L’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de vendredi à samedi les principales dispositions de la loi Macron relatives aux télécommunications. Parmi les mesures votées, se trouve l’obligation pour les logements neufs d’être pré-raccordés au très haut débit à partir de juillet 2016.
Même si celui-ci est passé jusqu’ici assez inaperçu, il existe un volet « télécoms » à la loi Macron. Le texte du ministre de l’Économie entend par exemple accélérer le déploiement du très haut débit en France en simplifiant certaines formalités administratives. Son projet de loi permet par exemple au conseil syndical de copropriété de se substituer à l’assemblée générale des copropriétaires (qui ne se réunit en principe qu’une fois par an) dès lors qu’il sera question de se prononcer sur toute proposition d’un opérateur visant à raccorder l’immeuble à la fibre optique.
Pré-raccordement obligatoire à la fibre à partir de juillet 2016
En commission spéciale, les députés ont validé ce dispositif tout en le complétant par d’autres mesures. Alors que les seuls immeubles collectifs neufs doivent aujourd’hui être pré-raccordés au très haut débit, les élus du Palais Bourbon ont étendu cette obligation à tous les maisons et immeubles individuels, ainsi qu’aux lotissements. L’objectif : faire en sorte que les nouveaux logements soient équipés par défaut pour recevoir la fibre optique, en attendant que celle-ci arrive (si ce n’est pas déjà le cas).
Lors des débats dans l’hémicycle de vendredi, les parlementaires ont précisé par voie d'amendement que ces contraintes pesant sur les propriétaires ne s’appliqueront bien qu’aux logements « neufs », et non à ceux d’ores et déjà existants. Ils ont également apporté de nouveaux détails quant à l’entrée en vigueur de cette obligation, alors qu’il était initialement prévu que le gouvernement détermine par décret ministériel le calendrier d’application de ces dispositions.
Les maisons, immeubles individuels et lotissements dont le permis de construire aura été délivré « après le 1er juillet 2016 » seront donc tenus d’être « pourvus des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ». Un décret en Conseil d’État viendra ultérieurement fixer les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle obligation.
Clarification des objectifs poursuivis par l’ARCEP
Autre mesure intégrée au projet de loi Macron par les parlementaires : la clarification et la hiérarchisation des objectifs qu’est d’ores et déjà censé suivre l’ARCEP, le gendarme des télécoms. Les députés ont adopté en commission un amendement réécrivant l’article L 32‑1 du Code des postes et des communications électroniques. Emmanuel Macron avait apporté un soutien appuyé au dispositif élaboré sous l’impulsion de Corinne Erhel (PS) et Laure de La Raudière (UMP), tout en prévenant qu’il faudrait retravailler certains « éléments rédactionnels » d’ici les débats en séance publique.
Résultat, la députée Erhel avait préparé une petite dizaine d’amendements qui ont tous été adoptés lors des débats de vendredi soir. L’articulation initialement proposée est conservée. Tandis que l’ARCEP doit aujourd’hui suivre des objectifs selon un inventaire à la Prévert, des blocs distincts ont été mis en place, de telle sorte que le respect du « principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis » passe par exemple avant la protection de l’environnement.

Les élus du Palais Bourbon ont également voté un amendement du groupe écologiste visant à actualiser ces dispositions au regard de la récente adoption de la loi contre les ondes électromagnétiques. L’ARCEP et le ministre chargé des télécommunications (actuellement Emmanuel Macron et Axelle Lemaire) devront ainsi s’assurer, outre ce qui était prévu jusqu’ici, de « la sobriété de l’exposition de la population aux champs électromagnétiques ». Une notion pourtant floue et qui devra d’ailleurs être prochainement définie par Bercy.
On notera au passage que quelques députés UMP – emmenés notamment par Lionel Tardy – s’inquiétaient de la façon dont certains passages de cet article avaient été réécrits. Actuellement, l’ARCEP et le gouvernement doivent veiller à ce qu’il y ait un « niveau élevé de protection des consommateurs », et ce grâce à « la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ». Or s’il était adopté en l’état, le nouvel article L 32-1 du CPCE prévoirait que ces mêmes institutions veillent désormais à la « protection des consommateurs et la satisfaction des besoins de l’ensemble des utilisateurs ». Et c’est tout.
« On peut penser qu’il s’agit d’un oubli » a ainsi fait valoir Dominique Tian dans l’hémicycle (voir le compte rendu des débats), en soutien à un amendement visant au retour des dispositions actuelles sur les consommateurs. La majorité s’y est toutefois opposée, Emmanuel Macron ayant affirmé que la nouvelle rédaction lui semblait « suffisamment clair[e] » et qu’il n’y avait donc pas besoin d’y revenir. Pour le ministre de l’Économie, cet objectif de protection des consommateurs restera « satisfait ».
Déploiement du très haut débit et collectivités territoriales
Sur proposition des rapporteurs, et notamment du rapporteur général Richard Ferrand (PS), les députés ont adopté un amendement visant à permettre aux collectivités territoriales de se constituer partie civile devant la cour d’appel de Paris ou devant la Cour de cassation, et ce en cas de recours contre une décision de l’ARCEP.
Les mêmes rapporteurs ont d’autre part fait voter un amendement obligeant le gendarme des télécoms à présenter, dans les six mois suivant la promulgation de la loi Macron, des « lignes directrices » relatives à la tarification de l’accès aux infrastructures et aux réseaux de communications électroniques à très haut débit établis par les collectivités territoriales dans le cadre du plan France Très Haut Débit. « Il est nécessaire de fournir des lignes directrices aux collectivités territoriales, afin de les aider à déterminer un tarif d'accès juste et pertinent, permettant d'une part d'assurer la rentabilité de leurs investissements, et d'autre part d'éviter une dérive des finances publiques » faisaient valoir les parlementaires dans leur exposé des motifs.
Des directives européennes transposées par voie d’ordonnance
Les députés ont enfin voté sans modification l’article 32 du projet de loi Macron, qui autorise le gouvernement à transposer par voie d’ordonnance deux directives européennes :
- La directive 2014/53/UE relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’équipements radioélectriques. C’est ce texte qui prévoit (entre autres) la mise en place de chargeurs universels pour les téléphones portables.
- La directive 2014/61/UE portant des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit.
Ces ordonnances devront être prises dans un délai de neuf mois suivant la promulgation du texte porté par le ministre de l’Économie. Elles pourront également consister en un toilettage du Code des postes et des communications électroniques, l’exécutif étant habilité à en supprimer par la même occasion « les dispositions inadaptées ou obsolètes, notamment celles relatives aux servitudes radioélectriques bénéficiant aux opérateurs de communications électroniques ».
Le vote de toutes ces dispositions s’ajoute au train de mesures votées depuis deux semaines par les députés, à commencer par la mise en Open Data du registre InfoGreffe ou des données de transport. Il faudra cependant que l’Assemblée nationale adopte ensuite le texte dans son ensemble, ce qui n’est pas encore gagné... Le projet de loi Macron partira ensuite au Sénat, tout en sachant que les deux chambres n’auront droit qu’à une seule lecture, le gouvernement ayant engagé une procédure d’urgence.