Le délit de consultation habituelle de sites terroristes de retour à l’Assemblée

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Droit 4 min
Le délit de consultation habituelle de sites terroristes de retour à l’Assemblée
Crédits : shironosov/iStock/ThinkStock

Le député-maire de Nice Christian Estrosi a déposé il y a une dizaine de jours une proposition de loi visant à muscler une nouvelle fois l’arsenal législatif anti-terroriste. Ce texte, co-signé par une quarantaine de parlementaires de l’opposition, remet sur la table le délit de consultation habituelle de sites terroristes porté – jusqu’ici en vain – par Nicolas Sarkozy et plusieurs de ses fervents supporters.

Un véritable serpent de mer

L’UMP ne lâche pas le morceau. Alors que la dernière loi anti-terroriste date de novembre 2014, voilà qu’une poignée d’élus du parti de Nicolas Sarkozy souhaite que le législateur donne au pays « les moyens de gagner la guerre qui nous est déclarée aujourd’hui », notamment suite aux attentats de Charlie Hebdo. Au programme : la création d’un vaste fichier censé « recenser les personnes identifiées comme étant suspectées d’appartenir à une entreprise terroriste », possibilité pour les forces de l’ordre de poser des balises sans obtenir l’aval d’un magistrat, etc.

Mais on retrouve surtout un vieux serpent de mer : l’introduction au sein du Code pénal d’un nouveau délit de « consultation régulière de sites terroristes ». Plus précisément, le fait de « consulter de façon habituelle » des sites ou réseaux sociaux (Facebook, Twitter...) pourrait être selon ce texte puni d’une peine maximale de 5 ans de prison et de 75 000 euros d’amende, dès lors qu’il y aurait soit :

  • Mise à disposition de messages « incitant directement à des actes de terrorisme »,
  • Mise à disposition de messages « faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ces messages comportent des images montrant la commission d’actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie »,
  • Échange de « messages électroniques publics ou privés » comportant des images relatives à la commission d’actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie (meutre, tortures...).

Par ailleurs, « le fait d’offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image faisant l’apologie du terrorisme, par quelque moyen que ce soit, de l’importer ou de l’exporter, de la faire importer ou de la faire exporter » serait passible des mêmes peines.

Seule exception à ces dispositions : si ces consultations ou échanges résultent de « l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public », interviennent « dans le cadre de recherches scientifiques » ou sont réalisés « afin de servir de preuve en justice ». En clair, il s’agit de protéger les journalistes, historiens, huissiers de justice, etc. La proposition de loi ne précise cependant pas à partir de quel seuil une consultation de sites sera considérée comme « habituelle ».

Des dispositions plus larges et plus musclées que celles prévues sous Nicolas Sarkozy

Restera maintenant à voir si cette énième proposition de loi consacrée au terrorisme sera inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale – ce qui est assez rarement le cas dans la pratique. On retiendra surtout que ce nouveau délit, enfanté au lendemain des attentats de Mohammed Merah, au beau milieu de la campagne présidentielle de 2012, a une nouvelle fois été aiguisé par ses partisans. Non seulement les peines sont plus que doublées par rapport à celles prévues par le ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy (Michel Mercier proposait jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende), mais en plus il est cette fois question d’englober les correspondances privées des réseaux sociaux – exclues jusqu’ici du dispositif. Ce qui rendrait néanmoins l’application de ce nouveau délit déjà très critiqué encore plus délicate...

Jusqu’ici, la majorité s’est toujours opposée à ce que la consultation habituelle des sites terroristes ne devienne en soi un délit, alors que les tentatives furent nombreuses, notamment par voie d’amendements (voir par exemple ici ou ). En juin dernier, c’est au travers d’une proposition de loi que plusieurs élus UMP ont une nouvelle fois tenté de transformer l’essai, en vain.

« On sait que le Conseil d’État, depuis l’examen de la loi antiterroriste de décembre 2012, estime que cette incrimination constituerait une violation disproportionnée de la liberté d’opinion et de communication garantie par la Constitution (...). Plus encore, comment définir la « consultation habituelle » ? En l’absence de définition claire, comment garantir le principe de légalité des délits et des peines ? Il y a là une question que le juge pénal ne pourra pas résoudre et qui mènerait certainement le Conseil constitutionnel à censurer » ce nouveau délit, avait notamment opposé le secrétaire d’État Jean-Marie Le Guen lors des débats parlementaires

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