Comme nous l’avait confié Michel Tubiana, la FIDH et la LDH viennent d'annoncer le dépôt d'un recours auprès du Procureur général de Paris, à l’encontre du classement sans suite de leur plainte visant le programme « Prism à la française » (lire ci-dessous). « Cette décision, qui repose sur des motifs fallacieux, démontre l’absence de volonté du Parquet de Paris de faire la lumière sur les agissements des services de renseignements français. Une telle position, dans un contexte où le projet de loi sur le renseignement est largement contesté, est inacceptable » a fait savoir Patrick Baudouin, avocat et président d’honneur de la FIDH, au travers d’un communiqué.
Alors que les récents débats autour du projet de loi sur le renseignement ont souligné que les pratiques des services secrets n’étaient parfois pas encadrées, le Parquet de Paris vient de classer « sans suite » la plainte déposée par la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et la Ligue française des droits de l'Homme (LDH) à l’encontre notamment du « Prism à la française ». Les deux associations ne comptent pas pour autant baisser les bras.
Prism à la française, PNCD... Révélations en série sur les pratiques des services français
C’est par une plainte contre X déposée le 26 décembre 2014 devant le tribunal de grande instance de Paris que la LDH et la FIDH avaient décidé d’agir. Les deux organisations cherchaient à faire la lumière sur les pratiques des services de renseignement français, telles que décrites par exemple au travers d'un article du Monde en date de juillet 2013.
Alors que les révélations d’Edward Snowden battaient leur plein, nos confrères affirmaient que « la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, les services spéciaux) collecte systématiquement les signaux électromagnétiques émis par les ordinateurs ou les téléphones en France, tout comme les flux entre les Français et l'étranger : la totalité de nos communications sont espionnées. L'ensemble des mails, des SMS, des relevés d'appels téléphoniques, des accès à Facebook, Twitter, sont ensuite stockés pendant des années ». S’inquiétant de la portée de ces affirmations, les deux organisations estimaient qu’il pourrait y avoir de nombreuses atteintes à la législation française :
- Accès et maintien frauduleux dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données. Un délit passible d’une peine maximale de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende.
- Collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite. Un délit passible de cinq ans de prison et de 300 000 euros d'amende.
- Atteinte volontaire à l'intimité de la vie privée. Un délit passible d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
- Utilisation et conservation d'enregistrements et de documents obtenus par le moyen d'une atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui. Un délit passible lui aussi d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende.
- Atteinte au secret des correspondances électroniques. Un délit passible encore une fois d’une peine maximale d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende.
Sauf que le Parquet de Paris ne l’a pas entendu de cette oreille. Comme l'a rapporté Charlie Hebdo, le ministère public a en effet décidé de classer cette plainte sans suite le 13 avril dernier, le procureur ayant estimé qu’il n’y avait aucune raison d’engager des poursuites.
« Les faits dénoncés ne relèvent pas d'une infraction », nous a expliqué le Parquet de Paris. « Dans leur plainte, la FIDH et la LDH relevaient une insuffisance de la loi française au regard de l'article 8 de la CEDH ; et, au terme de cette insuffisance, la plainte indiquait que pouvaient être dénoncés des faits d'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, d'atteinte à l'intimité de la vie privée, etc. En réalité, le Parquet a classé sans suite pour absence d'infraction en considérant que l'élément intentionnel de l'infraction ne pouvait en aucun cas être caractérisé puisque c'est au contraire la loi française qui est le fondement des interceptions. »
La décision de classement sans suite pourrait être contestée par la LDH et la FIDH
L’affaire devrait donc en rester là, à moins que la FIDH ou la LDH ne décident de déposer une nouvelle plainte, cette fois avec constitution de partie civile. Cette procédure permet de demander directement au juge l’ouverture d’une information judiciaire. C’est d’ailleurs le chemin qu’ont suivi les deux organisations il y a quelques semaines, afin de relancer une seconde plainte contre X déposée cette fois à l’encontre du programme américain de surveillance Prism (voir notre article).
Contacté par Next Inpact, le président de la LDH Michel Tubiana explique : « Il est plus probable que nous demandions au Procureur général, comme la procédure nous y autorise, d'infirmer la décision de son Procureur de la République en s'appuyant notamment sur les nouvelles déclarations du président de la République qui confortent ce que nous avions mentionné dans notre plainte, c'est-à-dire l'existence de méthodes illégales utilisées par les services français. » Interrogé il y a une dizaine de jours par Maïtena Biraben sur Canal+, le chef de l’État a en effet reconnu qu’il existait des pratiques qui n’étaient pas encadrées par la loi.