Comme nous le disions l’an passé, les chiffres fournis par la Commission copie privée sont faux : les rendements de cette redevance n’ont pas été tenus à jour, du moins pour les années 2011 et 2012, alors qu'ils servent notamment aux études internationales. Manquaient à l’appel 60 millions.
Évoqué l’an passé, le dernier rapport WIPO-Thuiskopie montre que la France est sur le podium des pays qui ponctionnent le plus de copie privée. Selon cette société de gestion collective hollandaise, en comparaison à 23 autres pays, la France aspire chaque année 2,65 euros par Français, contre 2,14 euros en Belgique, 1,31 euro en Finlande, 1,22 euro en Hongrie et 1,18 euro en Italie, etc. (voir tableau ci-dessous). Un record donc.
Cependant, nous avions souligné la fragilité de ces données. Et pour cause, l’étude WIPO-Thuiskopie s'appuie sur les chiffres fournis par la Commission copie privée, celle chargée d’établir assiette et taux de la redevance copie privée.
Pour 2012, cette instance rattachée au ministère de la Culture chiffre à 172 millions d’euros les sommes collectés par les ayants droit (à comparer aux 71 millions d'euros en Italie, second du classement pour une population équivalente). Cependant, du côté de la Commission de contrôle des sociétés de perception, le montant monte à 203 millions d’euros environ, toujours pour cette même année. Et du côté de Copie France circule cette fois le chiffre de 209 millions.
Qui dit vrai ? Dans une question parlementaire, le député Lionel Tardy s’est ému de ce méli-mélo. Il a donc réclamé à Fleur Pellerin les montants exacts perçus entre 2003 et 2012 par les ayants droit, grâce à ce vivier.
Des données fausses faute de mise à jour
Dans la récente réponse de la ministre, se confirme ce que nous disions : les données fournies par la Commission copie privée sont fausses faute d'avoir été mises à jour. Quand la commission copie privée affiche sur son site une perception de 192 millions d’euros pour 2011 et 172 millions d’euros en 2012, les chiffres réactualisés tablent désormais sur 222 millions pour 2011 (+30 millions d’euros) et 202 millions pour 2012 (+30 millions d’euros).
Il y avait donc un différentiel de 60 millions d’euros sur ces deux années. Une broutille. Selon la locataire de la Rue de Valois, ces informations ont été « corrigées en 2014 » afin de « tenir compte de régularisations liées à un certain nombre d'actions en recouvrement engagées par les ayants droit ». Et pour cause, à chaque accord ou procès gagné, ce sont des millions d'euros qui retombent dans les caisses des ayants droit pour les années concernées.
« Au plus proche de la réalité »
Fleur Pellerin l’assure : « la société Copie France s'est toujours attachée à communiquer régulièrement au ministère de la Culture et de la Communication les chiffres correspondant aux perceptions réelles de la rémunération pour copie privée ». Et au député Lionel Tardy qui veut connaître les solutions du ministère pour harmoniser les chiffres à l’avenir, la ministre s’en tire par une pirouette : « les écarts constatés dans les chiffres annoncés à des échéances différentes ne sont pas la résultante d'un défaut d'harmonisation des données, mais découlent des ajustements opérés au gré des règlements de contentieux - par nature aléatoires - avec le souci permanent d'être au plus proche de la réalité. »
Cette proximité avec la réalité est telle que le site de la Commission copie privée n’a toujours pas été mis à jour sur 2011 et 2012, pas plus que n’ont été officialisés les chiffres 2013 et 2014, sans doute parce que cette instance administrative est paralysée depuis fin 2012.