Selon une informations rapportée par plusieurs médias turcs, le tribunal de Diyarbakir, ville du sud-est de la Turquie, vient d’ordonner le blocage de plusieurs sites diffusant la couverture de Charlie Hebdo. Quatre d'entre-eux seront ainsi bloqué, sauf s'ils suppriment l'image litigieuse.
La cour criminelle de Diyarbakir a ordonné le blocage de plusieurs portails d’actualités trucs qui ont diffusé la couverture du numéro 1178 de Charlie Hebdo (voir également cette actualité). Une couverture qui a heurté la sensibilité religieuse d'un avocat qui a peu apprécié la caricature du prophète Mahomet.
Selon le principal considérant de la décision, qui nous a été traduite par un juriste, « les paroles, les images, les caricatures et les publications qui ont le but d’humilier les valeurs religieuses et les prophètes peuvent être considérés comme des insultes aux croyants d’une telle religion. La croyance religieuse d’une personne est sa partie intégrante, sa dignité, son honneur, sa réputation, autrement dit, une valeur qui doit être protégée dans la portée des droits de la personnalité. L’humiliation ou la diffamation d’une personne, soit directement, soit par l’humiliation de sa religion doit être considérée comme une infraction. Le prophète, auquel la personne et la société croient, est, incontestablement, une valeur indispensable pour ladite religion et doit être respecté. Tous doivent respecter les croyances des autres et respectivement les valeurs religieuses. C’est ce qu’exige le principe de “Laicité”. »
En clair, le tribunal considère que la couverture de Charlie Hebdo n'est plus une information, mais bien une infraction de presse venant heurter les sensibilités personnelles. Il a ordonné le blocage de birgün.net (à gauche, politiquement) t24.com.tr (un site qualifié de « mainstream ») internethaber.co et thelira.co. En toute logique, la mesure de blocage sera révoquée en cas de suppression des contenus litigieux. Rappelons que le blocage chirurgical d’une page d’un site web n’est pas possible, ce qui implique donc une restriction d’accès globale.
Le précieux équilibre entre liberté d'expression et responsabilité des acteurs
Cette condamnation montre typiquement le lien étroit entre la liberté d’expression et la responsabilité des intermédiaires du net. En France, des pressions sont menées depuis le ministère de l’Intérieur pour revoir le statut des hébergeurs afin de faciliter leur condamnation. La Rue de Valois justifie cette réforme européenne par la lutte contre la contrefaçon. Cependant, comme souligné dans notre actualité et par l’ASIC, un tel chantier va nécessairement déborder du strict cadre du droit d’auteur pour menacer, notamment, la liberté d’expression. Voilà pourquoi les acteurs du net représentés au sein de cette association encouragent Fleur Pellerin à faire demi-tour.