Au Conseil des ministres de ce mercredi 4 février, le ministre de l’Intérieur présentera les grandes lignes de son décret sur le blocage des sites « terroristes » et pédopornographiques. L’ultime signe d’une publication imminente.
Ce matin, en Conseil des ministres, Bernard Cazeneuve présentera le décret sur le blocage des sites provocant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. Comme prévu, le texte va également activer une mesure similaire issue de la loi LOPPSI de 2011 et permettant cette fois le blocage des sites diffusant des contenus pédopornographiques. Cette annonce témoigne d’une publication du texte au Journal officiel dans les jours à venir.
Pour mémoire, ce décret d’application s’inscrit dans la lignée de la loi contre le terrorisme votée en novembre 2014. Le texte touchant à la société de l’information, le gouvernement avait dû le notifier à Bruxelles afin de recueillir l’avis de la Commission européenne et des autres États membres. Tout s’est cependant accéléré après le drame de Charlie Hebdo. Cette notification a en effet eu lieu au lendemain des attentats sanglants, un électrochoc qui a permis à Paris d’opter pour la voie de l’urgence, prétextant une « accélération des phénomènes constatés de radicalisation par l’usage d’internet. »
C’est l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) qui aura la charge de dresser la liste des sites à bloquer. Lors de sa récente audition au Sénat, Catherine Chambon, commissaire divisionnaire de la police nationale et sous-directeur de la lutte contre la cybercriminalité a annoncé qu’il y aurait « plusieurs centaines de sites » pédopornographiques dans le viseur et « une cinquantaine de sites web par an qui peuvent inciter au terrorisme. »
Un dispositif techniquement complexe
Le dispositif s’appuiera « essentiellement » sur la veille citoyenne, à savoir les signalements effectués par les internautes via les intermédiaires techniques ou directement sur la plateforme Pharos. De son côté, l’OCLCTIC a lancé une politique de recrutement pour gérer des questions « techniquement complexes » du fait du principe de subsidiarité qui obligera d’abord les services à contacter éditeurs et hébergeurs avant, faute de mieux, d’exiger des mesures de suspension d’accès par les fournisseurs d’accès.
« Ce blocage aboutit pour l’internaute à ce qu’il ne puisse plus avoir accès à partir d’une adresse IP française au contenu. Il sera redirigé vers une page d’accueil qui aura une vocation pédagogique de rappel à la loi ». Pour la pédopornographie, il y aura également des recommandations médicales adressées au visiteur en quête de ces contenus. Le chantier est cependant encore frais : fin janvier, les modalités techniques de ces pages étaient par exemple encore en cours de finalisation, assure Mme Chambon, qui précise qu’« il y a des évolutions d’application à prévoir », sans plus de détail. Est-ce déjà l'anticipation d'une extension des mesures de blocage aux contenus racistes et xénophobes ?
Présentation de la procédure de blocage, par Catherine Chambon (OCLCTIC)
Un blocage facilement contournable, mais peu importe
Ces mesures restent très critiquées (voir l’intervention de Jeremie Zimmerann) et l’OCLCITC sait déjà qu’il y existe de nombreux moyens de contournement. « On peut contourner la difficulté, le plus simple ce n’est pas d’avoir une adresse IP française, ce n’est pas très compliqué ». Mais peu importe : « la vocation de ce texte est essentiellement prophylactique, selon la commissaire divisionnaire. On doit empêcher la population générale d’accéder à ce genre de contenus qui sont complètement pernicieux ». Pour Mme Chambon, ainsi « on doit impérativement positionner ce dispositif et empêcher un nombre ignoré de personne d’y accéder ». Celle-ci considère que cette mesure permettra « de toucher 80% de la population qui n’est pas spécialement férue de nouvelle technologie ». Elle y voit ainsi « un signal fort de l’État » pour prévenir le risque de « dérapage (…) mal maitrisé par l’environnement familial ».
Combien de sites « terroristes » seront bloqués lors de la première vague ? « Nous sommes sur une dizaine de sites » assure-t-elle devant la commission d’enquête sénatoriale, présidée par Nathalie Goulet et portant sur les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes. « Nous préparons actuellement la liste des sites à fermer que nous soumettrons pour la partie terroriste à l’UCLAT (unité de coordination de la lutte antiterroriste) pour nous garantir de la pertinence de nos choix, et de ne pas percuter ou télescoper des enquêtes en cours. »