La banque fait sa révolution mobile

Allô ? C’est pour mon découvert !
Economie 9 min
La banque fait sa révolution mobile

Malgré le virage de la gestion du compte par Internet et l’arrivée de nouveaux entrants, les banques ont adopté le tournant numérique sans réellement changer leur manière de faire. Mais plus de dix ans après les premières banques en ligne, l’institution financière doit faire face à une nouvelle révolution : l'arrivée du mobile.

Et si votre smartphone était aussi votre agence bancaire ? Une fiction ? Non, une réalité pour 106 000 Français qui ont adopté en 2014 l’une ou l’autre des deux grandes solutions de banque mobile : Hello Bank et Soon. Lancées respectivement par BNP Paribas et Axa Banque, elles ont pour particularité de se focaliser sur un canal d’accès proposé à leurs clients, une application mobile à télécharger et permettant d'ouvrir et de gérer un compte. Et si Soon joue le jeu et a opté pour une stratégie « mobile only », Hello Bank propose aussi une interface web classique, ouvrant d'ailleurs plus de possibilités que son application.

Les banques, ces Ents

Une approche étonnante puisque l'on ne peut pas dire que les banques soient facilement capables de changer leurs habitudes. Face à l’émergence d'Internet dans le grand public, elles n'avaient ainsi pas vraiment repensé leur façon de faire, hormis en proposant des sites web comme un canal supplémentaire de communication. Ceux-ci permettaient de gérer les comptes, de dialoguer avec les clients, mais aussi d'attirer les prospects et les futurs candidats.

En pratique, et malgré l’arrivée de nouveaux acteurs vite rachetés par les réseaux traditionnels, la banque en ligne ne change pas grand-chose à ce qui se fait en agence, à part accélérer certaines opérations comme les virements ou les acceptations de prêt. Il a fallu l’émergence des applications mobiles pour que les banques se mettent à proposer des fonctions plus ou moins innovantes, y compris sur leurs sites, comme la généralisation des coffres forts numériques pour stocker les documents.

Hello Bank et Soon : deux approches différentes du mobile, pour séduire les jeunes

Et la création de banques pensées pour le monde mobile confirme cette tendance. Lancée à grands frais et dans quatre pays européens (Allemagne, Belgique, France et Italie), Hello Bank veut séduire les jeunes en proposant quasiment les mêmes offres que BNP Paribas (ouverture de compte courant et moyens de paiement, épargne, bourse, prêt), mais avec une interface principalement axée sur le mobile et des services spécifiques. À tel point que les conversations avec les conseillers financiers se font d'abord par chat ou par SMS. On retrouve aussi des solutions poussées de parrainage ou des initiatives comme Hello Play.

Plus modeste dans son lancement, Soon a la même cible, mais ne propose elle qu’une offre restreinte (compte courant, moyen de paiement, épargne). Rien de révolutionnaire ? Au contraire. Tout se fait avec son téléphone, y compris l’ouverture du compte. Après avoir téléchargé Soon, l’utilisateur prend en photo les pièces justificatives (carte d’identité, justificatif de domicile, exemplaire de sa signature manuscrite, etc.) pour ouvrir son compte. Soon s’accorde trois jours pour faire les vérifications obligatoires et envoyer un RIB au client pour qu’il puisse faire un premier virement et activer son compte. Le mobile est alors présenté comme un facteur de gain de temps.

Car tout dématérialisée que soit la relation, les obligations légales sont les mêmes. Ainsi, on retrouve parfois certaines lourdeurs dans les procédures, renforcées par des habitudes des institutions qui restent présentes. On vous demandera donc encore le plus souvent quel est votre métier, votre salaire, et d'en justifier avant de vous laisser rentrer.

Chambouler le monde de la banque comme le font les start-ups

L’ambition de Raphael Krivine, directeur de Soon chez Axa Banque, est simple : « Je veux révolutionner la banque comme AirBnb ou Blablacar ont révolutionné le voyage. » Sans lourdeur liée à l’existence d’un réseau étoffé d’agences, en s’appuyant sur les remontées des utilisateurs pour organiser des bêta-tests des fonctions à venir dans l'application, voire en leur confiant la publicité de la société via le bouche-à-oreille sur les réseaux sociaux. Soon veut casser les prix pour ses clients, et surtout ses propres frais de fonctionnement.

Avec à la clé un style bien à elle, en proposant par exemple une présentation de ses comptes sous forme d’une « timeline » de dépenses et la possibilité de les annoter avec des photos ou des commentaires. Et une gestion de son budget de façon prévisionnelle : non seulement l’usager voit ce qu’il lui reste, mais également ce qu’il doit encore dépenser jusqu’à la fin du mois :

Il peut même se créer une cagnotte supportée par un livret d’épargne à la souscription très discrète, pour ses projets (voyages, gros achats). Sans autre publicité que le bouche-à-oreille et quelques messages ciblés sur le web et notamment via les réseaux sociaux, Soon a séduit en un an 5 000 internautes, à 60 % âgés de moins de 30 ans et pour moitié encore étudiante.

Bénéficiant, elle, d’une vraie campagne publicitaire sur l’ensemble des supports, Hello Bank affiche de bien meilleurs résultats : 101 000 clients en France depuis son lancement en 2013. La clientèle est moins jeune (40 ans en moyenne), plus aisée (avec des revenus moyens de 2 370 euros par mois) et transfuge en grande partie de la maison mère (65 % des clients viennent de BNP Paribas, 35 % sont des nouveaux venus).

Le mobile, passage obligé des banques classiques

Face à cette concurrence, les banques classiques sont aussi contraintes de revoir leur offre mobile. Aurélien Cunin, manager du cabinet d’études Elia Consulting, le constate : « Nous sommes à un tournant, les banques ont démarré avec des fonctions basiques (gestion des comptes, virement, etc.). Ce n’était qu’un déportage de ce qu’elles font sur le Web pour le mobile. La deuxième phase consiste à proposer des applications purement mobiles, pour ne pas se faire dépasser par des tiers qui proposent des applications mobiles (gestions de cagnottes, gestion de budget, etc.) »

En un an, toutes les grandes banques ont modifié leurs applications mobiles et proposent de nouveaux services : générateur de code aléatoire pour faciliter l'utilisation de 3D Secure, coffre-fort numérique, visualisation en direct de son budget, intégration d’outils de prise de rendez-vous en direct avec son conseiller. Avec Howizi, la Caisse d’Épargne propose même une application dédiée aux jeunes, clients ou non chez elle, et les aident à s’intégrer dans la vie active. S’ils veulent rejoindre la banque, comme pour Soon, ils ont juste à prendre les pièces justificatives en photos.

Dans les deux heures, ils reçoivent une proposition de rendez-vous en agence pour finaliser le compte, et se voir proposer d’autres produits adaptés à leurs profils. Certaines caisses songent même à proposer l’encaissement des chèques à partir d’une photo faite avec son téléphone.

Le gestionnaire de budget, argument clé du mobile

Du côté des banques en ligne, le mobile fait aussi bouger les lignes. Steven Loncle, directeur marketing d’ING Direct, explique d’ailleurs que pour ses 907 000 clients, « durant ces deux dernières années, le trafic via les smartphones a été multiplié par trois. Plus de 50 % des clients compte courant utilisent l’application mobile qui devient le principal canal de contact avec la banque. » Du coup, l’application mobile est en rénovation permanente. C’est pour l’instant l’une des rares à ne pas intégrer de PFM (Personal Finance Manager ou gestionnaire de budget personnel) : « Nous le retravaillons, car la vision classique du PFM avec les camemberts n’apporte pas grand-chose au client. Nous étudions une meilleure projection dans l’avenir proche de la gestion des comptes avec une prédictivité des transactions à venir. »

Le PFM est l’argument clé des applications mobiles pour les banques. Avec l’arrivée de certaines applications dédiées comme Mint aux États – Unis, Bankin’ ou Linxo en France, les banquiers se sont soudain retrouvés face à des clients capables de voir rapidement les coûts cachés et de prendre en main leurs finances de manière simple. Même si la sécurité des données confiées à ces start-ups est très nébuleuse, certains internautes sont prêts à payer pour ce type de service qui vous demande pourtant de leurs confier vos accès bancaires. Un point crucial, mais pourtant rarement au centre des débats. Interrogé sur le sujet, Bankin' qui se veut rassurant sur son site, nous a par exemple opposé une fin de non-recevoir assez véhémente à nos questions. (Mais nous sommes bien entendu disponibles en cas de changement de position).

Pour reprendre la main, les banques ont donc proposé chacune leur version de ces outils. Le plus souvent limitée à la visualisation des différents comptes souscrits chez eux. Seule Boursorama, une filiale de la Société Générale, en propose une version permettant de raccorder des comptes d’autres banques dans son application. Elle vient même récemment de proposer l’agrégat des factures (en provenance de vos différents fournisseurs ou même des impôts) et un système d’alerte en cas de nouvelle facture. Le résultat s’est vite fait sentir : fin 2014, la moitié des 600 000 clients de la banque consultait ses comptes sur mobile.

Les autres banques déconseillent fortement à leurs clients de donner leurs informations de connexions à des tiers, sous peine de ne pas se voir rembourser les détournements de fonds qui pourraient en résulter. Maintenant que toutes les banques ont leur version, quelle sera l’offre-clé de demain ? Si certaines comme Soon misent sur le transfert d’argent de personne à personne, d’autres préfèrent y ajouter le paiement en magasin ou sur Internet.

Les banques attaquées par de nombreux nouveaux acteurs

À moins que les banques ne doivent se méfier des géants du web et des opérateurs. Fort de son expérience en Afrique avec Orange Money, et du lancement l’an dernier d’Orange Cash misant sur le paiement NFC mobile sans passer par une banque, l’opérateur a annoncé lors de sa récente conférence Essentials 2020 son intention de lancer une banque mobile en France d’ici à 2018. Il faut dire que depuis octobre, il teste déjà l’opération en Pologne avec Orange Finanse, en partenariat avec MBank.

Celle-ci est ouverte à tous, mais les clients Orange ont quand même des avantages fidélité en plus. Elle propose l’ensemble des services d’une banque classique (compte-courant, épargne, crédit à la consommation), ainsi que des solutions différentes comme le retrait d’argent en distributeur à partir d’un téléphone et un transfert d’argent de particulier à particulier. Ce dernier, contrairement à la plupart des solutions existantes, n’oblige pas le destinataire à s’enrôler dans Orange Finanse pour recevoir son argent. Il peut choisir de donner son numéro d’IBAN sur une page sécurisée à partir du SMS d’alerte et recevoir un transfert classique. Une solution aussi proposée en France par la Société Générale :

Dans quelles conditions, Orange peut-il arriver en France ? Soit en devenant établissement financier, ce qu’a déjà fait Paypal et d’autres avant lui. Soit en s’appuyant sur une banque ou pourquoi pas un Compte Nickel qui voudrait gagner plus rapidement de nouveaux clients.

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