Deux agents fédéraux américains sont désormais sur le banc des accusés dans la zone d’attraction de l’affaire Silk Road. Ils auraient amassé plusieurs millions de dollars en bitcoins durant l’enquête, soit en détournant les fonds cumulés durant le succès de l’entreprise criminelle, soit en essayant de monnayer des informations.
Détournement et blanchiment d'argent
Silk Road, que beaucoup comparaient au « eBay de la drogue », était un site criminel qui a fait l’objet d’une large enquête d’une véritable traque qui s’est poursuivie jusque dans le réseau Tor. Pour la justice américaine, il s’agissait d’envoyer un message fort : ce n’est pas parce qu’un service se développe dans le « Darknet » qu’il peut se considérer comme à l’abri des forces de l’ordre. Silk Road avait permis à pas moins de 200 millions de dollars de transiter pour acheter des marchandises largement interdites, telles que des drogues et des armes.
Le FBI avait fini par faire fermer le site et avait arrêté le fondateur, Ross Ulbricht. Pourtant, un an et demi après ce coup d’arrêt, Silk Road continue de faire parler de lui. Il faut dire que l’odeur de soufre du service a potentiellement entrainé dans son sillage deux agents fédéraux, accusés désormais d’avoir profité des informations récoltées par le FBI pour monnayer des informations et détourner une partie des gains générés.
Des centaines de milliers de dollars en bitcoins
Shaun Bridges et Carl Force, ont été ainsi mis en examen lundi. Le premier, âgé de 32 ans et agent des services secrets, aurait détourné 820 000 dollars en bitcoins vers un compte personnel, en passant par feu Mt.Gox. Quant au second, les griefs sont encore plus sérieux : cet agent de 46 ans de la DEA (Drug Enforcement Administration), aurait tenté de fournir à Ross Ulbricht des informations sur l’avancement de l’enquête contre 100 000 dollars, puis de passer sous silence certains éléments accablants au reste des enquêteurs, pour 250 000 dollars cette fois. Le tout en bitcoins à chaque fois.
Conflit d’intérêt, blanchiment d’argent et vol de la propriété de l’État font ainsi partie des chefs d’accusation. Et dans ces domaines, Carl Force est visiblement le plus impliqué des deux. Au cours de l’enquête, il travaillait sous couverture pour entrer en contact avec Ross Ulbricht. Il se faisait passer pour un criminel et est allé jusqu’à créer de toute pièce des preuves d’assassinat. Un acte commandité initialement par Ulbricht pour se débarrasser d’un autre administrateur de Silk Road, Curtis Clark Green (qui est toujours bien vivant).
Une vraie fausse assignation pour faire dégeler un compte
Selon un communiqué du Département américain de la justice, Carl Force aurait largement profité de sa position privilégiée dans l’enquête pour tenter de s’enrichir. Il aurait ainsi dépassé ses attributions pour entretenir des contacts personnels avec Ross Ulbricht et s’engager dans des activités qui n’étaient pas prévues. Toutes avaient vocation à soit voler le gouvernement, soit détourner des bitcoins dans les transactions effectuées sur Silk Road. Voyant que l’un de ses comptes personnes était bloqué, il a même eu recours à une assignation non autorisée auprès du service de paiement CoinMKT pour le faire dégeler.
Les deux agents ne font plus partie de leurs agences respectives. Carl Force avait quitté la DEA en mai 2014, tandis que Shaun Bridge a démissionné il y a plusieurs semaines. Ce dernier s’est rendu aux autorités vendredi dernier, mais Force a été arrêté ce lundi.