Le gouvernement vient d’annoncer une série de mesures pour favoriser les zones rurales. Parmi elles, plusieurs concernent les connexions à Internet des habitants et entreprises en campagne. Le but : résorber une bonne fois pour toutes les zones blanches et zones grises de l'Internet fixe et mobile.
Les campagnes seront connectées, c’est le gouvernement qui le dit. En effet, un comité interministériel délocalisé s'est tenu ce matin à Laon, dans l'Aisne. Il était consacré aux ruralités et au désenclavement des territoires isolés. 11 ministres étaient présents et Manuel Valls en a profité pour annoncer une série de mesures afin d'améliorer l’accès des zones rurales aux services, y compris à Internet. Le gouvernement a présenté cinq mesures spécifiques au numérique, qui concernent avant tout les réseaux.
Déployer plus rapidement du VDSL2 et du satellite
La première concerne le raccordement des services publics et des entreprises « identifiés comme prioritaires par les collectivités » en très haut débit (THD). Le gouvernement compte « revoir le cahier des charges du plan France THD ». Celui-ci prévoit pour l’instant de raccorder 50 % des foyers en THD d’ici 2017, et 100 % en 2022. Jusqu’ici, la priorité a été portée sur la fibre optique, qui doit relier 80 % des foyers à Internet en 2022, en étant complété par d’autres technologies comme le câble, le VDSL2 (sur le réseau téléphonique) ou le satellite.
Le tout est piloté par une mission au ministère de l’Économie, qui a validé la majorité des projets de collectivités et doit distribuer 1,4 milliard d’euros cette année. Mais ce n’est semble-t-il pas suffisant pour le gouvernement. Celui-ci veut faciliter « le recours à des solutions complémentaires à la fibre optique jusqu’à l’abonné (montée en débit, satellite, 4G…) » pour apporter plus vite de meilleurs débits dans les zones mal desservies aujourd’hui. Le dernier observatoire du marché fixe de l'ARCEP révélait encore une énorme disparité entre villes et campagnes, la fibre étant encore majoritairement réservée aux zones urbaines, quand les zones rurales se contentent plus de solutions comme le câble ou la montée en débit.
Si l’intention est louable, cette mesure n’est pas sans risque. La montée en débit sur le réseau téléphonique (en VDSL2) pendant quelques années, avant que la fibre optique n’arrive, fait par exemple débat. Pour ses promoteurs, comme Orange, elle améliorerait simplement les débits dans les zones enclavées, tout en permettant de rentabiliser encore le vieux réseau cuivre... Alors que d’autres experts et opérateurs, plus sceptiques, estiment que les investissements de ce genre retardent ceux sur le réseau de fibre optique, le seul qui compte vraiment à leurs yeux. Le rapport de Paul Champsaur sur le passage au THD, qui était très attendu par le gouvernement et les opérateurs, émet lui-même des réserves sur cette solution « temporaire ».
Ce nouvel empressement est presque étonnant, surtout lorsque le document précise que « le rythme de déploiement actuel est en phase avec l’objectif annoncé par le président de la République en février 2013. »
100 % de couverture 2G fin 2016, la 3G plus tard
Deuxième volet de l’amélioration des débits : le gouvernement veut couvrir la totalité des communes en 2G d’ici fin 2016, en accord avec les opérateurs. « Les parties du territoire où aucun opérateur n’est présent ne représentent plus que 0,1 % de la population et 1,5 % de la surface du territoire métropolitain » explique le gouvernement, soit 75 communes sur « les 3 310 de ce plan ». Les quatre opérateurs mobiles affichent déjà plus de 99 % de couverture 2G, et au minimum 96 % de couverture 3G, selon les chiffres du régulateur des télécoms, l’ARCEP :

Selon la mesure prise par le gouvernement, le programme de résorption des zones blanches mobiles (où un seul opérateur mobile est disponible) s’achèvera en révisant la liste des communes à couvrir. La nouvelle liste sera décidée avec le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), les associations d’élus, l’ARCEP et les opérateurs. Le programme sera ensuite étendu à la 3G « par la loi » et un calendrier de déploiement sera défini, sans plus de détails pour l’instant. Tout juste Axelle Lemaire a-t-elle tweeté un objectif de 2 900 communes rurales couvertes en 3G « d'ici fin 2017 ». Elle souhaite également « renforcer les obligations de transparence sur les données de couverture mobile des opérateurs télécom ».
Comme l’indique le gouvernement, les opérateurs s’étaient engagés à couvrir « les centres-bourgs des communes du programme zones blanches 2G et de 250 autres communes » en 3G à fin 2013. En mai 2014, « seul un quart du programme était réalisé » selon l’ARCEP. Ces nouvelles mesures devraient donc, une nouvelle fois, encourager les opérateurs à couvrir les zones peu denses.
Un guichet unique pour financer les projets des collectivités
La troisième mesure aidera concrètement ces déploiements Les requêtes des collectivités seront, elles, traitées par un nouveau guichet unique, « au sein de la direction générale des entreprises ». Il sera en lien avec l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de France, l’ARCEP et les opérateurs. Ce nouveau guichet, qui en remplacera plusieurs autres, sera piloté par l’Agence du numérique, qui regroupe depuis février la mission Très haut débit de Bercy, le programme French Tech et la Délégation aux usages de l’Internet.
3) Parvenir à 1 accord avec les opérateurs telecom pour 1 couverture mobile optimale & peu onéreuse à l'intérieur des logements #cubemagique
— Axelle Lemaire (@axellelemaire) 13 Mars 2015
Le guichet ne recevra pas (uniquement) des doléances, mais aidera les collectivités à « compléter localement la couverture mobile » des opérateurs. L’État cofinancera ainsi des « équipements installés, auxquels l’ensemble des opérateurs auront l’obligation de se raccorder », pour combler les trous de couverture des réseaux des opérateurs privés. Comme avec les réseaux d’initiative publique, ce sera donc aux collectivités et à l’État de s’attaquer aux zones que les opérateurs ne pourront (ou ne voudront) pas couvrir eux-mêmes. Le montant et la source de ces financements ne sont pas encore précisés.
Plus localement encore, la quatrième mesure prévoit d’améliorer la couverture dans les bâtiments. L’État compte conclure « rapidement » un accord avec les opérateurs pour « la mise à disposition de solutions adaptées (femto-cellules, pico-cellules, répéteurs) à faible coût et interopérables ». Certaines de ces solutions sont déjà intégrées aux box d’opérateurs, comme les femto-cells, qui permettent d’améliorer très localement la couverture mobile. C’est le cas par exemple de la dernière box de Free, annoncée cette semaine.
Un réseau pour la médiation numérique
Dernière mesure consacrée au numérique : la stimulation du « financement participatif pour la médiation numérique ». En clair, le gouvernement veut améliorer la visibilité des lieux de médiation numérique, qui ne seraient pas encore assez reconnus. L’État souhaite ainsi faire émerger un réseau national, qui leur apporte plus de notoriété et leur permette de mutualiser leurs moyens. Il sera financé par un fonds alimenté « par des contributions de diverses origines (acteurs publics et privés) » qui s’engagent à parrainer des projets « en matière d'emploi, d'insertion ou d'innovation sociale par le numérique ».
Selon le document mis en ligne par le ministère du Logement, les financements de ces mesures seront à déterminer d’ici cet été, pour une mise en place prévue en 2015 et 2016. La part concrète de ces mesures reste à déterminer. De la révision du cahier des charges du Plan très haut débit aux accords avec les opérateurs, de nombreux détails sont pour l’instant flous, y compris les financements... avec le risque de précipiter des projets de longue date pour améliorer ponctuellement l’accès aux réseaux « très haut débit ».