Les débats autour du projet de loi sur le renseignement ont débuté lundi à 16h00. Voici notre compte rendu de ceux de la deuxième journée dans leur intégralité. Ils reprendront aujourd'hui à 15h00.
17h. Les débats reprennent à l'Assemblée nationale. Un premier député fait un rappel au règlement pour se plaindre des dépôts tardifs des amendements du gouvernement (une quinzaine), alors que celui-ci a assuré d'un débat serein autour du texte.
La compétence des services du renseignement
Amendement 52 (et 169) défendu par Lionel Tardy (UMP).
Par défaut, le projet attribue la compétence de l'espionnage aux services spécialisés de renseignement « relevant des ministres de la Défense et de l’Intérieur ainsi que des ministres chargés de l’Économie, du Budget ou des Douanes ». Mais le projet de loi prévoit aussi qu’un décret en Conseil d’État pourra l’étendre. Mieux, le ministère de la Justice a d’ailleurs déjà été ajouté dans la liste, en Commission des lois, afin notamment de propager ces technologies dans le système pénitentiaire.
Avec ces amendements, on s'attaque aux services de renseignements pouvant utiliser les techniques prévues dans ce projet de loi. Pour Lionel Tardy, la liste des services habilités doit être fixée par le législateur, non par décret comme le prévoit le projet de loi. Sergio Coronado, qui défend un amendement identique, est sur la même ligne et considère que cette mesure inscrite dans la loi sera une bonne garantie.
Le rapporteur, Jean-Jacques Urvoas (PS), précise que ce décret permettra d'ouvrir la possibilité d'offrir à d'autres services l'accès à certaines techniques du renseignement, notamment les interceptions de sécurité. La direction centrale de la police judiciaire par exemple doit pouvoir en bénéficier, même si elle n'est pas un service du renseignement. Il émet donc un avis défavorable. Avis similaire du gouvernement.
Le député Cherki (PS) dénonce l'argumentaire du gouvernement : si la loi est préparée de longue date, pourquoi ne pas prévoir une liste fermée inscrite dans la loi, en pleine conformité avec l'article 34 de la Constitution ? Il est indispensable que les citoyens sachent quelles sont les administrations habilitées à utiliser ces techniques. C'est du domaine de la loi, non du réglement. Pour Lellouche, les citoyens ont le droit de savoir qui va les espionner.
Noel Mamère (Ecolo) prend le micro pour accuser le PS de faire ce que l'UMP a fait pendant 5 ans, sur le terrain de la sécurité. Lionel Tardy insiste : parmi la liste des autres services du renseignement figure Tracfin, la sécurité militaire, la direction du renseignement de la police de Paris, la DGSI, etc. Est-ce que ces administrations font aujourd'hui du renseignement sans texte ?
Guillaume Larrivé (UMP) estime qu'il ne faut pas voter les deux amendements, car il en va de la continuité de l'État. Pour lui, il n'y a aucun problème au titre de l'article 34 (incompétence négative). Ciotti partage ces convictions. Il faut faire preuve de réalisme, selon lui : arrêtez de fantasmer, d'avoir peur, etc.
Sergio Coronado (Ecolo) reprend le micro : c'est une question légitime liée à la compétence du Parlement (article 34).
Marie-Françoise Bechtel (PS) : la délégation au réglementaire ne pose pas de problème, d'autant que le décret sera attaquable par le citoyen. Le contrôle sur les services est prévu.
Pour Jacques Myard (UMP) : imaginez si demain il y a une fusion de deux services, vous allez voter une loi ? Il faut être sérieux, on perd son temps.
Pascal Popelin (PS) : pourquoi inscrire dans la loi des services dont personne ne s'est ému de leur activité en dehors de tout cadre légal. Ne traitons pas à l'Assemblée nationale de la manière dont sont organisés les services de l'État. Il n'y a aucun besoin de poursuivre le débat.
Hervé Morin (UDI) : il est cohérent que nous puissions avoir avec précision la liste des services qui pourront avoir aux moyens dont les mises en oeuvre devront répondre à des finalités très larges.
Aurélie Filippetti (PS) : l'article 66 prévoit que le juge judiciaire est garant des libertés individuelle. Sur ces questions constitutionnelles on doit avoir la réponse du Conseil constitutionnel, qui peut nous dire si le texte relève du domaine réglementaire ou pas. Si le gouvernement est sûr, est ce qu'il sera prêt à saisir le CC pour avoir validation.
Le rapporteur considère que la jurisprudence du Conseil constitutionnel est d'accord avec un tel renvoi. Bernard Cazeneuve embraye sur un même argument lié à l'historique du CC. Selon le ministre de l'Intérieur, il n'y a aucune volonté de cacher quoi que ce soit puisque le décret sera publié au Journal officiel. Il insiste : ce décret n'est pas problématique. L'article 66 de la Constitution définit les conditions du contrôle judiciaire quand les matières qui relèvent de la police administrative sont attentatoires à la liberté (privation de liberté). Selon lui, comme il n'y a aucune disposition en ce sens dans le texte qui remette en cause les libertés, le 66 ne s'applique pas. Par contre, le droit à la vie privée ne relève pas de l'article 66.
Le ministre revient sur un article du Monde sur les services d'espionnage, et se contente de prendre la défense des fonctionnaires du service public, qui s'exposent pour assurer la protection des Français. Il dément aussi le contenu de cet article de manière très ferme, car les services publics ne sont pas sans contrôle en France. Mais d'un autre côté, cette loi vient justement encadrer certaines pratiques sauvages afin de les légitimer.
Les deux amendements sont repoussés.
Amendement 112 défendu par Hervé Morin. Il propose de lister dans la loi les services spécialisés de renseignement qui pourront avoir recours aux techniques de renseignement, sans offrir cette possibilité là à un décret pris par l'exécutif. Urvoas n'en veut pas : si on change le nom des services, on devra voter une nouvelle loi. Gardons la compétence du décret. Même avis du gouvernement.
Noël Mamère : le CC n'a jamais annulé de lois qui recouvrent le réglement (article 37 de la Constitution). De même, ce n'est pas parce qu'on critique de la loi, on s'inquiète des débordements, que pour autant on juge ce GVT comme voulant se transformer en Big Brother. Je supporte assez mal d'être critiqué parce que nous dénonçons ces risques.
Patrick Hetzel partage cette opinion : admettez qu'on puisse critiquer sans croire qu'on remette en cause le renseignement. Sur un texte aussi sensible, il faut faire très attention aux libertés.
Pierre Lellouche : nous n'avons rien contre le renseignement, nous avons tout contre le terrorisme.
L'amendement 112 n'est pas adopté.
Amendement 408 du gouvernement : il vise à retirer le ministère de la justice du périmètre du renseignement spécial, dont les compétences seront renforcées avec ce texte. Pourquoi ? car « les contrôles exercés par l’administration pénitentiaire ont vocation à prévenir les risques d’évasion et la commission d’infraction à l’intérieur des établissements. Ils diffèrent donc des missions générales des services de renseignement ». Selon Christiane Taubira, « l’utilisation secrète des techniques de renseignement modifie considérablement la relation surveillant/détenu, et risque de déséquilibrer profondément les détentions, ce que les personnels pénitentiaires font eux-mêmes valoir ». Elle préfère un contrôle juridictionnel de cette activité, car ce serait sinon un changement de métier, avec des compétences nouvelles, des effectifs, des problèmes de formation, etc.
Pascal Cherki (PS) défend un amendement identique (396), se dit rendu à l'argument de la ministre.
La Commission des lois présidée par Urvoas a donné un avis défavorable à cette exclusion. Pourquoi ? Urvoas demande un renforcement de ce service, il faut organiser une surveillance particulière sur les détenus les plus endoctrinés. « Nous avons intérêt à développer les compétences humaines, techniques, il arrive un moment où il faut donner des techniques suffisantes alors qu'il n'y a que 73 personnes dans l'actuel bureau du renseignement pénitentiaire. Ce sont ces personnes qui seront dotés de nouvelles capacités techniques, spécialement habilités. »
Bernard Cazeneuve est solidaire de Taubira et demande l'adoption de ces amendements de suppression.
Jacques Myard (UMP) : Je ne vois pas pourquoi le ministre de la Justice ne pourrait demander avec des moyens adéquats la possibilité de relever des preuves importantes.
Lellouche : Taubira nous explique que l'espionnage n'est pas le métier du pétinentiaire, le député le conteste car les temps ont changé. Il faut espionner là où c'est nécessaire.
Patrick Mennucci (PS) milite pour le rejet de cet amendement, de son côté, car ce sera un signe très fort pour ceux qui sont en première ligne de la radicalisation. Sa collègue Marie-Françoise Bechtel estime au contraire que l'identité du ministère de la Justice commande à l'adoption de cet amendement de suppression.
Cécile Duflot (Ecolo) : la finalité du pénitentiaire n'est pas de faire du renseignement. Vouloir lui reconnaître de telles compétences, c'est mettre à mal la capacité du personnel à exercer ses fonctions.
Alain Tourret (RRDP) : il n'est pas possible d'avoir une telle opposition frontale sur ce texte, il y a un problème de crédibilité de la loi. Adoptons l'amendement et discutons-en plus tard, au Sénat par exemple.
Pascal Cherki (PS) : selon sa grille de lecture, il serait possible d'étendre par décret le renseignement au pénitentiaire. (al.17).
Aurélie Filippetti (PS) je suis assez critique sur le projet de loi, mais je défends l'amendement du gouvernement.
Noel Mamère (EELV) : le ministère de la Justice n'est pas le ministère du Renseignement, ce n'est pas leur fonction que de surveiller et punir en se substituant à ces services d'espionnage, mais au contraire de faciliter la réinsertion.
Les débats perdurent sur la question de ce périmètre. Voilà plus d'une heure que l'Assemblée débat sur ce point, qui est loin d'être négligeable. Urvoas ajoute que la loi propose, mais que le gouvernement pourra disposer et décider de ne pas activer ces mesures. Libre à lui.
Christiane Taubira : le bureau du renseignement pénitentiaire a déjà des missions spécifiques qui concernent la sécurité des prisons et des services. Si le choix est fait de charger les personnels pénitentiaires, un certain nombre d'entre-eux ne seront pas identifiés, en ce sens que potentiellement l'ensemble pourra mettre en oeuvre des techniques du renseignement. Selon elle, le renseignement a déjà été renforcé, il n'est donc pas nécessaire, en creux, de bouleverser cet équilibre.
Scrutin public sur cet amendement, à la demande des écologistes. Pour 38 contre 68, l'amendement gouvernemental est repoussé. Très rapidement, l'amendement 170 est examiné. Il est retiré finalement.
Amendement 407 du gouvernement. Il vise à clarifier, consolider et sécuriser les interventions des services spécialisés du renseignement dans les établissements pénitentiaires, ainsi que les modalités d’échanges d’information réciproques entre les services. Il prévoit que par décret les services du renseignement puissent échanger avec les services pénitentiaires, ceux ci pourraient en outre mettre en oeuvre certaines techniques prévues par la loi. Urvoas est contre car d'autres services n'ont pas un tel lien prévu par les textes, il craint du coup, que faute de texte, il ne puisse y avoir de communication.
Myard juge que cet amendement complique les choses à souhait.
Laure de la Raudière (UMP) ne voit pas l'utilité non plus. L'amendement est adopté.
Amendement 298 : selon cette rustine, lorsque les services spécialisés de renseignement ont, dans l’exercice de leurs missions, connaissance de faits susceptibles de constituer une infraction, ils en avisent sans délais le procureur de la République. Ils en informent également le premier ministre afin qu’il saisisse la Commission consultative du secret de la défense nationale pour avis sur la possibilité de déclassifier tout ou partie des éléments du dossier, en vue de leur transmission au procureur de la République.
Mais Urvoas rappelle que l'article 40 du Code de procédure pénal est déjà applicable (alinéa 2). Aucune utilité donc. Même avis du gouvernement.
Prise de bec entre Dhuicq et Taubira sur sa gestion de l'administration pénitentiaire.
Lellouche revient sur le débat technique et demande comment va s'articuler ce texte avec l'article 40. Pour lui cet amendement ne fait que rappeler cette disposition. Selon cet article, toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Cazeneuve : l'amendement est mal rédigé selon lui.
L'amendement est finalement retiré.
Les techniques de renseignement lors de la phase de demande d'autorisation
Amendement 4 : Lionel Tardy veut que la loi précise le caractère exceptionnel des techniques du renseignement, comme c'était prévu dans la précédente loi de 91. Urvoas : le recours à des techniques justifiées ou non, l'apport de la notion d'exceptionnel n'apporte rien. Pour Cazeneuve, le texte de loi parle déjà de proportionnalité.
Tardy maintient son amendement. Vote : rejet.
Amendement 171 : le recours aux techniques de recueil de renseignement n’est possible que lorsque les renseignements ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé. La commission n'en veut pas car cette idée de graduation existe déjà dans le projet de loi. Pour Cazeneuve, il ne faut pas hiérarchiser les outils, si ce n'est qu'en matière d'intrusion domiciliaire. Le gouvernement est défavorable.
L'amendement est rejeté.
Amendement 289 (et 171, identique) : « vise à donner à la commission de contrôle des techniques de renseignement un véritable pouvoir de contrôle, en exigeant que son avis lie le gouvernement au lieu d’être simplement consultatif. Si le premier ministre suit aujourd’hui systématiquement les avis rendus, rien ne l’empêche d’y passer outre. C’est pourquoi il convient d’inscrire cette pratique dans la loi afin de garantir l’effectivité du contrôle opéré par la commission ».
Urvoas n'en veut pas. Pas une seule fois dans le passé, un tel avis conforme n'a été demandé. IL y a des autorités administratives qui ont un pouvoir de décision, parfois de régulation ou de sanction. Mais là, ca concerne le régalien. Il est donc normal que s'il devait y avoir une atteinte proportionnée aux libertés individuelles, c'est à l'administration de prendre la responsabilité. Selon Urvoas, il n'y a aucun risque d'atteinte aux libertés fondamentales (car cela aurait imposé l'application de l'article 66 de la constitution et donc l'intervention du juge judiciaire).
Lellouche revient à la charge, considère qu'il y a bien des risques pour les libertés individuelles (en substance). Est-ce que le gouvernement doit être contraint de suivre les avis de la CNCTR, la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (avis conforme), ou bien sera-t-il libre d'agir (avis simple) ?
Le député Amirshahi : le gouvernement assumera ses responsabilités.
Claude Goasguen assure que le judiciaire est ici compétent pour l'appréciation de l'atteinte aux libertés individuelles.
Le rapporteur en commission de défense estime que la CNCTR aura des moyens de recours, ce qui est primordial, essentiel.
Urvoas : les magistrats administratifs sont des juges depuis 1872. De plus, rien dans cette loi ne porte atteinte à la liberté de pensée. La constitution dit à l'article 20 al. 2 que le gouvernement dirige l'administration. Les services du renseignement sont des administrations que le gouvernement dirige. Il n'est pas possible que la CNCTRT dispose du pouvoir d'écorner les libertés individuelles. Un tel avis conforme n'est pas possible, il est logique que le Premier ministre assume la responsabilité.
Cazeneuve : la vie privée, ce ne sont pas les libertés individuelles. Pas un seul article n'empêche les gens de penser, se rencontrer, échanger des idées. Selon lui, un tel amendement engendrerait des fragilités constitutionnelles.
Les amendements 289 et 271 sont rejetés.
(Pause, reprise 22h.)
Les demandes d'autorisations
Amendement 5 : cet amendement vise à publier la liste des six personnes pouvant recevoir délégation du Premier ministre. Il veut que la liste des habilités soit fixée par arrêté, demande Lionel Tardy. Pour Urvoas, cela n'a aucune utilité, puisque la responsabilité repose sur les épaules du Premier ministre. Pour Lellouche, cela n'est en rien gênant, et c'est même un point clef du projet de loi.
L'amendement est rejeté.
Amendement 272 : amendement rédactionnel. Adopté.
Amendement 6 : Lionel Tardy veut aussi que les personnes déléguées par les ministres soient désignées. Avis défavorable de la Commission et du gouvernement. Texte rejeté.
Amendement 91 : Tardy veut que, pour certaines professions sensibles (journalistes, parlementaires, etc.), une procédure spécifique soit suivie lors de la demande d’autorisation faite par les services de renseignement. L'idée est que dans la demande d'autorisation, le Premier ministre explique « les moyens de garantie de préservation du secret professionnel des avocats et des sources des journalistes ainsi que de protection de l’exercice du mandat de parlementaire, lorsqu’il s’agit d’une demande les concernant. »
Cazeneuve décrit finalement les éléments de protection qui vont être proposés par le gouvernement (dans un amendement tardif, déposé hier). Selon d'autres députés PS, cette double protection sera surabondante, donc inutile. Rejet.
Amendement 172 : dans la demande d'autorisation de mener à bien la surveillance, Coronado demande à ce que la motivation soit « suffisante, pertinente et sincère ». Il prévient que c’est une recommandation qu’a émise le Défenseur des Droits dans l’avis qu’il a rendu sur le présent projet de loi. Urvoas estime que ces qualifications sont surabondantes. Une motivation présentera ces qualités par défaut.
Amendement 223 : lorsque le premier ministre veut reconduire un dispositif de surveillance ou utiliser un mécanisme de surveillance poussé (IMSI Catcher), Sergio Coronado demande un avis exprès de la CNCTR (car en l'état son silence vaut acceptation). Urvoas repousse, car il y a déjà une logique de graduation dans le texte. Rejet.
Amendement 66 : pas de débat, repoussé.
Amendement 114 : Morin veut que « lorsque la demande concerne les avocats, les journalistes et les parlementaires, le président réunisse obligatoirement la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement » (avant de donner son avis sur la demande d'autorisation de surveillance du Premier ministre). Deux sous amendements sont portés par Sergio Coronado (405 protection des médecins, et 417 protection des magistrats)
Morin retire le 114, qui fait tout tomber. (un autre texte du gouvernement est programmé pour protéger les professions sensibles)
Amendement 53 : si des membres demandent à ce que la CNCTR se réunisse, la nouvelle délibération doit déboucher sur un avis qui remplace l’avis initialement formulé par le président (Lionel Tardy). Avis favorable de J.J. Urvoas. Amendement favorable de Cazeneuve.
Amendement 273 : le silence gardé par la CNCTR ne peut valoir avis rendu. Le député Robillard en défense de cet amendement. Rejet.
Amendement 8 : Tardy revient sur le sujet. Le député insiste : si on réduit les moyens de la CNCTR, alors celle-ci va démultiplier les avis implicites (valant acceptation). Lellouche revient à la charge : dans l'état actuel, le GVT a toute latitude pour faire ce qu'il a à faire. Si la commission ne donne pas d'avis sur une demande de renseignement, acceptera-t-elle d'agir a posteriori, se dresser contre le premier ministre, une fois les mesures mises en oeuvre ? Tout dépendra de la composition... Cazeneuve joue sur le texte : il n'y aura pas de dépendances entre les membres de la CNCTR et les ministres et elle aura des moyens d'action ensuite.
Tardy cite Jean-Marie Delarue : la CNCTR sera un colosse aux pieds d'argile. Et reprend ce que nous disions dans cette actualité : en coupant les moyens de la commission; on va « démultiplier les autorisations accordées par défaut ou non précédées d’analyses solides. »
L'amendement est rejeté.
Amendement 67 : étendre l'autorisation de déploiement de la surveillance de 4 à 6 mois. La Commission est défavorable. Dans le droit actuel, les interceptions de sécurité ont pour délai 4 mois (renouvelable 1x). En judiciaire, c'est aussi 4 mois qui est retenu. Par cohérence, Urvoas a opté pour ce délai. Pour Christiane Taubira, défavorable, pour les mêmes raisons.
Rejeté.
Amendement 136 : Hervé Morin demande lui un délai de 2 mois lors du renouvellement. Les écoutes datent de 91, aujourd'hui les techniques sont plus intrusives. Il faut donc raboter ce délai. Pour Urvoas, c'est un facteur de complexité. Il est contre. Taubira : on peut supputer que les services s'arrêteront à deux mois s'ils ont les éléments qui leur faut. Elle est contre elle aussi. « Votre inquiétude est satisfaite ».
Morin : si mon amendement est mal rédigé, remettons-le d'aplomb avec deux périodes de 2 mois puis un renouvellement de 2 mois. Rejet.
Amendement 131 et 274, non discuté, rejet
Amendement 9 Tardy veut donner un accès direct et au fil de l'eau aux registres tenus par le gouvernement. La simple mise à disposition des registres de demande et d’autorisation doit être remplacée par une communication systématique, afin que le contrôle soit effectif. Urvoas : rejet, car la commission aura accès à tout, par tout, tout le temps. Taubira, même avis. Tardy refuse de retirer son amendement, qui est rejeté.
Les procédures d'urgence
Amendement 35 et 381 (du GVT) : Sergio Coronado propose qu'en cas d'urgence, la CNCTR donne un avis dans l'heure. Il ne faut pas supprimer son avis préalable. L'amendement 381 créé une nouvelle procédure d'urgence absolue, décidée par le Premier ministre, sans consultation préalable de la CNCTR. Le Premier ministre devra ensuite faire parvenir à la commission, dans un délai maximum de 24 heures, tous les éléments de motivation nécessaires. Il devra également justifier l'urgence absolue. Actuellement, le projet de loi ne prévoit qu'un seul mécanisme d'urgence, dans les mains du chef de service. Pour Cazeneuve, ce n'est pas souhaitable car l'une des garanties centrales tient à ce qu'une interception de sécurité ne peut être menée que par un ministre.
Le gouvernement veut distinguer l'urgence absolue (sans avis préventif de la CNCTR qui se prononcera donc a posteriori) et l'urgence opérationnelle (autorisation accordée a posteriori, uniquement pour le balisage de véhicules lors d'une rencontre fortuite entre une personne surveillée et une personne tierce).
Dans un sous amendement 411, Lionel Tardy dénonce un retour en arrière. Il veut améliorer la procédure d'urgence : « Les retranscriptions des données collectées en application du présent article sont transmises à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement qui veille au caractère nécessaire et proportionné de l’utilisation du régime d’urgence. » En clair, il veut donner à la CNCTR un pouvoir de veille en cas d'urgence, afin de muscler son analyse dans ces situations exceptionnelles.
Urvoas est d'accord avec l'amendement 381. L'amendement 411 : défavorable, car cette garantie est spécifique pour les professions réglementées, et pas pour le commun des mortels donc.
Noel Mamère doute de la distinction entre urgence absolue et opérationnelle. Eric Ciotti lui est très favorable à l'amendement du gouvernement. Sergio Coronado rappelle qu'Urvoas n'avait pas compris en commission la différence entre urgence opérationnelle et urgence absolue.
Hervé Morin considère qu'il est possible d'exiger de la Commission en 45 minutes, comme l'a considéré comme possible l'actuel numéro un de la CNCIS. Pourquoi s'empêcher de donner cette garantie ? Morin demande des précisions pratiques et sur la notion de chef de service.
Les débats s'enroulent autour de ces procédures d'urgence.
Amendement 35 rejeté.
Sous-amendement 411 rejeté.
Amendement 381 du gouvernement adopté.
Les professions protégées
Amendement 410 du gouvernement. « Par dérogation aux deux premiers alinéas du présent article, lorsque l’introduction prévue à l’article L. 853-2 concerne un lieu privé à usage d’habitation ou que la mise en œuvre d’une technique de recueil du renseignement porte sur un magistrat, un avocat, un parlementaire ou un journaliste, l’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et l’autorisation du Premier ministre sont donnés et transmis par tout moyen. »
En clair, si procédure d'urgence, pas de pénétration domiciliaire ni surveillance d'une profession sensible (magistrat, avocat, parlementaire et journaliste)
Adopté.
Amendement 175 : les écologistes veulent augmenter les cas de saisines du Conseil d'État.
La saisine du Conseil d’État ne doit pas être seulement conditionnée au fait que les suites sont jugées insuffisantes par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Rejet.
Amendement 420 du gouvernement. L'amendement de coordination vise à supprimer la référence à une formation de jugement spécialisée du Conseil d’État, compétente pour juger les dossiers transmis par la la CNCTR. Cette mention paraît inopportune et doit être remplacée par la mention du Conseil d’État, explique le gouvernement. Guillaume Larrivé est d'accord : plus les procédures sont exceptionnelles, plus la juridiction doit être de droit commun.
Adopté.
Amendement 394 (écolo) Cet amendement vise à prévoir que certaines professions ou certains élus sont particulièrement protégés, comme le prévoit actuellement le code de procédure pénale pour les interceptions de sécurité.
Amendement 386 du gouvernement. Protection des professions sensibles.
Amendement 418 et Amendement 419 (écolo) pour protéger les professions médiales
Amendement 426 identique (Frédéric Lefebvre)
Amendement 390 Les garanties concernant la surveillance de professions dites « sensibles », telle que proposées par cet amendement, sont encore insuffisantes.Il faut aller au bout de la logique et s’en remettre à un avis conforme de la CNCTR, outre lequel le Premier ministre ne pourra pas passer.
Urvoas dit qu'il ne met pas les journalistes et les médecins au même plan au regard du fonctionnement de la démocratie, et ne comprend pas pourquoi il faudrait protéger également les médecins. Comme si le secret médical ne comptait pas vraiment.
Les débats s'enchaînent sur le besoin ou non de discriminer les statuts. Isabelle Attard indique que le 419 ne protège pas la profession mais plutôt le secret médial, nuance.
Tous les amendements tombent.
Amendement 133 : nécessité de centraliser toutes les données glanées lors des opérations de renseignement. Urvoas n'en veut pas : on va avoir à faire à des objets par essence nomades. Centraliser des données à partir d'outils placés en Polynésie est compliqué. Il est plus pertinent que le contrôleur puisse avoir accès aux locaux. Rejet de cet amendement primordial.
Amendement 277 : amendement un peu étrange. Personne ne le comprend très bien. Rejet.
Amendement 54 : Afin de renforcer le contrôle de la CNCTR, et à défaut d’un accès direct au registre, Lionel Tardy estime nécessaire de préciser que le registre suivant les opérations de surveillance est mis à jour en temps réel. Rejet de la Commission, et du gouvernement... On n'aura donc pas d'assurance sur ce point.
Amendement 116 : « Lorsque les avocats, journalistes et parlementaires sont concernés par l’autorisation de mise en œuvre des techniques de recueil du renseignement, les données collectées sont transmises obligatoirement à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignements. » Urvoas n'en veut, pas plus que Taubira, car la CNCTR pourra de toute façon avoir accès à ces informations et pourra saisir le Conseil d'État. Lellouche demande des détails : comment se fera la transmission des informations à la Commission ?
Rejet.
La question de durée de conservation
Amendement 178 : « vise à maintenir les durées actuellement prévues pour la conservation des correspondances enregistrées, sauf autorisation par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Il reprend une partie de l’amendement du rapporteur, retiré en commission, qui prévoyait de ne pas renvoyer à un décret, la question sensible des délais de conservation des données. » L'amendement de Coronado veut mieux encadrer les délais de conservation des données.
Amendement 353 : même logique, mais il étend (parfois) les durées de conservation.
S/Amendement 391 : conservation de 10 jours après le recueil
S/Amendement 372 : défendu par Tardy, propose notamment de limiter à 10 jours la durée de conservation des correspondances enregistrées après la première exploitation. S/Amendement 392 limite également ces durées.
Urvoas donne un avis favorable à l'amendement socialiste (353), défavorable aux autres. Taubira émet un avis favorable sur le 353. Celui-ci dit :
« Art. L. 822‑2. – I. – Les renseignements collectés dans le cadre de la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement autorisée en application du présent livre sont détruits à l’issue d’une durée de :
a) trente jours à compter de la première exploitation pour les correspondances interceptées en application de l’article L. 852‑1 et dans un délai maximal de six mois à compter de leur recueil ;
b) quatre-vingt-dix jours à compter de la première exploitation pour les renseignements collectés par la mise en œuvre des techniques mentionnées au chapitre III du titre V du présent livre, à l’exception des données de connexion, et dans un délai maximal de six mois à compter de leur recueil ;
c) cinq ans à compter de leur recueil pour les données de connexion.« Pour ceux des renseignements qui sont chiffrés, le délai court à compter de leur déchiffrement. »
Isabelle Attard souligne l'importance des données de connexion. Par exemple, vous surfez sur un site de rencontre fétichiste, passez un coup de fil à Sida Info Service puis à un médecin. Le point souligné par Mme Attard est central, note en ce sens Lellouche qui reconnait que les grandes multinationales US ont déjà stocké ces métadonnées.
Précisons que ces métadonnées seront conservées pendant.. 5 ans. « Combien de gens pensez-vous pouvoir engager pour gérer cette montagne de données stockées pendant des années ? » demande aussi Lellouche.
Amendements 178, 391, 372, 392, 376, 373, 374 et 393 rejetés.
Amendement 353 (socialiste) adopté.
Amendement 121 d'Hervé Morin. Cet amendement vise à sanctionner le fait commis de mauvaise foi pour les agents des services spécialisés de renseignement, de ne pas respecter la loi, en cas d’interception, de détournement, d’utilisation ou de divulgation des données collectées. Urvoas n'en veut pas. Taubira : la compromission du secret de défense national ou du secret professionnel est déjà puni dans le Code pénal. Rejet.
Amendements 348 et 364 rédactionnels, adoptés.
Amendement 240 de Guillaume Larrivé : Le projet de loi prévoit que les données ne peuvent être collectées, transcrites ou extraites à d’autres fins que celles mentionnées à l’article L. 811‑3, lequel énumère les sept finalités. Cet amendement vise à interdire les exploitations incidentes (les données ne peuvent être collectées, transcrites ou extraites à d’autres fins que celles autorisées initialement). Urvoas n'en veut pas : le dispositif exigerait une nouvelle autorisation, ce qui engagerait les services à prévoir des finalités très larges dès le début pour contourner l'interdiction. Même avis de Taubira.
Amendement 267 et 268 qui vont dans le mêmes sens que celui de Larrivé. Taubira prévient que la Commission pourra faire des contrôles à tout moment.
Coronado : il y a là une lacune dans le texte, toutes les données risquent sinon d'être exploitées. Pour Larrivé, si des renseignements sont glanés sans rapport avec la première finalité, mais en lien avec une des six autres finalités, il doit exiger le retour de la CNCTR. Rejet.
Amendement 349 rédactionnel, adopté.
Amendement 308 d'Aurélie Filippetti : La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement informe le Président du tribunal de grande instance de Paris de l’avis de renouvellement d’autorisation communiqué au Premier ministre, dès lors qu’aucune infraction n’a été constatée. Urvoas ne veut pas mêler police judiciaire et police administrative. Taubira : utilisons plutôt l'article 40 du code de procédure pénale. Amendement retiré.