Pour le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), 2014 a été l’année du streaming. Dans un marché en recul, la diffusion par Internet progresse et dépasse désormais le téléchargement. Mieux : ce mode de consommation profiterait aux artistes, qui auraient la plus grosse part des bénéfices générés par ce biais. Mais les artistes ne sont pourtant pas de cet avis, loin de là.
Le marché de la musique recule, mais tout ne va pas si mal. C’est en essence le discours du bilan 2014 du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), présenté ce matin à une partie de la presse (nous n'étions pas conviés, cette fois encore). Selon le syndicat, le marché a réduit de 5,3 %, après avoir rebondi en 2013 (+ 2,3 %). Le chiffre d’affaires est ainsi passé de 603,2 millions d’euros en 2013 à 570,6 millions d’euros en 2014. L’un des principaux responsables est la baisse continuelle du marché physique (CD, vinyles, etc.), de 11 % sur l’année.
Ces ventes physiques en berne comptent encore pour 71 % du marché de la musique en France, contre 29 % en numérique. Et même sur ce plan, le tableau n’est pas rose. Le téléchargement a reculé de 19 % en 2014, et ne représente plus que 40 % des revenus numériques. Mais le SNEP, qui représente les majors, a une bonne nouvelle : le streaming se porte comme un charme, avec de nombreux signes encourageants.
Le streaming progresse, au détriment du téléchargement
Sur 2014, le chiffre d’affaires du streaming a progressé de 34 % et représente maintenant 55 % des revenus numériques, soit 16 % des revenus globaux. À grands renforts de graphiques, le SNEP a tenu à affirmer la bonne santé des abonnements en ligne, considéré actuellement comme la planche de salut du secteur. En 2013, le téléchargement avait reculé de 1 % en chiffre d’affaires, alors que le streaming avait gagné 4 %. L’évolution de la consommation depuis 15 ans mènerait d’ailleurs à ce constat.
#confSNEP Nouvelles technologies, nouveaux usages : la timeline du marché numérique en France pic.twitter.com/rQbBaO1gsi
— DRAPIER marie (@DrapierM) 3 Février 2015
Tous les indicateurs seraient au vert. Les visites des sites ont progressé de 67 %, à 10,7 millions de visiteurs uniques contre 6,4 millions en 2013. Les abonnés payants, eux, sont désormais 2 millions, contre 1,44 million en 2013... ce qui se traduit concrètement par 12 milliards de titres « streamés » en 2014, contre 8,6 milliards en 2013, une progression de +40 %. Cela sans compter les vidéos musicales, précise d’ailleurs Le Monde. Cette consommation par abonnement serait d’ailleurs de plus en plus mobile, avec près d’un utilisateur sur deux de service de streaming consultant à la fois en fixe et en mobile, contre à peine 22 % en 2011.
Ce constat avait, entre autres, déjà été émis par le service de téléchargement et de streaming Qobuz, qui annonçait fin novembre vouloir passer uniquement au streaming par abonnement. « L’avenir n’est pas au téléchargement à la papa, mais à l’abonnement. Le téléchargement à la iTunes se casse la figure » attaquait ainsi son patron, Yves Riesel. Le service préparait ainsi de nouvelles offres, applications et l’intégration du Chromecast (prévue pour mars) dans ses applications.
Les artistes gagnants ? Pas si sûr
Dernière bonne nouvelle, pour le SNEP : le streaming profiterait bien aux artistes, qui seraient gagnants une fois les charges retirées, selon une étude commandée au cabinet Ernst & Young. Dans un graphique, le syndicat affirme ainsi que les artistes gagnent un bénéfice de 0,68 euro par abonnement mensuel de 9,99 euros, contre 0,60 euro pour les auteurs et compositeurs ou 0,10 euro pour la plateforme de streaming. Les producteurs seraient d’ailleurs ceux qui paieraient le plus lourd tribut : en recevant 4,56 euros par abonnement, il ne leur resterait plus que 0,26 euro une fois leurs charges déduites. Pendant ce temps, les artistes eux-mêmes ne paieraient aucun frais, profitant simplement de ce mode de diffusion.
#confSNEP #Streaming : qui gagne quoi ? pic.twitter.com/jow69eIMCQ
— snep (@snep) 3 Février 2015
La Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) a rapidement contesté les chiffres du SNEP sur Twitter, grâce à une contre-infographie. D’abord publiée sous la forme d'une publicité dans Le Monde début novembre, elle montre une répartition bien différente des gains du streaming. Pour les représentants des artistes, ceux-ci ne toucheraient que 0,46 euro par abonnement mensuel de 9,99 euros. La part la plus faible parmi tous les acteurs listés. « Le talent de l’artiste génère 22 fois plus qu’il ne lui rapporte ! » s’emportait la société, qui n’a ni précisé son mode de calcul, ni la répartition une fois les charges retirées.