En marge du FIC 2015, nous avons appris que le Parquet avait fait appel du dossier Pierrick Goujon. Son service en ligne de raccourcisseur d’URL, irc.lc dédié à IRC, avait été utilisé par des anonymous lors d’une attaque par déni de service visant EDF.
Triskel, de son vrai nom Pierrick Goujon, avait été mis en cause en 2012 après une attaque distribuée par deni de service contre des sites internet d’EDF, revendiquée par des anonymous (terme qui ne veut rien dire en lui même...). Il fut identifié parce qu’un tract virtuel de ces pirates mentionnait l’adresse irc.lc/anonops/operationgreenrightse. Autre chose : son IP fut enregistrée dans les logs d’EDF, parmi les nombreuses personnes venues constater les sites visés par l’attaque.
Rapidement, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) pense qu’il a participé à cette opération, baptisée « GreenRights ». S’en suivent perquisitions, fouilles, longue garde à vue, etc. En décembre 2013, il est poursuivi pour « participation à une entente formée en vue de conduire des entraves par déni de service, contre plusieurs producteurs/distributeurs d’énergie ». Lors de l’audience devant la douzième chambre du tribunal correctionnel de Paris, son avocat, Me Joseph Breham, rétorquera que le service irc.lc n’est qu’un moyen pour se connecter plus facilement sur IRC, pas plus. « Je condamne l’action barbare des Anonymous ! (…) Je suis pour le nucléaire, chez moi ça marche à l’énergie nucléaire ! » ajoutera le prévenu. Son site irc.lc listait d'ailleurs 450 liens vers des passerelles comme anonops (« anonymous operations ») mais aussi French Data Network, l’Inria ou Wikipedia (irc.lc/freenode/wikimedia-fr), et bien d’autres.
IRC, compliqué pour un néophyte ?
Mais en face, la procureure de la République ne partagera pas l’analyse : IRC est « extrêmement compliqué pour un néophyte (…) Vous n’étiez pas sans savoir que ces personnes étaient susceptibles de tomber sur le réseau anonops et leurs opérations d’envergure ». Elle insistera sur sa lancée : « On sait tous qu’IRC est très majoritairement utilisé pour définir des dates et des cibles. Dans ce dossier, c’est très clairement passé par ces canaux qui sont très peu faciles d’accès par le néophyte », IRC « a été très très majoritairement utilisé par les membres de la nébuleuse Anonymous », « IRC s’avère être un vecteur crucial pour permettre l’attaque informatique dont il est ici question », etc.
Elle réclame alors cinq mois de prison avec sursis. Mais ces arguments ne convainquent pas le tribunal correctionnel qui, le 11 décembre dernier, a prononcé la relaxe de Pierrick Goujon.
Un « acharnement » pour justifier des moyens colossaux ?
Cependant, nous l’avons appris hier : fin décembre, le Parquet a fait appel de ce jugement qui sera donc rejugé devant une cour d’appel (de Paris, sans doute). Contacté, Me Joseph Breham, du cabinet Ancile, nous indique ne pas encore connaître les arguments opposés pour ce recours. Il craint cependant « un acharnement pour tenter de justifier les moyens colossaux et disproportionnés mis en œuvre, ces nombreux policiers, des brigades spécialisées, etc. ». Et pour cause, « d’autres personnes davantage impliquées ont été mises en cause dans cette attaque, je pense notamment à celle qui a posté une vidéo sur YouTube pour appeler à prendre part à l’attaque. Ces dossiers ont été disjoints de celui de Pierrick Goujon, qui n’implique que lui et l’égard duquel les magistrats n’ont rien trouvé à redire. »