Le commissaire européen Andrus Ansip, également vice-président pour le marché unique du numérique, a démultiplié ces dernières semaines les coups de cornes contre les restrictions territoriales au droit d’auteur. Demain, Bruxelles mettra en ligne un site pour que chacun puisse partager ses mauvaises expériences sur ce fameux geoblocking.
Voilà plusieurs semaines que sur son fil Twitter, Andrus Ansip demande à chacun de lui transmettre les captures d’écran manifestant ces problématiques de géolocalisation (via le compte @Ansip_EU et le hashtag #AskAnsip). La Commission européenne veut faire plus de bruit encore puisqu’elle mettra en ligne demain une plateforme pour que chaque citoyen puisse également partager ces témoignages. « Dans un vrai marché unique du numérique, chacun doit pouvoir accéder au même contenu licite n’importe où en Europe » tambourine le commissaire européen. « Tout ce que nous pouvons faire hors ligne devrait être possible en ligne » ajoute-t-il, avant de considérer que le geoblocking n'a pas vraiment sa place en Europe :
No one can be punished for accessing legally purchased content in another country. There is no space for #geoblocking in Europe. #AskAnsip
— Andrus Ansip (@Ansip_EU) 23 Février 2015
Ce chantier est une brique de l’agenda de la réforme du droit d’auteur qui sera dévoilé en mai prochain.
Les ayants droit sur les barricades du geoblocking
Du coté des ayants droit, Hervé Rony, directeur général de la SCAM, considère pour sa part que ces verrous technologiques (DRM, digital right management) ne sont pas la source du mal, mais au contraire l’une des clefs du financement de l’industrie culturelle.
@Ansip_EU @reesmarc @glynmoody DRM are not the Devil! exclusivity and territoriality, key aspect of the cultural industries financing!
— hervé rony (@RonyHerve) 23 Février 2015
Pour l’Adami, ces contraintes sont aussi l’un des moyens de protéger les spécificités et l’identité culturelles, plutôt que de plonger dans la tiède uniformité.
Cet après-midi, lors d’une audition portant sur le rapport de Julia Reda en commission des affaires juridiques, l’eurodéputée Constance Le Grip (UMP-PPE) s’est justement émue que sa collègue issue du Parti Pirate veuille également casser ces barrières géographiques. Selon elle, « cela va favoriser les grands acteurs étrangers, car être obligé d’acheter des licences paneuropéennes serait pour beaucoup insurmontable ». Car le problème est là, celui des contrats de licence qui ont, au fil des négociations, morcelé cette Europe que la Commission voudrait unifier.
Ainsi, le geoblocking ne serait pas seulement le garant de la diversité culturelle, mais également une barrière contre les géants américains, au grand dam des consommateurs qui se voient emmurés dans ces frontières numériques. Au fil des débats, Julia Reda s'est d'ailleurs opposée à l'argument de l'exception culturelle, au motif que dans notre Europe ouverte, les migrants souhaitent aussi pouvoir profiter des contenus dans leur langue d'origine.
Le geoblocking, c'est aussi un bug à la Réunion
Ces questions de géolocalisation peuvent aussi provoquer des problèmes très localisés, à l'intérieur même d'un État membre. En témoigne cette récente question posée par la députée Isabelle Attard, sensibilisée par la situation des internautes connectés depuis l'île de la Réunion. « Les Français qui résident sur l'île de la Réunion et y accèdent à internet se voient attribuer une adresse IP qui les identifie comme étant localisés sur le continent africain. Cette identification leur cause un préjudice important ».
Et pour cause, les prestataires de services en ligne (location de livres électroniques, etc.) « refusent ainsi de vendre à des Réunionnais, pourtant citoyens français » du fait de cette mauvaise géolocalisation africaine. La députée Nouvelle Donne vient du coup de réclamer à Fleur Pellerin les pistes qui pourraient être envisagées pour corriger ce mauvais tir.