Hubble fête aujourd'hui même ses 25 ans dans l'espace. Après trois premières années compliquées et une frayeur liée au « bug de l'an 2000 », le télescope spatial a capturé des milliers d'images et a permis des avancées majeures dans certains domaines. Mais la relève est déjà en route avec le James Webb Space Telescope qui promet d'être 100 fois plus puissant.
Le 24 avril 1990, la NASA lançait une navette Discovery avec à son bord le télescope spatial Hubble. Il porte ce nom en l'hommage de l'astronome Edwin Hubble décédé en 1953. La mission était un succès et, dès le lendemain, les astronautes ont pu placer le télescope en orbite à près de 600 km de la Terre. Partenaire de ce projet, le CNES indique qu'il s'agit du « fruit d'un long travail de recherche de la NASA et de l'Agence Spatiale européenne ».
Hubble : un télescope de 11 tonnes qui tourne autour de la Terre à plus de 28 000 km/h...
Coût de l'opération au moment du lancement : 1,5 milliard de dollars... bien plus quelques années plus tard. Pour la petite histoire, Hubble ressemble à un gros tube avec des panneaux solaires en guise de bras. Il pèse la bagatelle de 11,11 tonnes et mesure 13,2 m de long sur 4,2 m de large. Sa vitesse de croisière est de 28 000 km/h et il fait le tour de la Terre en près de 97 minutes, ce qui limite ses possibilités pour photographier notre belle planète dans de bonnes conditions, qu'importe ce n'est pas son objectif.
Il dispose de deux miroirs : un primaire de 828 kg avec un diamètre de 2,4 m et un secondaire de 12,3 kg et 0,3 m. Sa consommation électrique moyenne est de 3 000 watts, soit « environ la même quantité d'énergie que les ampoules de 30 ménages » précise la NASA. Il peut observer la quasi-totalité de l'espace, hormis le Soleil et Mercure qui est trop proche du Soleil, dans un spectre allant de l'ultraviolet à l'infrarouge (longueurs d'onde de 110 à 2500 nm).
L'ESA organise un concours de vidéos hommage à Hubble. Voici les derniers participants en lice
... mais qui fait des photos floues à ses débuts
Le principal avantage de Hubble est qu'il s'agit d'un télescope spatial, il n'est donc pas gêné par la pollution lumineuse des villes sur la Terre, les nuages, la pollution, etc. Les seuls éléments qui peuvent venir le perturber sont les rayons cosmiques, les satellites et les débris qui tournent inlassablement autour de la Terre.
Le premier cliché arrivera moins d'un mois plus tard, le 20 mai 1990, avec l'amas d'étoiles NGC 3532. Mais des problèmes sont rapidement venus entacher l'enthousiasme de l'équipe en charge du projet, dont un bien plus important que les autres : Hubble voit flou à cause d'un défaut de 2 microns sur la périphérie du miroir primaire.
Heureusement, le problème est uniforme et il peut être réparé facilement depuis l'espace. C'était d'ailleurs l'objectif principal de la première mission de maintenance (elles sont au nombre de cinq actuellement, la dernière date de 2009 et un résumé vidéo est disponible) qui a eu lieu en décembre 1993 et qui fut couronnée de succès. Comme on peut le voir sur la capture ci-dessus, le changement est impressionnant
Quand une mission de maintenance est écourtée à cause... du « bug de l'an 2000 »
Une autre mission de maintenance a attiré notre attention : celle de décembre 1999 (la troisième). À son bord se trouvait l'astronaute français Jean-François Clervoy qui était en charge du bras robotisé qui a notamment servi à capturer le télescope. Il explique que cette mission a été décidée au dernier moment, car « le télescope perdait trop de gyroscope qui permet le pointage fin vers les objets célestes ». Les astronautes n'ont eu que six mois de préparation, contre un an normalement.
Mais la mission sera finalement plus courte que prévue pour une raison étonnante : la peur du « bug de l'an 2000 ». Jean-François Clervoy s'explique sur ce point : « notre vol ayant été retardé à cause du mauvais temps les derniers jours, on nous a dit : bon il y a une des quatre sorties dans l'espace qui est supprimée, parce qu'on veut vous voir revenir au moins deux trois jours avant le 31 décembre parce qu'on ne veut pas que la navette soit en vol le 31 décembre de peur qu'il y ait des bugs informatiques au centre de contrôle ».
Hubble : un CPU 80486 aux commandes et 120 Go de données transmises par semaine
À l'origine, Hubble était animé par un CPU DF-224, avant d'être épaulé par un dérivé d'un 80386 d'Intel en 1993 par la première mission de maintenance, puis d'être finalement remplacé en 1999 par un 80486 20 fois plus rapide et avec six fois plus de mémoire.
Notez qu'il n'est pas étonnant que la NASA utilise un processeur d'ancienne génération puisqu'il faut qu'il passe une impressionnante batterie de tests et qu'il soit extrêmement résistant, les conditions climatiques dans l'espace n'étant pas vraiment les mêmes que sur Terre. De plus, cette puissance de calcul est apparemment largement suffisante pour le télescope qui ne traite pas les images lui-même, il ne fait qu'envoyer les données brutes.
Mais tout cela appartient au passé et Hubble est désormais parfaitement opérationnel depuis plusieurs années. Si l'on s'attarde un peu sur le côté big data de Hubble, sachez que chaque semaine le télescope transmet environ 120 Go de données scientifiques à la Terre qui transitent par des relais satellites avant d'arriver finalement au centre spatial de Goddard aux États-Unis. Sachez qu'il est possible d'accéder librement à l'immense base de données de Hubble via ce site.
Hubble a-t-il permis de faire des avancées scientifiques majeures ?
25 ans plus tard, il est temps de faire un premier bilan sur les découvertes qui découlent plus ou moins directement de la mise en orbite de ce télescope spatial. Il y a quelques années, l'astronaute Jean-François Clervoy proposait un petit résumé encore valable aujourd'hui : « Hubble à contribué à trois avancées majeures en astronomie : affiner l'âge de l'Univers, contribuer à la démonstration de l'existence des trous noirs et surtout je pense, démontrer que le nombre de galaxies dans l'Univers est de plusieurs ordres de grandeur plus grands que tout ce que l'on peut imaginer avant. Au point que certains scientifiques disent qu'il y avait un avant/après la lunette de Galilée, comme il y a un avant/après l'existence du télescope spatial Hubble ».
S'il ne fallait retenir qu'une seule photo de Hubble, ce serait probablement celle du Hubble eXtreme Deep Field ou champ extrêmement profond de Hubble. Il s'agit d'une petite partie de l'Univers et dans laquelle on retrouve... près de 5 000 galaxies. Chacune de ces galaxies est composée de plusieurs centaines de millions d'étoiles, autour desquelles peuvent graviter plusieurs objets célestes. Pour plus de détails, n'hésitez pas à regarder cette vidéo d'e-penser sur le sujet.
Le choix a néanmoins été difficile car on aurait également pu retenir le mirage gravitationnel de la Wide Field Camera 3 de Hubble d'il y a deux ans et qui représentait... un Space Invaders. Pour en savoir plus sur les principales découvertes qui découlent des clichés de Hubble, vous pouvez vous rendre sur ce site officiel qui les a classés en trois catégories : la cosmologie, la science des planètes et celle des galaxies.
Un artiste en orbite
Des photos de toute beauté de l'Univers, Hubble en a amassé des tas au cours du quart de siècle qui vient s'écouler, en voici deux parmi les plus célèbres :
Les piliers de la création (longs de 5 années-lumière) et Saturne
Il y a tout d'abord les piliers de la création qui ont été capturés pour la première fois en 1995. Ils sont longs d'environ... 5 années-lumière (soit plus de 47 000 milliards de km) et à une distance d'environ 6 500 années-lumière (il faut donc voyager pendant 6 500 ans à bord d'un vaisseau qui avance à la vitesse de la lumière pour les rejoindre). Comme vous pouvez le voir, l'image a depuis été retravaillée afin d'avoir des couleurs plus justes et avec un champ un peu plus large. On peut également citer l'aurore boréale de la région polaire sud de Saturne avec une série d'images prises au début de l'année dernière.
De manière plus générale, pour retrouver de nombreux clichés, triés, retravaillés et commentés, il faut se rendre sur cette page du site officiel de Hubble. Et si vous avez envie de savoir comment sont retraitées les photos envoyées par Hubble afin d'arriver à ce résultat, il y a une vidéo explicative :
Le remplaçant de Hubble sera le James Webb Space Telescope. Décollage en octobre 2018
Quoi qu'il en soit, l'avenir est d'ores et déjà en marche et le remplaçant de Hubble devrait être lancé en octobre 2018 par Ariane 5 depuis la Guyane. Il prendra place au point de Lagrange L2 opposé au Soleil par rapport à la Terre et à environ 1,5 million de km de nous. Alors que le miroir primaire de Hubble mesure 2,4 m, celui du James Webb Space Telescope (JSWP) ne mesure pas moins de 6,5 m. Espérons que ses premières années ne seront pas aussi mouvementées que celles de Hubble.
Ce nouveau télescope spatial était initialement baptisé Next Generation Space Telescope (ou NGST) avant de devenir le JWSP en l'honneur d'un ancien administrateur de la NASA. L'agence américaine indique qu'il « étudiera chaque phase de l'histoire de notre Univers, depuis les premières lueurs lumineuses après le Big Bang, à la formation de systèmes solaires capables d'abriter de la vie sur des planètes comme la Terre, à l'évolution de notre propre système solaire ». Notez qu'il s'agit là encore d'un projet commun entre trois agences spatiales : la NASA, l'ESA (European Space Agencey) et la CSA (Canadian Space Agency).

Interrogé par l'AFP, l'astronaute et membre de l'équipe scientifique du JWSP Mark Clampin explique que « le Webb pourra aller jusqu'à au moins 300 millions d'années après le Big Bang [qui a donné naissance à notre univers il y a 13,8 milliards d'années, ndlr] quand les toutes premières étoiles et galaxies sont apparues ». Il ajoute que ce télescope pourra également servir à la recherche de signes de vie extra-terrestre : « Le Webb pourrait permettre de faire des progrès importants dans la quête pour la vie dans l'univers, car le télescope est suffisamment puissant pour pouvoir détecter des bio-signatures dans l'atmosphère de ces planètes ». Autant dire que les prochaines années promettent d'être intéressantes.
Sa construction n'est pas encore terminée et si vous souhaitez la suivre en direct, c'est possible via deux webcams qui se mettent à jour toute les minutes. Des timelapses sont également mis en ligne de temps en temps et vous pouvez les retrouver sur la chaine YouTube officielle du projet.