À l’initiative des centristes de l’UDI, la Commission de la culture du Sénat vient de lancer une mission d’information entièrement consacrée à la Hadopi. Des auditions doivent avoir lieu à partir de demain au Palais du Luxembourg, en attendant un rapport prévu pour cet été. Celui-ci pourrait influencer plusieurs textes législatifs, à commencer par le projet de loi de Fleur Pellerin sur la création.
Une Hadopi qui suscite toujours des débats, cinq ans après sa création
Plus de cinq ans après sa création par la droite, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) est toujours vivante. Alors que le rapport Lescure avait préconisé sa suppression, tout en sollicitant le transfert de ses compétences vers le CSA, l’institution continue d’envoyer plus de 100 000 avertissements par mois aux abonnés pris dans les filets de la riposte graduée. Le gouvernement socialiste avait pourtant promis de mettre en œuvre cette recommandation, avant de faire machine-arrière. Cette piste fut en effet écartée sans ambigüité par Fleur Pellerin à son arrivée au ministère de la Culture, en septembre dernier.
Seule une chose a changé depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir : la suspension de l’accès à Internet, peine complémentaire à l’amende maximale de 1 500 euros prévue en cas de défaut de sécurisation de sa connexion, a été supprimée.
Le budget de l’institution a au passage été réduit de manière drastique au fil du temps, passant sous la barre des 6 millions d’euros pour 2015 (bien loin des 12 millions d’euros alloués lors des années fastes). Résultat ? Le ministère de la Culture a été accusé de vouloir asphyxier budgétairement la Haute autorité, afin de la contraindre à ne se concentrer que sur la riposte graduée, au détriment de ses autres missions – encouragement de l'offre légale et régulation des mesures techniques de protection (DRM).
Comme par hasard, ce psychodrame portant sur le budget de l’institution (jugé suffisant par le ministère de la Culture, mais pas par la Hadopi) a eu lieu pile poil durant les débats parlementaires relatifs au projet de loi de finances pour 2015. Pendant ce temps, les ayants droit du cinéma écrivaient en douce à la nouvelle locataire de la Rue de Valois, Fleur Pellerin, pour se plaindre de l’action de la Haute autorité et de son secrétaire général, Éric Walter...
Une mission d'information pour faire le point sur la situation
Bref. C’est donc avant tout pour faire un point sur la situation, un peu plus au calme, que le bureau de la Commission de la culture du Sénat a décidé de lancer une mission d’information portant sur la Hadopi. L’institution, présidée par la centriste Catherine Morin-Desailly, a d’ailleurs choisi voilà quelques jours de nommer deux co-rapporteurs de bords différents : l’écologiste Corinne Bouchoux et Loïc Hervé (UDI).
« Nous voulons conduire une analyse ouverte de la Hadopi et de son fonctionnement, sans a priori et sans tabou » explique le sénateur Hervé, joint par Next INpact. Aujourd’hui, le parlementaire pointe le manque de clarté du gouvernement sur ce dossier. L’aspect budgétaire sera bien entendu central, même si l’objectif est également d’évaluer l’action de la Haute autorité au travers de ses différentes missions : offre légale, régulation des mesures techniques de protection et, bien entendu, la riposte graduée.
Évaluation du budget et des missions de la Haute autorité
Concrètement, cette mission d’information va se traduire par la tenue d’auditions, qui débuteront demain après-midi par une rencontre avec La Quadrature du Net. L’association de défense des libertés numériques, qui a toujours combattu les lois Hadopi, sera représentée par le juriste Lionel Maurel (alias @Calimaq). « Nous conduirons des auditions permettant à tous les acteurs et toutes les opinions de s’exprimer » promet Loïc Hervé. Les ayants droit devraient donc également être invités à faire valoir leur point de vue au cours des prochains mois.

Si le calendrier précis de ces auditions est encore inconnu, l’objectif final demeure de présenter un rapport avant le début de la session parlementaire extraordinaire de cet été, c’est-à-dire aux environs de la mi-juin. Pourraient être sur la table différentes recommandations d’ordre budgétaire, voire législatives – à propos du périmètre des missions de la Haute autorité notamment.
La couleur politique des deux co-rapporteurs n’est à cet égard pas un hasard, l’idée étant d’afficher un certain équilibre dépassant les clivages datant des débats de 2009 sur les lois Hadopi. Les deux élus étaient effectivement absents lors des discussions parlementaires, puisque Corinne Bouchoux est sénatrice depuis 2011 et Loïc Hervé depuis l’année dernière.
En attendant les hypothétiques projets de loi sur la création et le numérique
Le rapport de cette mission d’information devrait surtout arriver à peu près au même moment que le projet de loi de Fleur Pellerin sur la Création, promis il y a quelques mois encore pour le premier trimestre 2015. Axelle Lemaire prépare elle aussi un projet de loi consacré au numérique, lequel pourrait être débattu durant l’automne. Si ces deux textes ne devraient a priori pas toucher à la délicate question de la Hadopi, rien n’empêchera les parlementaires de les amender, pourquoi pas selon les recommandations de cette mission d’information... De plus, « la nouvelle majorité de droite et du centre peut désormais proposer des évolutions substantielles au travers d'un texte législatif, même si le gouvernement n'en a pas l'intention » rappelle enfin le sénateur Hervé.
Du côté de la Rue du Texel, on voit d’un très bon œil l’organisation de ces travaux. « La Hadopi se réjouit du lancement de cette mission » réagit ainsi Éric Walter, le secrétaire général de l’institution. Selon lui, cette mission d’information « traduit bien l'approche dépassionnée des questions relatives au téléchargement illicite qu'a toujours eu le Sénat ».