Le Parlement semble décidé à légiférer contre l’obsolescence programmée. Après l’Assemblée nationale, c’est en effet au tour de la commission du développement durable du Sénat d’adopter des dispositions réprimant ces pratiques consistant à limiter intentionnellement la durée de vie d’un produit (imprimante, téléphone portable...) à des fins pécuniaires. Les sénateurs ont toutefois revu la copie des députés.
L’obsolescence programmée, invitée surprise du projet de loi sur la croissance verte
C’est un peu à la surprise générale que l’amendement soutenu par la députée écologiste Cécile Duflot avait été adopté en commission, en septembre dernier. Son principe ? Faire de l’obsolescence programmée une pratique commerciale trompeuse au regard de l’article L213-1 du Code de la consommation. Concrètement, cela signifie que tout produit dont la durée de vie aurait été « intentionnellement raccourcie lors de sa conception » pourrait faire encourir à ses fabricants une peine maximale de deux ans de prison ainsi qu’une amende de 300 000 euros (voire davantage, en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise).
Ces dispositions avaient été conservées en l’état lors des débats dans l’hémicycle. Le socialiste Jean-Jacques Cottel avait de son côté fait adopter un amendement décrivant précisément ce qu’est l’obsolescence programmée (sans qu’il n’y ait de sanction rattachée). Il était ainsi prévu d’introduire un article L213‑4‑1 au Code de la consommation, selon lequel :
« L'obsolescence programmée désigne l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d'utilisation potentielle de ce produit afin d'en augmenter le taux de remplacement.
Ces techniques peuvent notamment inclure l'introduction volontaire d'une défectuosité, d'une fragilité, d'un arrêt programmé ou prématuré, d'une limitation technique, d'une impossibilité de réparer ou d'une non-compatibilité. »
La copie de l’Assemblée nationale revue et corrigée par le Sénat
Voté par les députés le 30 octobre dernier, le projet de loi sur la transition énergétique doit être discuté en séance publique au Sénat à partir du 10 février. Mais les élus du Palais du Luxembourg ont d’ores et déjà commencé à amender le texte en commission. En l’occurrence, ils ont profondément remodelé le dispositif prévu par l’Assemblée nationale s’agissant de l’obsolescence programmée.

Première étape : les dispositions concernant les pratiques commerciales trompeuses ont été intégralement supprimées. La commission du développement durable a en effet adopté la semaine dernière un amendement du rapporteur Louis Nègre (UMP), qui se plaignait comme certains de ses collègues députés du flou entourant cette proposition. L’intéressé a ainsi expliqué que la rédaction retenue par l'Assemblée nationale faisait « peser un risque juridique très élevé sur nos entreprises ». On se souvient à cet égard que même le député socialiste François Brottes s’était montré dubitatif quant aux termes choisis par les écologistes (voir notre compte-rendu).
En 2013, lors de l’examen du projet de loi sur la consommation, le ministre Benoît Hamon avait également montré sa désapprobation face à une telle proposition. « D’ores et déjà, l’article L213-1 du Code de la consommation prévoit un délit de tromperie sur les qualités substantielles du bien. (...) Cela permet déjà de combattre l’obsolescence programmée » avait-il alors soutenu. En insistant : « Il ne me paraît pas utile de créer un délit d’obsolescence programmée dans la mesure où il existe déjà un délit de tromperie sur les caractéristiques substantielles des biens. »
Maintien des peines de 2 ans de prison et 300 000 euros d’amende
Deuxième étape : la définition de l'obsolescence programmée a été revue et assortie de sanctions. C’est à nouveau un amendement du rapporteur Louis Nègre qui a été voté par la commission. Le nouvel article L213-4-1 du Code de la consommation serait ainsi rédigé de la sorte :
« L'obsolescence programmée se définit par tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d'usage pour des raisons de modèle économique.
Elle est punie d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. »
Les sanctions encourues restent donc inchangées, et l’auteur de l’amendement affirme être parvenu à « une position de compromis ». Cette définition est en effet quasiment identique à celle retenue en 2012 dans une étude publiée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Les sénateurs du groupe socialiste soutenaient d’ailleurs cette définition, dont ils jugent qu’elle maintient « les éléments essentiels » prévus initialement tout en « limitant » le risque d’insécurité juridique.
Engagé dans le cadre d’une procédure accélérée, le projet de loi sur la transition énergétique et la croissance verte ne devrait être débattu qu’une seule fois devant chaque chambre. En cas de désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale, une commission mixte paritaire pourrait être réunie afin d’arriver à un compromis.