Dans le cadre des débats relatifs à la loi Macron, le Sénat a adopté hier un amendement autorisant les commerces de détail de biens culturels, et en particulier les libraires, à ouvrir chaque dimanche. Il s’agit là d’une revendication portée notamment par la FNAC, qui pointait il y a peu la concurrence du cybermarchand Amazon et la différence de traitement vis-à-vis des magasins de bricolage.
Dérogation pour les librairies, disquaires, magasins de jeux vidéo...
Selon la dizaine de sénateurs UMP à l’origine de cet amendement, l’ouverture dominicale devrait « permettre au commerce culturel de proximité, notamment du livre, de faire face à la concurrence exponentielle d’Internet, dont les ventes le dimanche sont les plus importantes, de maintenir son implantation de proximité au cœur des villes, et ainsi de continuer à permettre un accès aisé aux produits culturels ».
Sur un plan juridique, ces élus menés par Philippe Dominati proposaient de modifier le Code du travail de telle sorte que les « commerces de détail de biens culturels » (libraires, disquaires, magasins de jeux vidéo...) puissent expressément « déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos [de leurs salariés, ndlr] par roulement ». Ces magasins devraient ainsi rejoindre les bureaux de tabac, restaurants, fleuristes, musées, etc. autorisés à fonctionner le dimanche sans autorisation préalable, en raison de leurs contraintes de production et des besoins du public.
Même si cette façon de légiférer semble cavalière, dans la mesure où le Code du travail prévoit actuellement que cette liste des établissements pouvant ouvrir à leur guise les dimanches est déterminée par décret ministériel (c’est ce qu’il s’est passé l’année dernière pour les magasins de bricolage), Emmanuel Macron n’a pas émis d’avis défavorable à cet amendement. Le locataire de Bercy s’en est en effet remis à la « sagesse » des parlementaires, sans davantage de commentaires.
« On peut acheter un livre le samedi et le lire le dimanche »
Du côté des sénateurs, en revanche, la proposition a rapidement fait mouche. « Les cinémas, les théâtres, les salles de concert sont ouverts le dimanche. Seules les librairies resteraient fermées ? Elles sont pourtant les plus durement frappées par la concurrence d'internet » a embrayé l’UMP Roger Karoutchi, suivi par la socialiste Nicole Bricq : « Les magasins de bricolage et de meubles sont ouverts le dimanche et pas les enseignes culturelles ? Cela n'a pas de justification. La logique est certes au zonage et à la clarification. Mais on ne se nourrit pas que de nourritures matérielles... »
Quelques réticences se sont toutefois fait entendre sur les bancs écologistes et communistes. « La comparaison avec le cinéma ou le théâtre est trompeuse : ces spectacles sont en direct, alors que l'on peut acheter un livre le samedi et le lire le dimanche... » a ainsi rétorqué Jean Desessard (EELV). « L'ouverture des cinémas et théâtres le dimanche est encadrée par le Code du travail, des compensations sont prévues. Les salariés des enseignes culturelles en bénéficieront-ils ? Ne risque-t-on pas un alignement des garanties par le bas ? » s’est de son côté inquiétée la communiste Annie David. Avant de signifier que son groupe ne voterai pas cet amendement : « Nous en revenons à une question philosophique, quelle société voulons-nous ? Une société où nous ne pourrions à aucun moment échapper à la frénésie de la consommation ? De cette société-là nous ne voulons pas. Il faut arrêter l'hémorragie ! »
Ces mises en garde n’ont toutefois pas convaincu les autres sénateurs en présence, puisque l’amendement a été adopté par une assemblée désormais passée à droite. Malgré tout, il faudra encore attendre le 12 mai pour savoir si les élus du Palais du Luxembourg voteront l’ensemble du projet de loi Macron, faute de quoi toutes les modifications apportées au cours des dernières semaines seraient réduites en poussières.