Après le Sénat, c’est au tour de l’Assemblée nationale de recevoir une proposition de loi visant à interdire les machines à voter en France. S’il est aujourd'hui impossible pour les communes de passer des urnes traditionnelles à de tels équipements, quelques villes font encore de la résistance.
C’est un véritable plaidoyer contre les machines à voter que vient de dérouler François Rochebloine, député centriste de la Loire. Au travers d’une proposition de loi déposée mercredi sur le bureau de l’Assemblée nationale, le parlementaire dresse un bilan sévère de ces appareils pourtant autorisés en France depuis 1969. « Le seul intérêt de ces machines à voter est de permettre l’obtention rapide des résultats d’une élection. Cela n’est rien au regard de la nécessaire confiance des électeurs dans le processus électoral et le résultat proclamé » fait ainsi valoir l’élu en guise de conclusion.
Et pour cause, « beaucoup » de Français nourrissent selon lui « des soupçons et des craintes à l’encontre de ces machines ». Dans le viseur du député, se trouvent bien entendu les risques de fraudes. « Rien ne permettra jamais de garantir totalement que la sincérité du scrutin est préservée, sachant qu’en l’état actuel de la réglementation, il est impossible pour un électeur, un assesseur ou un candidat de détecter un dysfonctionnement, une anomalie ou une fraude. De surcroît, il est certain que ni les pannes inhérentes à tout système informatique, ni le risque de malversation ne pourront jamais être ramenés à zéro » argumente-t-il.
Cerise sur le gâteau, le coût de ces machines. « Les économies annoncées, devant résulter de l’utilisation de machines à voter, restent à démontrer : investissement, contrôles, mises à niveau, programmations en vue de chaque tour de scrutin, pour une utilisation restreinte (une élection par an en moyenne), etc. avec le risque d’avoir du matériel très dépassé et obsolète, donc complètement vulnérable » regrette François Rochebloine. Toutes ces critiques sont bien connues. Elles avaient d’ailleurs été synthétisées l’année dernière au travers d’un rapport sénatorial consacré au vote électronique (PDF).

Retirer l'autorisation à la soixantaine de villes qui utilisent encore des machines à voter
Résultat, le parlementaire propose de toiletter la législation en vigueur, en abrogeant notamment l’article L57-1 du Code électoral. Celui-ci prévoit que « des machines à voter peuvent être utilisées dans les bureaux de vote des communes de plus de 3 500 habitants ». Sauf que depuis les élections législatives et présidentielles de 2007, aucune nouvelle ville n’est autorisée à s’équiper. Différents incidents étaient effectivement survenus cette année : écarts entre le nombre d’émargements et de votes notamment, sans parler du temps d’attente parfois très long pour les utiliser, etc.
Suite à ce moratoire, seules 64 communes utilisaient cette technique de vote en 2012 – pour 1,1 million d’électeurs concernés. Si cette proposition de loi était adoptée, ces villes devraient donc y renoncer.
Le gouvernement prône le statu quo
Sauf que le gouvernement n’y est manifestement pas favorable. Interrogé par la députée Isabelle Attard, le ministère de l’Intérieur affirmait explicitement le mois dernier qu’il ne souhaitait « pas revenir actuellement sur sa décision de l'arrêt de délivrance de nouvelles autorisations à des communes souhaitant recourir aux machines à voter ».
Pour se justifier, l’exécutif assurait que « l'agrément d'une machine est accordé sur la base du résultat de son examen par des organismes d'inspection agréés par arrêté du ministère de l'Intérieur », et que « les opérations de dépouillement sont entièrement automatisées et sécurisées puisqu'elles ne sont possibles qu'après la mise en oeuvre d'un double dispositif d'authentification électronique, constitué de deux clés actionnées par le président du bureau de vote et un assesseur ».
« Aucun dysfonctionnement remettant en cause la sincérité du scrutin n'a été relevé par l'État ou le juge des élections depuis le début de l'utilisation de ces machines » soulignait enfin la Place Beauvau.
Un bras de fer entre le gouvernement et certains parlementaires pourrait donc s’engager dans les prochaines semaines. Au Sénat, le socialiste Philippe Kaltenbach a effectivement déposé l’année dernière un texte similaire à celui de François Rochebloine (voir notre article). Quand bien même ceux-ci ne seraient pas examinés en séance publique, on peut imaginer qu’ils pourraient ressurgir sous forme d’amendements à différents projets de loi, que ce soit sur des dispositions électorales ou sur le texte préparé par Axelle Lemaire sur le numérique.
Pour ceux qui seraient tout particulièrement intéressés par ce sujet, nous pouvons enfin vous conseiller notre émission du 14h42 consacrée au vote électronique.