[MàJ] Proxénétisme : nouvelle tentative d'extension du blocage administratif des sites

Main rouge et dessous roses
Droit 4 min
[MàJ] Proxénétisme : nouvelle tentative d'extension du blocage administratif des sites
Crédits : Ministère Intérieur (et Megan Strickland)
Mise à jour :

Un autre amendement a été déposé, cette fois par la sénatrice PS Michelle Meunier. Il vise à étendre lui aussi le blocage des sites pédopornographiques ou terroristes aux sites de traite et de proxénétisme. En soutien de son texte, la rapporteure de la Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel rappelle que Najal Vallaud-Belkacem s’était opposée un temps au blocage administratif, car « d'une part, l'efficacité de ce dispositif serait incertaine, d'autre part, il serait problématique de prévoir un mécanisme de blocage sans le contrôle du juge judiciaire ». Cependant, depuis la mise en œuvre de la loi contre le terrorisme, « ces arguments ont quelque peu perdu leur portée ». Depuis la publication du décret d’application de cette loi, « le nouveau dispositif a déjà permis le blocage de plusieurs sites faisant l'apologie du terrorisme. [De plus] un mécanisme de contrôle satisfaisant a été instauré, reposant sur une personnalité qualifiée nommée par la CNIL ». Elle considère du coup qu’on peut, sans difficulté, « réinstaurer la possibilité de bloquer les sites internet utilisés par les réseaux de traite et de proxénétisme. »

Au Sénat, un amendement a été déposé afin d’étendre le blocage administratif aux sites de proxénétisme et de traite des êtres humains. Une mesure envisagée dans le cadre de la proposition de loi sur le proxénétisme, portée par les députés PS en 2013.

La sénatrice Chantal Jouanno propose en effet d’instaurer un blocage des sites de proxénétisme ou de toute autre exploitation sexuelle (articles 225-4-1, 225-5 et 225-6 du Code pénal). Le principe serait identique à celui désormais en vigueur en matière de pédopornographie ou d’apologie du terrorisme : l'autorité administrative transmet aux FAI les adresses des sites litigueux, lesquels doivent alors être bloquées sans délai. Selon l’élue UDI, nombre d’entre eux sont installés à l’étranger, rendant impérieuse cette voie administrative, sans juge. De même, « les réseaux d'exploitation sexuelle opèrent de plus en plus sur Internet, et les pouvoirs publics doivent apporter une réponse concrète à ce problème dans les meilleurs délais » expose-t-elle dans son amendement, en faisant l’impasse sur les voies judiciaires déjà existantes.

Le blocage administratif combattu, défendu, abandonné et réintroduit ?

Cette disposition n’est pas le fruit de l’imagination débordante de l’UDI. On la retrouvait déjà dans le premier jet de cette proposition de loi, déposée en 2013 par les députés du groupe socialiste. À l’occasion, ces mêmes élus oubliaient le moratoire sur le blocage qu’ils avaient pourtant défendu en 2011, alors dans l’opposition.

Évidemment, leur idée avait soulevé dès 2013 une vague de protestations notamment au sein de l’Asic, l’association des sites Internet communautaire. Pour cette organisation, « une telle mesure risque de porter atteinte au principe essentiel de neutralité des réseaux. La mise en place de dispositifs de blocage doit donc être considérée comme exceptionnelle et limitée exclusivement aux contenus pédopornographiques et ne doit pas être étendue ». Autre chose, face au proxénétisme ou la traite des êtres humains, « les intermédiaires de l’internet n’ont aujourd’hui pas les pouvoirs, ni la légitimité, de juger si un contenu relève ou non d’un de ces cas. Sans enquête préalable, sans vérification, ils sont dans l’impossibilité de se livrer à une telle analyse juridique que seuls les services d’enquêtes ou les magistrats sont en mesure et fondés de mener ». Bref, selon l'association qui regroupe Google, Microsoft, Dailymotion, Ebuzzing ou encore Facebook, « seul un juge doit être en mesure d’ordonner une mesure de blocage d’un site internet tant cette mesure est susceptible d’avoir des effets de bords non désirés (notamment quant aux dommages collatéraux générés par la mesure de blocage instaurée) et ainsi de porter atteinte à la liberté d’expression. »

Le temps des débats parlementaires venu, l’écologiste Sergio Corronado avait tout autant dénoncé cette extension du blocage administratif, se rappelant que « par le passé, le Parti socialiste s’est toujours opposé à ce type de dispositif ». Le député s’armait aussi de l’avis du Conseil national du numérique pour dézinguer le caractère contreproductif de ces mesures, les risques de surblocage et d’atteinte à la liberté d’expression et de communication que seul le juge judiciaire peut arbitrer.

Finalement, Najat Vallaud-Belkacem avait consenti à fusiller cette partie, inscrite à l’article 1 de la proposition, jugée peu efficace « compte tenu de la possibilité pour les proxénètes de recréer rapidement des sites Internet ». Selon l'ancienne ministre des Droits des femmes, en effet, « le partage entre les responsabilités respectives du juge et de l’autorité administrative dans ces décisions est un sujet qui mérite une réflexion plus approfondie, dans le respect des droits fondamentaux en termes de libertés d’expression et de communication. » Le gouvernement estimait en outre l’extension du blocage trop « prématurée » alors que « cette réflexion » est engagée dans le cadre de la préparation d’un futur (et vague) habeas corpus numérique.

Cependant, cette position s’est fragilisée un an plus tard : en juillet 2014, lors des premiers échanges préparatoires au Sénat, la même ministre a fait finalement savoir qu’elle était désormais prête à « aller plus loin » sur la question. Le signe d’une possible inflexion du gouvernement sur l’extension du blocage administratif.

De nouvelles obligations sur le dos des intermédiaires

Dans tous les cas, la proposition de loi discutée au Sénat les 30 et 31 mars engagera bien la responsabilité des acteurs du Net. Les députés avaient en effet laissée intacte une autre disposition, toujours à l’article 1, celle étendant aux sites de proxénétisme l’obligation de signalement actuellement réservée à l'apologie des crimes contre l'Humanité ou du terrorisme, à l'incitation à la haine raciale, la pornographie enfantine, etc.

Votée en l'état, l’obligation obligera FAI et hébergeurs à mettre en place « un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données ». Ces alertes devront être transmises à la plateforme Pharos, gérée par l’OCLCTIC. Les critiques sont cette fois moins virulentes, quoi que les adversaires d’un tel mécanisme jugent nécessaire d’agir avec prudence : de telles obligations suscitent en effet des réflexes d’autocensure chez les plus sensibles des intermédiaires, désormais placés en situation de « connaissance » d’un fait qu’ils pourraient considérer manifestement illicite. Or la loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004 les contraint dans de tels cas à supprimer l'accès, sans attendre, sous peine d’engager leur responsabilité immédiate.

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