Le jeu vidéo fait son cinéma

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Le jeu vidéo fait son cinéma

Les industries du cinéma et du jeu vidéo entretiennent depuis de nombreuses années des relations privilégiées. Si au départ il était surtout question d'adapter les blockbusters de l'époque sur consoles, depuis le milieu des années 90 le jeu vidéo s'invite au cinéma, avec plus ou moins de réussite et la tendance ne fait que s'accentuer. Mais où est-ce que cela nous mène ?

L'industrie du cinéma et du jeu vidéo partagent un but commun : celui de vendre du divertissement à un public de plus en plus nombreux. En 1982, le marché mondial du jeu vidéo était estimé à 3 milliards de dollars, loin derrière le septième art. Aujourd'hui, la situation est inversée : en 2013 l'industrie vidéoludique a généré plus de 95 milliards de dollars, contre « seulement » 88,3 milliards pour le cinéma selon l'institut PwC.

Les relations entre les deux mondes ont également évolué avec leurs progressions respectives. Si dans les années 80 et 90 il était surtout question de voir des films adaptés sous la forme de jeux vidéo, la tendance s'est là encore inversée. L'industrie du cinéma s'intéresse aux grandes franchises du jeu vidéo afin de les amener dans les salles obscures, ou à la télévision comme avec GTA dont on vient d'apprendre qu'elle fait l'objet d'une adaptation par la BBC. Un changement qui s'est fait lentement et parfois dans la douleur avec, par exemple, l'exécrable Beetlejuice dont le Joueur du Grenier a abordé le cas par ici.

L'adaptation de jeux au cinéma n'est pas un phénomène nouveau

Malheureusement, l'expérience n'a globalement pas été très reluisante et a donné naissance à des films qui sont, dans le meilleur des cas, rapidement tombés dans les oubliettes. L'exemple le plus criant reste certainement celui de Super Mario Bros qui, malgré son budget de 48 millions de dollars, a reçu un accueil critique digne des plus grands nanars. L'année suivante, Street Fighter n'a pas non plus reçu un accueil très favorable du public, malgré la présence de Jean-Claude Van Damme et de Kylie Minogue au casting.

La même année, Double Dragon s'avère aussi être un échec cuisant, avec 2,3 million de dollars au Box-office. Il faudra attendre un an de plus pour voir le premier film inspiré d'un jeu vidéo rencontrer le succès, avec Mortal Kombat, qui rapportera 122 millions de dollars.

Street Fighter Film Affiche Double Dragon Film Affiche Mortal Kombat Film Affiche

Les grandes franchises de la fin des années 90 ont également eu le droit à leur adaptation au cinéma, là encore avec plus ou moins de réussite. Wing Commander, réalisé par Chris Roberts, le créateur du jeu original, a ainsi été un cuisant échec commercial, tout comme Final Fantasy : Les créatures de l'esprit, dont les 135 millions de dollars engloutis par la production ont failli faire capoter la fusion de Squaresoft avec Enix.

Capcom, Konami et Core Design ont par contre eu bien plus de succès avec respectivement Resident Evil, porté par Mila Jovovitch, Silent Hill, avec Sean Bean dans l'un des rôles principaux, et Tomb Raider, avec Angelina Jolie sous les traits de Lara Croft. Au total, plus d'une dizaine de films basés sur le scénario de jeux vidéo ont ainsi été réalisés dans les années 1990-2000. Et ce, sans compter la fameuse filmographie d'Uwe Boll, qui ne vaut qu'on s'y attarde que si on est porté par l'amour des films qui se regardent au vingtième degré.

Les éditeurs de jeux se servent du cinéma pour rentabiliser leurs franchises

Depuis peu, les choses semblent toutefois s'accélérer chez les éditeurs, qui cherchent tous à amener leurs franchises dans les salles obscures. Electronic Arts a ainsi adapté Need For Speed au cinéma l'an passé. Un film qui malgré des critiques plutôt moyennes a récolté 203 millions de dollars au box-office pour un budget de 66 millions de dollars. 

Le planning des sorties pour les années à venir est également assez chargé. Blizzard planche avec Legendary Pictures sur Warcraft, dont la sortie est attendue début 2016. Sony veut également adapter Gran Turismo, tandis que Notch et Warner Bros ont trouvé un accord pour réaliser un film basé sur Minecraft. Il fallait oser.

Need For Speed
Need for Speed

Quelques studios se lancent aussi dans l'aventure seuls, comme Naughty Dog, qui travaille sur un film basé sur The Last of Us. Warner Bros va même encore plus loin et travaille sur un film exploitant la franchise Space Invaders, dont on a encore du mal à imaginer la teneur. Même Rovio a rejoint le mouvement et prépare un long-métrage sur Angry Birds. Netflix n'est pas en reste et prépare une série sur le monde de Zelda.

Certains éditeurs comme Ubisoft vont même plus loin, et assurent que l'ensemble de leurs nouvelles franchises seront prévues dès le départ pour être amenées sur le plus de médias possibles, cinéma inclus. La première d'entre-elles à avoir endossé ce modèle n'est d'ailleurs autre que Watch_Dogs. L'éditeur n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai puisqu'on lui doit en partie le film Prince of Persia : les sables du temps, sorti en 2010. Ubisoft a d'ailleurs d'autres projets dans ses tuyaux, dont un long métrage avec les Lapins Crétins.

Le cas des Lapins Crétins est d'ailleurs assez unique dans son genre, puisqu'Ubisoft vise non seulement le cinéma avec sa franchise, mais une large variété de produits. Les fameux lapins ont ainsi le droit à leur propre série d'animation réalisée avec Nickelodeon, ils vantent les mérites (à leur façon) de monospaces dans des publicités et se sont même offerts une attraction les mettant en scène au Futuroscope de Poitiers :

Dans un tel cas de figure, le film n'est finalement qu'un produit dérivé de plus et certains éditeurs ne se cachent même plus de cela. La récente annonce du film Tetris peut assez facilement être catégorisée de la sorte. En effet, nous allons avoir le droit à un film de science-fiction, dont le seul point commun avec l'univers du jeu est son nom.

Le studio se repose alors uniquement sur une marque forte en espérant que cela fasse vendre. D'une certaine manière, le film est devenu une sorte d'aboutissement pour le merchandising d'une création vidéoludique, un joli retournement de situation par rapport aux années 1990 où le jeu n'était qu'un produit dérivé comme un autre pour le cinéma.

Le jeu vidéo et le cinéma partagent de plus en plus de points

Cela dit, la relation entre le jeu vidéo et le cinéma ne se limite pas à la promotion croisée de franchises. En pratique, ces deux « arts » s'inspirent mutuellement. Le cinéma vient parfois piocher ses sujets dans l'univers vidéoludique (Wreck-it-Ralph, Pixels, TronExistenz...) tandis que certains jeux vidéo empruntent nombre de techniques aux réalisateurs de films.

Certains jeux tiennent même d'ailleurs plus du film interactif que du jeu vidéo à proprement parler. Dans cette catégorie, on retrouvera des titres comme Heavy Rain ou Beyond Two Souls, qui s'appuient énormément sur la narration plus que sur l'interactivité entre le jeu et le joueur. 

 Beyond : Two Souls

Beyond Two Souls, à mi-chemin entre cinéma et jeu vidéo

Concernant ce dernier, l'éditeur (Sony) a d'ailleurs poussé la ressemblance jusqu'à faire la promotion de son titre sur des sites ne traitant habituellement que de cinéma, comme AlloCiné. Beyond Two Souls a à cet égard le droit à sa propre fiche sur le site dans le cadre d'un partenariat publicitaire. Dans le même genre, on pourra penser au récent The Order : 1886, critiqué par certains pour n'être plus un film interactif qu'un TPS. 

Pour le reste, sur le plan technique, les cinématiques dans les jeux portent bien leur nom. Il s'agit d'un entracte durant lequel le joueur est passif afin qu'on lui déroule une partie du scénario. Certaines séries, comme Metal Gear Solid, en sont particulièrement friandes. Les plus anciens se souviendront aussi que l'une des spécificités de la franchise Command & Conquer tenait justement dans ses vidéos tournées avec de vrais acteurs. Dans ce type de scènes, on retrouve de nombreuses techniques empruntées au cinéma, comme le champ-contrechamp lorsque deux personnages dialoguent, ou les plans-séquence pour faire découvrir le décor au joueur. 

Hans Zimmer et Michael Bay : du cinéma... aux adaptations de jeux vidéo

Sur le plan sonore, le jeu vidéo et le cinéma partagent également de plus en plus de choses. Si, dans les années 80, il était impensable d'imaginer les mélodies plutôt pauvres que pouvaient générer une NES ou une Megadrive, l'avènement du CD en tant que support a permis aux jeux vidéo de se doter de bandes originales dignes de celles des blockbusters.

C'est à cette époque que certains compositeurs célèbres travaillant pour le septième art ont commencé à pointer le bout de leurs instruments dans les studios de jeu vidéo. Ainsi, en 2001, Harry Gregson Williams, à qui l'on devait alors la bande originale de Chicken Run, Ennemi d'État ou encore de Shrek, s'est essayé au jeu vidéo avec Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty. Il a depuis travaillé sur l'ensemble des épisodes de la série et sera au générique de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain.

Même Hans Zimmer, que l'on connait pour son travail pour des films tels que Pirates des Caraïbes, la trilogie Batman de Christopher Nolan, ou, plus récemment, Twelve Years a Slave, s'est aussi essayé au jeu vidéo. Il a ainsi composé les thèmes principaux de trois titres : Call of Duty Modern Warfare 2, Crysis 2 et Skylanders : Spyro's Adventure.

Mais ce n'est pas tout et les liens entre le septième art et les jeux vidéo se resserrent toujours un peu plus, notamment avec Michael Bay (la saga Transformers, Bad Boys, Rock, Armageddon, etc.), qui devrait s'occuper de réaliser Tom Clancy’s Ghost Recon. L'annonce officielle date de juin 2013, mais depuis assez peu d'informations ont filtré. Difficile donc de savoir où en est ce projet.

Le mouvement n'est pas près de s'arrêter

Quoi qu'on en dise, et même si certains projets en cours comme Tetris (avec Jim Carrey ?) et Space Invaders peuvent sembler ridicules aux yeux de certains, le rapprochement entre le jeu vidéo et le cinéma ne devrait pas s'arrêter de sitôt, tout simplement parce que cette recette marche bien, commercialement parlant. 

Un film comme Lara Croft : Tomb Raider étant largement bénéficiaire, avec plus de 270 millions de dollars de recettes au box office pour un budget de 115 millions, il ne peut qu'encourager les éditeurs et les studios à poursuivre dans cette voie. Le film de Simon West n'est d'ailleurs pas le seul à avoir réalisé de tels scores, Prince of Persia : Les Sables du temps, ayant même dépassé la barre des 300 millions de dollars au box-office en 2010 (avec un budget certes plus élevé, estimé entre 150 et 200 millions de dollars).

Capcom, de son côté, affirme dans son dernier rapport annuel avoir engrangé près d'un milliard de dollars au box-office avec Resident Evil et Street Fighter. Resident Evil Afterlife 3D, sorti en 2010, a même frôlé la barre des 300 millions de dollars pour un budget de seulement 60 millions. Le dernier volet, baptisé rétribution, a quant à lui fait un peu moins bien mais reste encore très rentable avec un investissement initial de 65 millions de dollars :

Capcom Cinéma revenus
Capcom profite bien de cette nouvelle manne financière

Des résultats convaincants qui ont poussé l'éditeur a prévoir un sixième opus, baptisé The Final Chapter, dont le tournage est prévu l'été prochain, mais également à exploiter le filon avec un film basé sur la franchise Dead Rising, attendu cette année. Même l'ogre Disney s'est lancé à sa façon dans ce domaine, avec la très récente annonce d'une série baptisée Gamer's Guide to Pretty Much Everything qui sera diffusée cet été sur la chaîne Disney XD. Il ne s'agit pas de l'adaptation directe d'un jeu, mais d'une série dans laquelle on pourra suivre l'histoire d'un jeune garçon de 15 ans, ancienne gloire du sport électronique désormais à la retraite suite à une blessure au pouce (sic).  

Tant que les films basés sur les jeux vidéo réaliseront de tels chiffres, il ne faudra pas s'attendre à ce que la tendance s'inverse. Par contre, si de gros projets tels que Minecraft ou Warcraft venaient à ne pas trouver leur public, le climat pourait se refroidir d'un coup pour les éditeurs. En attendant, les héros de nos jeux continueront à envahir de plus en plus d'écrans, sans doute pour notre plus grand plaisir.

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