Alors que le Parlement a récemment souhaité que la lutte contre la fraude soit accentuée grâce aux croisements de données, un décret publié ce matin au Journal officiel nous donne un aperçu des manipulations pouvant être opérées par les organismes de sécurité sociale afin de repérer plus facilement les abus.
Ce décret, signé de la main de Manuel Valls et Marisol Touraine, ministre de la Santé, autorise la mise en œuvre, par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI), de « traitements de données à caractère personnel nécessaires à la lutte contre la fraude interne et les fautes, abus et fraudes des assurés, ayants droit, bénéficiaires de droits, employeurs, tiers, professionnels et établissements de santé, établissements médico-sociaux, établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes, laboratoires d'analyses médicales, fournisseurs et autres prestataires de services ». Autant dire que son spectre est extrêmement vaste ! Ce texte cible aussi bien les particuliers que les entreprises, et même les administrations et professionnels de santé...
Les organismes gestionnaires des régimes obligatoires de base de l'assurance maladie pourront ainsi moissonner des données relatives à des « personnes physiques ou morales auteurs ou concernés par une faute, un abus ou une fraude présumés ou avérés ». Cela concerna aussi bien les noms, adresse, date de naissance... des particuliers, que l’identifiant SIRET d’une entreprise ou le numéro d’un agent public dans le cas d’une fraude interne. Toute faute, abus ou fraude pourra surtout être décrite très précisément : période et nature des faits, estimation du préjudice, modalités de détection, etc.
Pour un meilleur aiguillage des contrôles
À l’appui de toutes ces informations, les organismes de Sécurité sociale auront le loisir d’aiguiser leurs radars, lesquels feront remonter directement des « alertes ». Le décret prévoit ainsi qu’il sera (entre autre) possible d’« élaborer une typologie des risques de fautes, abus et fraudes permettant de mieux cibler les dossiers à contrôler ». L’Assurance maladie, la MSA et le RSI se voient également autorisés à « suivre les signalements de suspicions de fautes, abus et fraudes afin de diligenter les contrôles, mener les investigations et, le cas échéant, d'engager des actions contentieuses ou des mesures d'accompagnement ».
En principe, les données enregistrées dans les outils de gestion des alertes seront conservées pour une durée maximale de cinq ans. Il en ira de même pour les données de signalement de faute, d'abus ou de fraude, sauf si les dossiers en question ont fait l’objet d’une décision de type relaxe ou classement sans suite. Dernière chose : les agents des services « dépendant du ministère chargé des finances publiques chargés de la lutte contre la fraude » pourront eux aussi avoir accès à ces informations, sous certaines conditions.
Si l’État cherche de plus en plus à lutter contre la fraude grâce aux nouvelles technologies, rappelons qu’il a également développé un simulateur de droits sociaux, censé de son côté permettre aux particuliers de mieux savoir à quelles aides ils peuvent légitimement prétendre – et ce alors que certains usagers pourtant parfaitement en règle ne réclament rien (voir notre article).