Au Journal officiel, le ministère de la Justice a publié une circulaire chargée d’expliquer aux différents services la loi sur le terrorisme. À cette occasion, la Direction des affaires criminelles et des grâces confirme la possibilité pour les autorités de scruter et écouter les conversations en VoIP dont Skype, même lors des échanges vidéo.
La loi sur le terrorisme, qui n’a pas été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel, contient tout un arsenal de mesures destinées à lutter contre la propagande terroriste sur Internet. Comme on pouvait le craindre, cet objectif premier a débordé amplement dans plusieurs dispositions qui permettent par exemple de sanctionner le « vol » de données informatiques dans notre droit, ou plus exactement « la détention frauduleuse d’une donnée issue d’un système de traitement automatisé de données, mais également son extraction, sa reproduction et sa transmission » (article 323-3 du Code pénal).
Médiatisée par le blocage administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme, une mesure contre laquelle le PS s’était toujours opposé, la loi a également musclé l'article 706-102-1 du code de procédure pénale.
Capter ce qui est émis, reçu, saisi, entendu ou vu sur un ordinateur
Cet article, adopté par la LOPPSI sous le règne de Nicolas Sarkozy, permettait initialement de capter les seules données saisies au clavier ou affichées à l’écran, sans le consentement de l’utilisateur. Selon le ministre de la Justice qui vient de publier une circulaire explicative, « ce dispositif permet aux enquêteurs de prendre connaissance en temps réel de tous types de fichiers, qu'ils soient émis par voie de télécommunications ou stockés sur un support physique. Il peut en outre permettre de prendre connaissance, en contournant de la même manière l’obstacle du cryptage, des messages échangés en temps réel entre deux interlocuteurs dans le cadre de conversations sur internet. »
La loi sur le terrorisme a désormais étendu ce champ d’application à la captation du son et des images émis ou reçus via notamment un logiciel de communication électronique (VoIP) installé sur n’importe quel périphérique audiovisuel. Selon le ministère de la Justice, cette extension permettra donc de scruter notamment « l'utilisation de logiciels de téléphonie par ordinateur, du type de Skype », spécialement nommé dans la circulaire.
Des dispositifs limités à la criminalité organisée et au terrorisme
En pratique, il faudra une ordonnance motivée du juge d’instruction, après avis du procureur de la République. Précisons que le dispositif de captation permettra non seulement de prendre connaissance des données affichées, saisies, entendues ou vues, mais également de les enregistrer, les conserver et les transmettre aux autorités. Selon la Chancellerie, « ces captations de données informatiques seront possibles pour l’ensemble des infractions relevant de la criminalité organisée et les infractions à caractère terroriste. »
Pour l’heure, cet article n’est pas encore activé dans sa forme actuelle puisqu’« un projet de décret autorisant le traitement des données captées est actuellement en cours d’examen par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) » prévient encore le ministère. La CNIL s’était d'ailleurs déjà émue de ces possibilités de captation qui permettent de tout aspirer, même les informations qui ne sont pas utiles « à la manifestation de la vérité » dans le dossier en cours.