Antisémitisme : François Hollande accuse de complicité les intermédiaires indifférents

Cinquante nuances de CRIF
Droit 5 min
Antisémitisme : François Hollande accuse de complicité les intermédiaires indifférents
Crédits : Elysee.fr

Lors du diner annuel au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), François Hollande a une nouvelle fois mis la pression sur les intermédiaires d’Internet. Il leur demande d’agir contre les discours haineux, sous peine d’être qualifiés de « complices » indifférents de ces propos.

Hier soir au CRIF, François Hollande a réaffirmé sa volonté de faire en sorte qu’ « aucun propos, aucun acte antisémite ne demeurent sans réponse ». Les paroles antisémites, racistes (mais aussi homophobes) ne relèveront aussi bientôt plus du droit de la presse, mais du droit pénal « avec des peines adaptées, dissuasives, éducatives » prévient le chef de l’État. Le racisme et l’antisémitisme seront par ailleurs bientôt des circonstances aggravantes « lors de la commission de délit de droit commun ». Un plan de lutte sera présenté prochainement par Manuel Valls alors que la loi sur le renseignement devrait être présentée en Conseil des ministres le 19 mars prochain pour muscler les capacités d’anticipation.

L’intermédiaire, complice indifférent de l’antisémitisme

Seulement, l’une des briques du discours présidentiel s’est surtout focalisée sur Internet, l’anonymat et le rôle des intermédiaires. « La haine quand elle est anonyme, elle se démultiplie. Quand elle est cachée, elle finit par se révéler pour ce qu’elle est, et il n’y a pas de haine virtuelle dès lors qu’elle se répand ».

Sans négliger de stigmatiser l’internet zone de non-droit (« Le monde numérique n’est pas hors de notre réalité. Il ne pourra donc pas être hors de notre légalité »), il assure que « les grands opérateurs doivent être mis devant leurs responsabilités. Quand des sites de partage de vidéos en ligne diffusent des harangues antisémites ; quand, en un clic sur un moteur de recherche, on trouve des pages et des pages où se déploie impunément le négationniste, alors l’indifférence devient complicité. Et si vraiment les grands groupes Internet ne veulent pas être les complices du mal, ils doivent participer à la régulation du numérique. »

La messe est ainsi dite : ou les intermédiaires deviennent plus actifs, ou ils seront coupables de complicité d’antisémitisme, racisme et autres abus de la liberté d’expression. La rhétorique est classique (tu es avec moi, ou tu es contre moi), mais aussi assez habile puisque par définition, un hébergeur n’a pas à être actif au-delà des limites imposées par la loi.

Les limites imposées par la loi

Quelles sont ces limites ? L’article 6-I-7 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) leur impose, à l’égard de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine, de « concourir à la lutte contre la diffusion » de ces infractions. De même, ces intermédiaires « doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données. Ils ont également l'obligation, d'une part, d'informer promptement les autorités publiques compétentes » ces activités illicites et, d'autre part, de rendre publics les moyens qu'elles consacrent à leur lutte.

Ces propos doivent être relativisés : fin janvier au Sénat, les services spécialisés du ministère de l’Intérieur ont déjà salué publiquement la bonne collaboration des acteurs du web, et notamment leur réactivité forte, de l’ordre de « quelques minutes », dans la suppression d’une vidéo problématique signalée par leur soin (voir également cette interview du service Abuse de Gandi, ou le bilan annuel de l'AFA). Mais pour le coup, le chef de l’État sait aussi qu’en demandant plus d’intervention active de la part des intermédiaires, ceux-ci vont aussi flirter avec le risque d’être requalifiés comme éditeurs, compte tenu des critères interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne et la justice nationale. Une telle requalification permettrait alors de rechercher leur responsabilité, immédiatement, et non sous une forme conditionnelle comme le prévoit la LCEN (j'alerte l'hébergeur d'un contenu manifestement illicite, il est condamnable s'il ne fait rien en connaissance de cause).

Pédopornographie, racisme, antisémitisme

Le chef de l’État ne s’est cependant pas privé de comparer la lutte contre ces abus de la liberté d’expression à celle contre la pédopornographie : « puisque nous sommes parvenus à éliminer la circulation d’images pédopornographiques sur les réseaux, alors nous devons agir de la même manière contre ceux qui font l’apologie du racisme, de l’antisémitisme et du négationnisme ».

Seulement, autant l’illicéité d’une image pédopornographique frappe la rétine et l’évidence, autant ces propos peuvent parfois semer le trouble chez l’intermédiaire. Et pour cause, le statut des hébergeurs est le socle de la liberté d’expression (voir cette actualité et celle-ci) et la frontière entre la nécessité de lutter contre ces abus et le risque de flancher du côté de la censure peut être facilement franchie si on n’y prend pas garde. « Si on s'oppose à la hausse de la censure, [c’est] une complicité de terrorisme » résume sur Twitter Adrienne Charmet-Alix, coordinatrice à la Quadrature du Net. Dans le même sens, accentuer l’intervention des intermédiaires techniques, c’est nécessairement œuvrer en faveur d’une justice privée, ce qui exige de solides garde-fous pour éviter des abus dans la traque aux abus.

Un cahier des charges sur les épaules d’Apple, Google, Facebook et Twitter

Le chef de l’État a aussi évoqué le voyage de Bernard Cazeneuve dans la Silicon Valley, où le ministre de l’Intérieur a rencontré Facebook, Twitter, Apple et Google. Les quatre géants ont ainsi été invités en avril à Paris « afin d’obtenir un accord sur les retraits des contenus illicites et de permettre une coopération avec la plateforme Pharos de signalement qui sera elle-même renforcée en matériel et personnel ». Devant les invités du CRIF, Hollande a assuré que le gouvernement fixera « un cahier des charges clair et précis avec les dirigeants de ces géants de l’Internet et devant vous, je vous l’assure, nous contrôlerons son application ». Des propos suivis d’applaudissements nourris.

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