En matière de copie privée, Paris s’est récemment opposé à tout « surcroit d’harmonisation » notamment du préjudice, levier qui sert à déterminer les barèmes. Pourtant, la France avait une position beaucoup moins tranchée pas plus tard qu’en 2008…
En 2008, le gouvernement avait en effet répondu à une consultation de la commission européenne portant sur la redevance pour copie privée. Dans sa note (PDF), les autorités françaises avaient certes estimé qu’aucun élément chiffré ne permettait « de conclure de façon générale à la nécessité d’uniformiser les barèmes ou de les réduire, pas plus qu’à l’existence de distorsions de concurrence au sein du marché ou à d’atteintes à la libre circulation des biens. » (p2).
2008 : l'attention toute particulière de Paris sur le marché gris
Cependant, page 13 du même document, Paris ne pouvait que constater l’existence d’un marché gris frappant aussi bien les CD que les DVD et même « de nouveaux supports tels que les disques durs externes et les cartes mémoires ». Un phénomène qui « mérite une attention toute particulière » insistaient ces mêmes autorités. Et pour cause, elles considéraient que ces achats effectués en douce par des consommateurs finaux à l’étranger, pour éviter la redevance française, conduisent à un préjudice des ayants droit « puisqu’il entraîne une perte de revenus significative » des fabricants et des importateurs, qui ne peuvent concurrencer ces acteurs étrangers. Derrière, c’est aussi les caisses de Bercy qui souffrent puisque ces achats à l’étranger provoquent une fuite de matière fiscale (et spécialement de TVA).
Sept ans plus tard, rien n’a changé. La redevance atteint désormais les tablettes, les GPS et les autoradios à mémoire, etc., et les montants n’ont pas été « uniformisés » en Europe. Pire, cette fois la France s’oppose à l’idée même d’une harmonisation, pourtant d’un niveau nettement moins poussé que l’uniformisation. C’est ce que le Secrétariat général aux affaires européennes a clairement souligné dans sa « note critique » (PDF) adressée secrètement aux eurodéputés français en réaction au rapport de Julia Reda (Parti Pirate, apparentée au groupe des écologistes) sur la réforme du droit d’auteur.
Le refus d'harmonisation de la France en 2015
2015 : le refus du moindre surcroît d'harmonisation
Le SGAE critique spécialement ce rapport lorsqu’il « déplore une absence d’harmonisation en matière de copie privée sans précision ». Le gouvernement français assure que « de nombreuses décisions de la Cour de justice sont venues préciser les critères posés par la directive » et du coup, qu’un « surcroît d’harmonisation n’est pas souhaitable ». Oublié donc les remarques sur le marché gris : l’idée d’une harmonisation du préjudice, socle de calcul de la redevance, est repoussée au motif que Julia Reda n’aurait pas clairement épaulé ses constats par des données plus précises… que la France avait pourtant portées en 2008.
Quelques clics permettent aujourd'hui de mesurer facilement les effets de cette redevance. En guise d'exemple, comparons le tarif d'un spindle de 100 DVD+R. Il est frappé en France d'une ponction copie privée de 0,90 euro HT par unité soit 108 euros TTC pour le pack, alors qu'il est exempt de tout prélèvement au Luxembourg. Du coup, les étiquettes s'envolent dans notre pays, où le marché s'effondre (149,95 euros chez LDLC), alors qu'elles restent au plus bas chez nos voisins (25,20 euros chez CDFolie).