Afin de favoriser le déploiement du très haut débit, les sénateurs ont adopté hier un amendement prévoyant qu’à partir de juillet 2016, les propriétaires engageant des travaux soumis à un permis de construire seront tenus de pré-raccorder par la même occasion leurs immeubles à la fibre optique. Un statut de « zone fibrée » a également été introduit dans notre droit.
Véritable « fourre-tout », le projet de loi « Macron » pour la croissance et l’activité s’est agrémenté au fil des débats d’un volet dédié aux télécoms. Les députés ont notamment introduit, avec le soutien du gouvernement, un amendement visant à ce que les nouveaux logements soient désormais équipés par défaut pour recevoir la fibre optique – en attendant que celle-ci arrive, si ce n’est pas déjà le cas. Alors que les seuls immeubles collectifs neufs doivent aujourd’hui être pré-raccordés au très haut débit, les élus du Palais Bourbon ont étendu cette obligation à toutes les maisons et immeubles individuels, ainsi qu’aux lotissements. Cette contrainte pesant sur les propriétaires devrait être applicable, si le texte est maintenu en l’état, aux logements dont le permis de construire aura été délivré après le 1er juillet 2016.
Une obligation de pré-raccordement étendue aux travaux de réhabilitation lourde
Hier, au Sénat, un élu a cependant voulu muscler le dispositif. « Afin de faciliter le déploiement de la fibre optique, faisons en sorte que les immeubles collectifs qui font l'objet d'une réhabilitation lourde soient à cette occasion pourvus de la fibre optique nécessaire à la desserte ultérieure par un réseau de communications électroniques à très haut débit », a proposé l’UMP Bruno Sido. « On pourrait ainsi mobiliser 20 000 emplois dans le seul secteur de l'installation électrique, ce qui stimulerait la croissance et l'activité. »
En clair, dès lors qu’ils feraient l’objet de gros travaux (agrandissement d'un appartement, etc.), les immeubles devraient par la même occasion être pré-raccordés à la fibre optique. Le sénateur avait pour ce faire déposé un amendement prévoyant que « les immeubles groupant plusieurs logements ou locaux à usage professionnel faisant l’objet de travaux soumis à permis de construire [soient] pourvus, aux frais des propriétaires, des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique », de la même manière que les immeubles neufs, à partir du 1er juillet 2016.
« Nous préciserons les choses dans le décret » prévient Macron
La rapporteure du projet de loi Macron, Dominique Estrosi Sassone (UMP), s’y est toutefois opposée. « L'amendement va trop loin : même parmi ceux qui nécessitent un permis de construire, certains travaux sont d'une plus faible importance ou d'un coût plus limité que des travaux de pré-fibrage » a-t-elle objecté. Sur les bancs du gouvernement, Emmanuel Macron a lui aussi émis (dans un premier temps) un avis défavorable à cette proposition.
« La commission et le gouvernement semblent méconnaître certaines difficultés : des copropriétaires ne veulent pas que l'on fasse de petits trous dans leurs petits murs... À l'occasion des gros travaux, cela ne gêne personne et ne coûte quasiment rien » a réagi le sénateur Sido. Ce dernier a d’ailleurs reçu plusieurs soutiens de la part de collègues. « On va faire beaucoup de travaux pour la rénovation thermique, perturbant la vie des habitants. Ne tardons pas, car la mesure s'imposera un jour ou l'autre. Autant que la rénovation soit bien faite » a par ailleurs prévenu la socialiste Marie-Noëlle Lienemann.
Face aux réactions des parlementaires, Emmanuel Macron a finalement émis un avis favorable sur cet amendement. « L'amendement renvoie à un décret. Si des travaux significatifs sont entrepris, y compris dans le logement social, il faut installer la fibre – dans ce cas, faire d'une pierre deux coups est plutôt une économie » a-t-il déclaré avant que les sénateurs approuvent cette proposition.
Création d’un statut de « zone fibrée »
Toujours en matière de très haut débit, les sénateurs ont d'autre part adopté un amendement défendu par une poignée de parlementaires UMP, lesquels souhaitaient l’introduction dans notre droit d’un nouveau statut de « zone fibrée ». Attribué par Bercy après avis de l’ARCEP, le gendarme des télécoms, ce statut permettrait de reconnaître ces zones « où il est constaté que l'établissement et l'exploitation d'un réseau en fibre optique ouvert à la mutualisation sont suffisamment avancés pour déclencher des mesures facilitant la transition vers le très haut débit ».
Cette proposition est tout droit issue du récent rapport Champsaur, et destinée à favoriser l’extinction du réseau cuivre (voir notre article). « Pourraient être envisagées des aides au raccordement des usagers et l'arrêt de la construction du réseau cuivre dans les immeubles neufs. La tarification du cuivre pourrait être déconnectée de la péréquation nationale » a d'ailleurs anticipé en soutien à cet amendement Patrick Chaize, sénateur de l'Ain et directeur du SIEA, le syndicat derrière le réseau d'initiative publique du département.
Considérée comme « radicale » et « partielle » par Emmanuel Macron, cette mesure a fait l’objet d’un avis de sagesse de la part du ministre de l’Économie (ce qui signifie qu’il s’en est remis au choix des parlementaires). La rapporteure avait de son côté émis un avis défavorable. « Il convient de se concerter avec les différents acteurs sur la pertinence de telles mesures. Les adopter dès maintenant n'offrirait qu'une réponse partielle au problème. Attendons le projet de loi sur le numérique [d’Axelle Lemaire, ndlr] » a-t-elle demandé, avant que l’amendement ne soit voté. Là aussi, un décret en Conseil d’État devra venir fixer les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions, si celles-ci venaient à être définitivement votées en l'état par le Parlement.