Accusée de « complicité d’actes de torture » en Syrie, la société française Qosmos a été auditionnée vendredi par des magistrats instructeurs du tribunal de grande instance de Paris, avant d'être placée sous le statut de témoin assisté (à mi-chemin entre celui de simple témoin et de mis en examen). Pour les associations plaignantes, la FIDH et la LDH, il s’agit d’une « avancée importante » qui pourrait être « le préalable à une mise en examen ». L’entreprise y voit surtout le signe que les juges « considèrent donc qu’en l’état, aucune charge ne pèse contre la société ».
Alors qu’Amesys fait l’objet d’une information judiciaire depuis 2012 pour « complicité d’actes de torture » en Libye, la Fédération internationale des droits de l’Homme et la Ligue des droits de l’Homme viennent d’annoncer qu’une procédure similaire concernant cette fois l’entreprise Qosmos venait d’être confiée à trois magistrats parisiens, pour des faits ayant cette fois eu lieu en Syrie.
Cela faisait plus d’un an et demi que le Parquet du tribunal de grande de Paris avait décidé d’ouvrir une enquête préliminaire à l’encontre de la société française Qosmos, suite aux signalements effectués par la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) en juillet 2012. À l’époque, les deux associations soutenaient que cette entreprise avait « été, à plusieurs reprises et d’après des sources différentes, mise en cause pour avoir contribué à fournir au régime syrien le matériel de surveillance électronique nécessaire à la répression de la contestation qui a lieu en Syrie depuis mars 2011 ». En l’occurrence, il était question de la mise à disposition de technologies permettant d’intercepter en temps réel des communications électroniques à l’aide de mots-clés.
Trois juges désormais en charge de mener l’enquête
Aujourd’hui, la FIDH et la LDH viennent d’annoncer que le Parquet avait finalement décidé d’ouvrir une information judiciaire pour « complicité d’actes de torture » en Syrie. Pas moins. L’instruction est selon les associations confiée à trois juges du pôle « crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre » du tribunal de grande instance de Paris. Ces magistrats auront donc la charge de mener une enquête approfondie, de rechercher des preuves, de conduire des auditions,... ce qui permettra de mieux évaluer quelles ont été les responsabilités de Qosmos, ou décharger l'entreprise de toute mise en cause.
Même si l’ouverture de cette information judiciaire ne prédit en rien des charges qui seront finalement reconnues - ou non - à l’encontre de l'entreprise française, cette nouvelle a néanmoins satisfait Patrick Baudouin, avocat et président d’honneur de la FIDH : « Il est indispensable que la justice française fasse toute la lumière sur l’éventuelle implication de la société Qosmos dans la fourniture au régime syrien d’un matériel de surveillance destiné à espionner la population syrienne et que toutes les conséquences juridiques soient tirées de cette enquête ». Michel Tubiana, s’exprimant au nom de la LDH, a de son côté expliqué qu’il espérait « que cette instruction pourra se dérouler à l’abri de toute interférence politique ».
Qosmos continue de réfuter les accusations
Rappelons qu’en juillet 2012, Maître Benoît Chabert, avocat de Qosmos, affirmait au contraire que la société « n’avait absolument rien à se reprocher ». « Qosmos n’a jamais vendu de matériel à la Syrie, et toute allégation en ce sens (...) est fausse [et] procède du dénigrement » déclarait alors l’intéressé auprès de RTL, ajoutant que d’éventuels actes d’enquêtes étaient attendus « assez sereinement » par l’entreprise française.
Au travers d’un communiqué publié samedi dernier, la société a réagi à l’ouverture de cette information judiciaire en affirmant qu’elle « continuera à collaborer pleinement avec les autorités judiciaires françaises, comme [elle] l’a toujours fait ». Qosmos maintient d'ailleurs ses positions : « Nous tenons à démentir fermement, comme nous n’avons cessé de le faire, les accusations fausses et calomnieuses dont nous avons fait l’objet depuis plusieurs mois. En effet, nous réaffirmons qu’aucun de nos équipements ou logiciels n’a été opérationnel en Syrie. » L’entreprise précise au passage avoir porté plainte en 2012 « pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de la FIDH et de la LDH », outre une action en diffamation contre Le Parisien et France 24, en raison d’« accusations infondées et inacceptables à [son] encontre ».
Qosmos devient désormais la deuxième entreprise française à faire l’objet d’une information judiciaire pour « complicité d’actes de torture », puisque Amesys se trouve également dans le collimateur de la justice depuis mai 2012, pour des faits ayant eu lieu cette fois sous la Libye de Khadafi.