étaient quelques peu différents et plus travaillés. Mais dans tous les cas, on retrouvait toujours le même cocktail : un monde ravagé où s'opposent ceux qui cherchent à reconstruire une civilisation de manière saine et ceux qui sont prêts à tous les sacrifices pour s'imposer à la tête de la chaîne alimentaire et pour gagner tant en importance qu'en puissance.
Mad Max II, sorti aux USA sous le titre The Road Warrior afin d'éviter d'apparaître comme la suite d'un film qui n'avait pas très bien fonctionné outre-Atlantique, était donc surtout l'occasion de compléter le contexte et s'ouvrait d'ailleurs sur une explication plus détaillée de ce qui avait mené le monde à sa perte, et de comment « l'homme commença à se nourrir de l'homme ». Il renforçait aussi la mythologie de ce bon vieux Max, précisant au passage certains éléments restés en suspens à la fin du premier film.
La matière première à conquérir était toujours le pétrole, mais l'on commençait à voir naître des structures plus organisées de chaque côté, chacune allant connaître son lot de désillusions et de batailles perdues. Max, lui, était alors dans une phase où il devait se retrouver, apprendre à faire partie d'un groupe afin d'avancer. Un cap qu'il ne franchira jamais car s'il se résout toujours à finir par défendre la veuve et l'orphelin, il le fait en restant un guerrier solitaire, qui trace sa route une fois sa mission accomplie.
C'est d'ailleurs ainsi qu'on le retrouvera dans le dernier opus de la trilogie, Au-delà du Dôme du Tonnerre, un film plus punk/tatoué et un peu plus travaillé au niveau de ses univers, avec une Tina Turner qui campe une reine guerrière prête à tout pour asseoir sa position. Et là encore, on retrouvera le schéma partagé par les trois films : Max va dérouiller, il va devoir décider d'aider ou non des opprimés qui tentent de survivre en profitant de leur environnement, et tout va se terminer dans une bataille à coups de véhicules et de stratégies de guerre routière toujours plus folle, qui occupera une bonne partie du film, le tout sur fond de décors diablement bien filmés et d'une bande originale efficace.
Et si l'énergie était une fois de plus au cœur des appétits et des quelques feuilles qui suffisent à faire tenir le scénario, on est passé du pétrole au méthane avec une pointe de paranoïa radioactive introduite dès les première minutes du film, et l'on a surtout gagné un élément essentiel : ce qui compte, c'est de détenir le savoir et le contrôle de la connaissance permettant de réussir à générer cette énergie. Tout un programme.
Le cinéma continue de ressortir ses vieux succès...
Autant dire que lorsque l'on apprend, 30 ans plus tard, que George Miller décide de faire revivre cette franchise née avant nous, après la réalisation de Babe et Happy Feet (heureusement, il a d'autres réussites à son actif), on s'attend à tout. Car le pari était osé et risqué. Il fallait parvenir à reprendre les éléments du succès, tout en parvenant à réadapter l'ensemble à notre époque et au public actuel, sans partir dans une surenchère. Car Mad Max, c'est avant tout l'histoire d'un monde où plus rien n'existe, où la technologie n'a pas vraiment sa place et où la violence fait loi.

Ce quatrième opus, Fury Road, ne se veut pas forcément comme une suite de la première trilogie. Mel Gibson n'y a d'ailleurs pas sa place, puisque le rôle-titre est repris par un Tom Hardy tout en puissance, qui se fera tondre sa tignasse dès les premières minutes du film, ce qui est aussi une habitude de ce bon vieux Max. Ces premiers instants donnent aussi largement le ton : les couleurs sont chaudes, les images superbes, le rythme effréné... et notre héros est vraiment devenu fou. Vous voulez de la profondeur et du scénario, passez votre chemin, ici l'on est bien dans un Mad Max pure souche.
On retrouve donc tous les éléments de la saga, repris de manière assez fidèle, boîte à musique et V8 Interceptor (rapidement) incluses. C'est plutôt logique puisque Miller est toujours aux commandes. La violence sera par contre bien plus présente, alors que les précédents films étaient le plus souvent dans la suggestion. Pour autant, le film n'a droit qu'à un avertissement sur le fait que certaines scènes peuvent choquer. Comme quoi les mœurs évoluent avec les époques.
... mais pour un résultat réussi, il faut revoir sa copie
Bien entendu, l'enjeu du film a aussi été réévalué. Pas question de voir le pétrole comme la matière première de l'avenir en 2015. D'autant plus qu'avec un baril à 60/70 dollars, on est loin de se retrouver dans une situation de choc pétrolier. Non, cette fois, c'est la recherche de l'immortalité et les bidouilles biologiques qui sont au centre des préocuppations. L'eau, le lait maternel et le sang sont les nouvelles drogues d'un monde dirigé par un trio de vieux fous, dont Immortan Joe, qui dispose d'une armée de kamikazes nés dans des éprouvettes.

Ce bon vieux Max va donc une fois de plus se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment, et va devoir aider malgré lui une Charlize Theron, exceptionnelle dans n'importe quel rôle, qui campe une impératrice Furiosa dotée d'un bras mécanique et d'une bonne dose de folie, elle aussi. Une guerrière dont la mission ne va pas se dérouler comme prévu, et qui va se retrouver à affronter le désert (entre autres) pour trouver le salut.
Un second premier rôle qui prend presque le dessus sur celui de Tom Hardy, mais qui est malheureusement un peu trop entâché par une bonne dose de « fan service », et un Max le plus souvent muet, qui n'arrive presque que pour sauver ces demoiselles en détresse grâce à sa bonne grosse dose de testostérone. Ce qui montre, s'il en était besoin, que les mœurs de l'époque n'ont pas d'impact que sur la surenchère en matière de violence. C'est d'autant plus regrettable que cela éteint presque tout l'intérêt des seconds rôles, à l'exception d'un Nicholas Hoult qui arrive à nous surprendre avec son Nux sur lequel on ne misait pas un copeck.
Un film pour les adeptes de Mad Max avant tout
Outre les deux acteurs principaux et ces quelques ratés, on ne peut trouver que des qualités à ce Fury Road. Le rythme est bon, réussissant à bien doser les scènes d'accalmie dans les deux heures que dure le film. La bande originale est détonnante, ce qui est bien aidé par un guitariste enflammé, constamment présent sur le champ de bataille : une idée géniale. Les paysages sont superbement filmés et traités (plus de 100 millions de dollars de budget, ça aide), même si l'on note une grosse présence de numérique hors des cascades, ce qui ne plaira sans doute pas aux puristes. Cela permet néanmoins de donner encore plus de force aux différentes scènes d'action et de combat.
Sur ce point, véhicules et armes ont réussi à s'améliorer et à nous réserver quelques surprises, tout en évitant une surenchère technologique. Il en est de même pour les différentes factions en place et l'univers qui, s'il n'est pas vraiment très creusé, est plutôt bien travaillé notamment du point de vue graphique.
Et c'est là que l'on arrive au réel problème de ce Mad Max : Fury Road. Si vous n'aimez pas la franchise, ou même les films où l'action et la réalisation prennent le pas sur tout le reste, et notamment sur le scénario ou la profondeur des personnages, passez votre chemin. Ici, on vient pour en prendre plein les mirettes et retrouver une saga qui avait bien besoin d'un relooking, capable de vous faire oublier n'importe quel Fast & Furious, pas pour faire travailler la cervelle.
D'ailleurs, on se dit que si Mad Max en avait une, il aurait arrêté de fuir sans cesse les balbutiements de civilisations qu'il a contribué à sauver jusque-là. Mais cela aurait limité la possibilité de voir arriver ce quatrième film. Un autre semble d'ailleurs prévu, pour 2017.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, Mad Max : Fury Road a droit à une note de 4,4 chez Allociné et de 8,9 chez IMDb. Il n'est pas encore disponible en précommande, mais vous pouvez vous rabattre sur la précédente trilogie, proposée à moins de 30 euros en édition Prestige.