La commission sénatoriale chargée d’examiner le projet de loi Macron a approuvé les dispositions introduites par les députés afin de contraindre les principaux transporteurs (train, bus, métro...) à mettre en ligne, dans un format ouvert et librement réutilisable, leurs « principales données ». S’appliquant initialement aux horaires théoriques et aux arrêts, ces dispositions ont été étendues aux horaires « constatés » et aux tarifs des sociétés concernées.
Adopté le 19 février par les députés grâce au « 49-3 », le projet de loi « pour la croissance, l’activité et les chances économiques » est en discussion depuis la semaine dernière au Sénat. De la même manière qu’à l’Assemblée nationale, c’est une commission spéciale qui est tout d’abord chargée d’examiner le texte, avant qu’il n’arrive en séance publique, c’est-à-dire dans l’hémicycle – normalement le 7 avril prochain.
Les parlementaires ne veulent pas attendre l'hypothétique projet de loi numérique
Cette fameuse commission s’est ainsi penchée sur l’article 1er quater de la loi Macron, qui prévoit que « les principales données des services réguliers de transport public de personnes sont mises en ligne à la disposition du public, sous un format ouvert et librement réutilisable ». Par voie d’amendement, les députés ont introduit cet article afin de contraindre les principaux opérateurs de transport public (SNCF, RATP, certaines sociétés de bus ou d’avion...) à diffuser sur Internet des informations particulièrement précieuses pour le public, à commencer par leurs arrêts et horaires théoriques.
Fait notable : ces dispositions ont été votées aussi bien par des députés de gauche que de droite, et ce alors que le gouvernement y était défavorable. L’exécutif plaidait en effet pour le statu quo, le temps que le comité Jutand sur les données de transport remette officiellement son rapport – ce qui est chose faite depuis le 12 mars – et que le projet de loi numérique arrive au Parlement (voir notre compte rendu).
Une ouverture des informations tarifaires et des horaires « constatés »
Au Sénat, où la droite est désormais majoritaire, aucun amendement n’avait été déposé afin de supprimer cet article. Au contraire, la rapporteure Dominique Estrosi Sassone (UMP) souhaitait amplifier ce mouvement en ajoutant à la liste des données devant être obligatoirement ouvertes les horaires « constatés » des transporteurs ainsi que leurs « tarifs ». Devant la commission spéciale, mardi dernier, la sénatrice a expliqué qu’il s’agissait de contraindre les opérateurs à communiquer leurs horaires réels – et non plus théoriques – afin que les retards soient également portés à la connaissance du public.
Son amendement n’a cependant pas fait l’unanimité... Selon la socialiste Nicole Bricq, ancienne ministre du gouvernement Ayrault, tout ceci n’est « pas réalisable ». Jean-Jacques Filleul, lui aussi PS, s’est dit défavorable à cette proposition dans la mesure où il préférait attendre le projet de loi numérique du gouvernement. « Il est difficile de savoir quand [ce] projet de loi sera mis à l'ordre du jour, a rétorqué la sénatrice Estrosi Sassone. Pourquoi ne pas améliorer dès maintenant l'information des voyageurs, quitte à reprendre le détail du dispositif dans le projet de loi sur le numérique ? » L'argument, déjà brandi à l'Assemblée nationale, a manifestement convaincu puisque cet amendement a été adopté, de même qu'un amendement rédactionnel défendu une nouvelle fois par la rapporteure.
Les débats promettent d'être encore nourris
Le gouvernement, qui ne s’est pas fait entendre lors de ces brèves discussions en commission spéciale, pourrait donner davantage de voix à l’occasion des débats en séance publique. Le rapport Jutand sur les données de transport propose en effet de légiférer d’une toute autre manière, en insérant dans le Code des transports « une disposition législative déclarant réutilisables les données nécessaires à l’information du voyageur ». Sur le cas particulier des données en temps réel, il est par ailleurs expliqué que celles-ci pourraient être payantes, dès lors qu’elles occasionnent un surcoût « significatif » pour leur producteur.
De leur côté, les transporteurs risquent de voir ces dispositions d’un assez mauvais œil puisqu'ils font régulièrement payer l’accès à ces précieuses données, notamment lorsqu’elles sont en temps réel. De plus, cette transparence relative aux retards pourrait mettre certains organismes dans l’embarras, la RATP écopant par exemple d'un « malus » en cas d’irrégularités trop importantes, comme l’avait révélé Le Monde il y a plusieurs années.
Bref, les débats sur les données de transport sont loin d’être terminés, d’autant que cet article du projet de loi Macron prévoit que les modalités d’application de ces dispositions seront « définies par décret en Conseil d'État, après consultation des organisations représentatives des autorités organisatrices et des opérateurs de transport concernés ».