Dans un nouveau communiqué cosigné avec d’autres syndicats, DigitalEurope a finalement mis de l’eau dans son vin. Avec notamment l’EDIMA et la CCIA où on retrouve dans l’une et l’autre Apple, Amazon, Microsoft, eBay, Netflix, Google, ces industriels dénoncent toujours certains bugs du droit d’auteur à l’ère numérique, en ciblant spécialement la redevance pour copie privée. À ce titre, ils invitent à rechercher « des solutions », et non pas une suppression pure et simple de ces mécanismes, certes toujours jugés comme « archaïques ». Plus globalement, ils apportent un nouveau soutien au projet du rapport Reda, tout en réclamant une harmonisation plus poussée du droit d’auteur, mouvement qui devrait tenir compte de l’impact sur le marché intérieur, des droits fondamentaux et de l’intérêt du public.
DigitalEurope, coalition regroupant AMD, Apple, Dell, Cisco, Google, Intel, Lenovo, Samsung, Western Digital ou encore Microsoft et Sony, a donné son avis sur le projet de rapport de l’eurodéputée Julia Reda. Ces industriels ont profité de l’occasion pour demander la suppression pure et simple de la redevance pour copie privée.
Dans un communiqué publié sur son site, DigitalEurope a salué les premiers travaux de l’eurodéputée du Parti Pirate tout en estimant que les réformes proposées n’allaient pas assez loin. Cette structure réclame en effet « plus d’efforts » pour colmater les failles actuelles du droit d’auteur et ses barrières nationales, que le président de la Commission européenne aimerait tant voir tomber.
Vers l'élimination complète de la RCP ?
Spécialement, l’attention se porte sur la redevance pour copie privée qui cible les espaces de stockages sur supports et appareils à mémoire. Pour DigitalEurope, ces mesures « appartiennent à l’histoire prénumérique » et « la seule solution est de les éliminer complètement ». Une proposition radicale qu’on ne trouve pas dans le projet de rapport Reda, lequel plaide plutôt en faveur d'une harmonisation des critères de la redevance afin de fluidifier le marché unique.
DigitalEurope fustige tout particulièrement le méli-mélo actuel : « Chaque État membre a une approche différente de ces ponctions. Le Royaume-Uni, la Finlande, l’Espagne les ont fait purement et simplement disparaître, quand l’Allemagne et la France les ont lourdement alourdies afin que les consommateurs soient tenus de payer, même s’ils se contentent d’écouter de la musique en streaming et n’ont aucune intention de copier des œuvres sous droit d’auteur. »
Une stratégie judicieuse ?
Cette posture stratégique est pour le moins absolutiste – supprimer la redevance pour copie privée – et on peut raisonnablement se demander si elle est la plus judicieuse. D'abord, elle exigerait une réforme profonde de la directive de 2001, ou, à tout le moins, un repositionnement de la CJUE qui a couplé redevance et exception pour copie privée. Surtout, elle apporte sur un plateau des arguments aux ayants droit, qui pourront facilement dépeindre ces acteurs en ennemis de l’exception culturelle, œuvrant pour un capitalisme débridé, négligeant la belle exception culturelle européenne...
Ce positionnement s’explique cependant. Une attitude plus modérée a déjà été exploitée devant la Commission européenne, sans aucun effet. Outre une harmonisation des critères, on se souvient que le rapport du commissaire Vitorino avait en effet proposé que la redevance ne soit prélevée qu’au niveau de l’acheteur final, et non plus au plus haut de la chaîne de distribution. Ce choix aurait permis dans le même temps de discriminer les vrais redevables (les personnes physiques selon leur usage privé) et les professionnels qui n’ont pas à payer cette redevance, tout en gommant les problématiques liées à la différence des taux : l’acheteur français aurait payé le même niveau de redevance que le vendeur installé au Luxembourg, à Berlin ou dans la banlieue de Paris.
Réclamer 100 pour espérer 50
Les ayants droit français s’étaient cependant vertement opposés à un tel mécanisme, jugé trop couteux administrativement. La France a ainsi préféré le statu quo : dézinguer le rapport Vitorino et faire payer tout le monde, tout en démultipliant les contraintes pour décourager le remboursement des acheteurs professionnels. Excédée, DigitalEurope n’a sans doute pas estimé nécessaire de réchauffer les conclusions de ce rapport, préférant passer un cran nettement plus au-dessus.
Fait symptomatique, ces mêmes industriels n’ont pas de réactions similaires au niveau des États membres, préférant une attitude plus modérée… Réclamer, cette fois à Bruxelles, la suppression de la copie privée est en conclusion une stratégie certes brutale mais elle permet de poser les termes du débat, quitte à se satisfaire d’une solution finalement plus en retrait.
La balle est désormais dans le camp de la Commission et dans le barillet des ayants droit.