« Le dispositif d’organisation des élections politiques en France est segmenté, coûteux et d’une efficacité limitée. Malgré d’indéniables efforts de modernisation, il n’intègre que partiellement les avantages de la dématérialisation et ne correspond plus au mode de vie des citoyens dont il ne facilite pas la participation à la vie démocratique. » Tel est le constat posé par l’Inspection générale de l’administration au travers d’un rapport remis au ministère de l’Intérieur en octobre 2014 et dévoilé il y a quelques jours (PDF). À l’aune de ce diagnostic, plusieurs pistes de réformes faisant la part belle au numérique ont ainsi été mises en avant.
Permettre à tous de s'inscrire sur les listes électorales depuis Internet
Premièrement, l’Inspection générale de l’administration (IGA) recommande de procéder à une refonte complète du système de gestion des listes électorales, lequel « rencontre des défaillances graves » tout en se révélant « lourd et coûteux ». Actuellement, elles sont constituées à partir des fichiers entretenus par les mairies. Résultat, il peut parfois y avoir des doublons, notamment en cas de déménagements. De plus, il est bien souvent compliqué de s’inscrire via Internet, dans la mesure où seules certaines villes proposent aujourd’hui ce téléservice.
Les auteurs du rapport préconisent ainsi de confier à l’INSEE la gestion d’une base de données centralisée, dont les listes communales ne seraient que des extractions. « Chaque acteur du processus interagirait avec le système central par l’intermédiaire de web-services (site Internet sécurisé). Les procédures seraient totalement dématérialisées, plus fiables et plus rapides. Les redondances seraient supprimées » anticipent-ils. Plus concrètement, chaque électeur disposerait d’un « identifiant numérique unique » qui permettrait de s’inscrire en ligne, quelle que soit sa commune et sans avoir à se déplacer (les justificatifs seraient envoyés au format PDF ou par photo depuis un smartphone).
L’exécutif devra cependant trancher sur la manière de constituer cette nouvelle base : soit à partir des listes existantes (et en procédant éventuellement à des radiations), soit en partant de zéro, c'est-à-dire en demandant à tous les électeurs de se réinscrire.
Quant aux personnes n’ayant pas la possibilité ou les capacités d’effectuer des démarches en ligne, l’IGA a sa petite idée : mettre à contribution les facteurs. « Doté de la liste électorale communale et du smartphone dont il sera bientôt systématiquement équipé, le postier constaterait aisément l’absence d’un électeur sur la liste électorale. Il pourrait alors lui proposer de l’aider à s’inscrire en renseignant avec lui le formulaire en ligne (via une application smartphone) et en photographiant avec son téléphone les pièces justificatives. »
Une dématérialisation complète du dispositif de procurations
Deuxièmement, le rapport préconise de dématérialiser entièrement le dispositif de gestion des procurations. Lorsqu’un citoyen veut permettre à un autre électeur de voter en son nom, il faut aujourd’hui qu’il se rende au commissariat ou à la gendarmerie de sa ville, où il remplit en principe différents formulaires. L’IGA suggère de ce fait de permettre à la population d’effectuer ces formalités en ligne, ce qui ferait gagner du temps aux agents publics (et notamment aux policiers et gendarmes qui doivent procéder aux saisies). Le citoyen resterait néanmoins tenu de se présenter devant les forces de l’ordre, mais celles-ci valideraient simplement la demande.
Les auteurs du rapport estiment ainsi qu’une telle dématérialisation – requêtes et validations se feraient en ligne, et une confirmation serait envoyée par email au demandeur – « permettrait de réduire à 6 minutes la durée de traitement des procurations par les services de police et de gendarmerie (contre 15 minutes actuellement). L’économie induite serait, pour l’année 2017 et par rapport à l’année 2012, de l’ordre de 28,3 millions d’euros, en intégrant le coût d’investissement dans le système d’information ». Autre avantage : il serait possible de demander une procuration à une date relativement proche du scrutin, vu que les éléments pourraient être transmis plus rapidement aux services communaux.
À nouveau, il est préconisé de faire appel aux facteurs pour les personnes « empêchées ». « L’électeur saisit le formulaire en ligne et reçoit un numéro de dossier qu’il remet au postier ; le postier accède au dossier dans son application smartphone grâce au numéro de dossier et valide la procuration après avoir vérifié l’identité de la personne et renseigné le numéro de la pièce d’identité présentée. La saisie initiale du dossier pourrait aussi être effectuée par le postier, en présence de l’électeur » est-il expliqué.
Suppression des plis postaux pour la propagande électorale
Troisièmement, il est proposé de dématérialiser ce qu’on appelle dans le jargon la « propagande officielle » (professions de foi et bulletins de vote envoyés par courrier). Une « plateforme numérique nationale dédiée aux élections » serait créée, afin d’enregistrer et diffuser les documents de chaque candidat. « Les éléments ainsi accessibles seraient consultables par tous, sans filtre particulier ni identification nécessaire. Les utilisateurs pourraient en imprimer autant d’exemplaires que souhaité. Le format numérique serait consultable sur tous les supports modernes (smartphone, tablette...) et autoriserait la diffusion via les réseaux sociaux. »

Pour les publics éloignés du numérique, des documents imprimés resteraient accessibles dans des « lieux publics neutres » de type mairies, bureaux de poste ou préfectures, et seraient placés dans des enveloppes cachetées. Les bulletins de vote continueraient d’autre part d’être disponibles dans les bureaux de vote. Résultat, l’État pourrait faire des économies « considérables » de frais postaux et d’impression, estimées à 126 millions d’euros par an pour la période 2015-2017.
Cette piste avait d’ailleurs été très sérieusement envisagée par le gouvernement, puisque le projet de loi finances pour 2015 portait une telle reforme. Sauf que les parlementaires s’y sont vivement opposés, contraignant l’exécutif à faire marche-arrière (voir notre article).