Quelle est la portée des CGV ? Est-ce qu’un professionnel peut opposer des clauses censées avoir été acceptées par un consommateur ? La Cour de Justice de Luxembourg vient d’apporter sa réponse.
Une société nommée Content Services exploite une succursale en Allemagne. Son site internet est rédigé en allemand et est accessible en Autriche. On peut télécharger des logiciels gratuits ou des versions d’essai de logiciels payants sous forme d’abonnement (96 euros pour 12 mois). Quand un consommateur passe commande, il remplit un formulaire à partir duquel il déclare accepter les clauses générales de vente tout en affirmant qu’il renonce à son droit de rétractation.
Les informations préalables imposées par la directive du 20 mai 1997, en particulier l’existence d’un droit de rétractation, ne sont accessibles qu’en cliquant sur un lien. Ce lien figure sur la page terminant la commande où le consommateur doit cocher une case pour confirmer qu’il a bien lu les CGV. Après commande, le mail de confirmation contient le lien vers CGV, sans plus. Quant à la facture, elle « rappelle que l’internaute concerné a accepté de renoncer à son droit de rétractation et qu’il n’a donc plus la possibilité de résilier le contrat d’abonnement » rapporte la Cour.
Des CGV dans un lien, une information fournie ou reçue ?
Devant la justice autrichienne, ce bug a été victorieusement dénoncé par la Bundesarbeitskammer, organisation chargée de la protection des consommateurs. Content Services a cependant contre-attaqué le jugement devant l’Oberlandesgericht Wien d’où est partie une question préjudicielle : satisfait-on aux exigences de la directive européenne quand on ne rend accessibles au consommateur les informations essentielles au contrat que par un hyperlien ?
La Cour va d’abord rappeler quelques fondamentaux, notamment qu’ « en vertu de l’article 5 [de la directive 97/7], le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès, une confirmation des informations pertinentes en temps utile, à moins que celles-ci ne lui aient été déjà fournies préalablement à la conclusion du contrat par écrit ».
Le doute portait d’abord sur l’interprétation des verbes « recevoir » ou « fournir ». Reçoit-on ou fournit-on ces informations essentielles avec un simple lien vers les CGV ? Le verbe recevoir traduit en fait une attitude active du consommateur, le verbe fournir, une attitude active du professionnel. Pour interpréter ces notions, la CJUE s’est inspirée de la raison d’être de ces dispositions : « assurer la communication au consommateur des informations nécessaires à la bonne exécution du contrat et, surtout, à l’exercice de ses droits de consommateur, notamment son droit de rétractation. » L’idée qui doit guider l’interprétation de ces verbes est donc de protéger au mieux le faible dans un contrat passé à distance, et donc le consommateur. Bref, « éviter que l’utilisation de techniques de communication à distance conduise à une diminution de l’information fournie au consommateur. »
Voilà pourquoi, selon les magistrats « lorsque les informations qui se trouvent sur le site internet du vendeur ne sont rendues accessibles que par un lien communiqué au consommateur, ces informations ne sont ni « fournies » à ce consommateur ni « reçues » par celui-ci ». Par ailleurs, pour la CJUE un site internet ne peut être considéré comme un « support durable », de sorte que les CGV étaient belles et bien inopposables au consommateur.
L’arrêt devrait avoir des conséquences importantes chez les professionnels qui peuvent être tentés de rappeler les fondamentaux de la vente à distance dans une sous clause des CGV.