Depuis la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas a adressé une note aux députés pour leur expliquer les bienfaits du projet de loi sur le renseignement. Next INpact en diffuse son contenu.
Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois et rapporteur du projet de loi sur le renseignement, a rédigé une note interne à destination des députés de la majorité notamment, afin de leur expliquer les charmes de ce texte. Alors que le projet entamera ses discussions aujourd’hui à partir de 16 heures, le député socialiste s’essaye à un jeu de questions-réponses et d’argumentaires, qu’on devrait retrouver dans la bouche des partisans cet après-midi.
Surveillance de masse ?
Par exemple, à la question « les services peuvent-ils surveiller tout le monde, tout le temps et partout ? », le parlementaire répond que « la Commission des Lois de l’Assemblée nationale a remplacé des notions jugées imprécises dans le texte du Gouvernement et pouvant donner lieu à des interprétations extensives (« sécurité nationale » et « paix publique ») par des notions bien connues du droit et au champ d’application clairement défini ». Plutôt qu’une surveillance de masse, le député Urvoas préfère évoquer « le principe d’une surveillance limitée à quelques individus qui présentent une menace avérée au regard de motivations sérieuses ». Seul détail non mentionné, les sept finalités qui servent de justification au déploiement des armes de surveillance massive, pourrait-on dire, ont été considérablement étendues lors de l’examen en commission parlementaire.
Comme expliqué au fil de notre longue analyse, parmi ces sept finalités, on est par exemple passé d’une justification tenant aux « intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France » à celle des « intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ». De même, alors que le projet de loi visait « le recueil des renseignements relatifs aux intérêts publics », la commission évoque désormais : « le recueil des renseignements relatifs à la défense et à la promotion des intérêts publics », phrase suivie par les sept finalités. Ainsi défini, cet objectif autorisera un renseignement non seulement défensif, mais également offensif (« la promotion »), validant un renseignement pro actif au profit des intérêts français.
Autre chose, la surveillance pourra bien être massive via les fameuses boîtes noires qui serviront à anticiper une éventuelle menace terroriste sur les réseaux. Ce ne sont plus des personnes qui seront reniflées, mais bien un flot plus important de données afin de détecter des signaux faibles chez les FAI, les hébergeurs et les éditeurs de site.
Des contrôles en plus ou en moins ?
De même, Urvoas considère que le projet de loi a limité le recours aux opérations exceptionnelles, celles justifiées par l’urgence, qui se passent alors du moindre avis préalable de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). C’est vrai, sauf que dans la version amendée, ce n’est plus le Premier ministre qui prend en charge ces opérations, mais un chef de service, le Premier ministre n’intervenant qu’a posteriori pour éventuellement faire cesser une surveillance illicite.
La CNCTR aurait par ailleurs gagné en compétence, toujours dans la version amendée en commission des lois. Une compétence toute relative puisque le silence gardé par son président, suite à une demande d’avis exprimée par le Premier ministre, vaudra encore et toujours consentement. Un tel mécanisme montre combien la disponibilité de la CNCTR sera primordiale, tout comme la musculature de ses moyens. Étrangler ses ressources conduira à démultiplier les autorisations accordées par défaut ou non précédées d’analyses solides. Problème, l’étude d’impact est silencieuse sur la question des ressources publiques qui seront allouées à ces opérations.
Le ballet des fausses antennes relais
À l’égard de l’IMSI-catcher, ces fausses antennes relai en capacité d’aspirer les données techniques ou écouter les téléphones passant dans son spectre, Urvoas prévient aussi que la version amendée du projet de loi « n’aborde [plus] la question du dispositif, mais celle des données collectées ». De fait, le texte en commission a effectivement abandonné cette approche technique pour se caler maintenant sur l’article 226-3 du Code pénal.
Cette référence permet surtout de légaliser la surveillance administrative via non seulement ces fausses antennes mais également tout « appareil » ou « dispositif technique » en capacité d’« ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination » ou « d'en prendre connaissance » ou « d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ». En clair, si cette référence au Code pénal encadre cette aspiration, elle déploie aussi dans le même temps un plus vaste champ d'action.
Autre avantage, l’abandon de l’IMSI-catcher va « éviter que la loi ne soit frappée d’obsolescence dès que la technique aura évoluée » ajoute Urvoas. Celui-ci prévient cependant que ces aspirations seront désormais autorisées non seulement contre le terrorisme, comme dans le projet de loi initial, « mais aussi pour l’espionnage, la criminalité organisée ou les violences graves portant atteintes à la sécurité publique, missions qui constituent de véritables préoccupations pour la sécurité de nos concitoyens ».