2014, excellente année pour les salles de cinéma malgré le piratage

Guinness Look
Droit 7 min
2014, excellente année pour les salles de cinéma malgré le piratage
Crédits : Philippe de Chauveron

Selon les derniers chiffres du Centre national du cinéma, la fréquentation des salles obscures a augmenté de 7,7 % l’an passé. Elle dépasse désormais les 200 millions d'entrées. Dans le même temps, pourtant, les professionnels de la filière multiplient les revendications pour accentuer la lutte contre le piratage. Une insatisfaction permanente ?

« 208,43 millions d'entrées ont ainsi été réalisées, soit le deuxième plus haut niveau depuis 47 ans (211,5 millions d'entrées en 1967 et 217,2 millions en 2011) : un résultat très au-dessus du niveau moyen des dix dernières années (196,47 millions) ». L’annonce des derniers chiffres du CNC peut ravir le secteur du cinéma, d’autant que durant cette excellente année, la part des films français représente 44 % - contre 33,8 % en 2013. « En 2014, la fréquentation des films français augmente de 40,2 % pour atteindre 91,62 millions d'entrées soit le plus haut un niveau depuis 30 ans (94,12 millions en 1984) ». Autre témoignage de la réussite bleu-blanc-rouge, trois films français ravissent les trois premières places : Qu'est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? (12,3 millions), Supercondriaque (5,3 millions) et Lucy (5,2 millions).

Ces bons résultats pour les productions nationales contrastent avec ceux enregistrés par les acteurs implantés hors de nos frontières. Les films américains cumulent par exemple 93,93 millions d'entrées en 2014 (-9,9 par rapport à 2013). « La part de marché du cinéma américain est estimée à 45,1 % en 2014, contre 54,2 % en 2013 » commente encore le CNC, qui note également qu’aucun film US n’a réalisé plus de 5 millions d’entrées. Les films d’autres nationalités sont également en léger recul (11,0 % des entrées en 2014, contre 12,0 % en 2013).

Une ribambelle d'années exceptionnelles

Dans le passé, l’année 2014 n’est pas la seule à avoir été auréolée. Souvenons-nous du précédent record de 2010, soit avant que la Hadopi n’entre en vitesse de croisière. Les salles avaient alors enregistré 206,49 millions d’entrées soit 2,7 % de plus qu’en 2009, un chiffre jamais rencontré depuis 1967.  Même constat en 2011 quand le cinéma affichait alors 216,63 millions d’entrées (+4,7 % par rapport à 2010). Une hausse poussée par le début flamboyant d’Intouchables.

En 2012, la fréquentation des salles obscures rencontrait certes une baisse, mais elle restait « à un niveau nettement supérieur à la moyenne des dix dernières années et dans la moyenne des cinq dernières années » se félicitait toujours le CNC. La chute était d’autant moins douloureuse que le secteur profitait de la hausse des recettes moyennes liées à l’augmentation de la TVA sur les produits culturels, passée de 5,5 % à 7 % en janvier 2012.  En 2013, la fréquentation des salles de cinéma diminuait de 5,3 % pour atteindre 193,59 millions d’entrées. Les films français réalisaient alors près d’un tiers de l’ensemble des entrées.

L’insatisfaction éternelle des ayants droit ?

Dans la plupart des cas, donc, les chiffres restent bons quand ils ne sont pas excellents. Seulement, dans le même temps, les ayants droit ne cessent d’exiger toujours plus de mesures. Au CSPLA, entre les murs du ministère, par exemple, ils se mobilisent pour une modification du statut des intermédiaires techniques afin d’engager plus facilement la responsabilité des acteurs sur les contenus transmis ou hébergés.

Au ministère de la Culture, toujours, ils grognent contre la Hadopi lorsque son secrétaire général lorgne d’un peu trop près du côté de la légalisation des échanges.

Ces ayants droit vont aussi profiter du futur arsenal promis par Fleur Pellerin pour lutter contre les sources illicites du Net. Une politique programmée pour 2016 qui s’armera du rapport Imbert-Quaretta, et donc d’un mécanisme de liste noire, de charte avec les acteurs de la publicité (déjà engagé), ou d’un système de notice and stay down (filtrage limité des contenus).

La VoD et les ventes physiques ont davantage souffert

Pourquoi mener donc pareille bataille alors que les chiffres sont au beau fixe ? « C’est aussi et parce qu’on continue à maintenir un haut niveau de protection qu’on fait de bonnes entrées » rebondit Florence Gastaud.

Plus en détail, la déléguée générale de l’ARP (Association des auteurs, réalisateurs, producteurs) nous assure que « ce ne sont pas les entrées salles qui sont les premières impactées par le piratage. Notre vrai problème, dans ce modèle économique, c’est que l’usure de l’œuvre sur Internet impacte les ventes vidéo, auprès des chaînes ou à l’internationale. Or, mis à part les cas exceptionnels, un film est financé à 30 % par les salles, les 70 % restant ce sont les droits VOD, les ventes à l’international, etc. Le piratage ne fait certes pas directement mal à la salle, mais à l’économie du cinéma, et à terme à la salle. »

En septembre 2013, par exemple, le Syndicat de l’édition vidéo tirait déjà la sonnette d’alarme, alors que le marché de la VOD se contractait de 6,4 % au premier trimestre 2013 par rapport à T1 2012. On était alors loin des +41 % enregistrés par rapport à 2011. Dans le même temps, la vidéo physique s’écroulait de -12,5 %. Le SEVN réclamait des mesures fortes et précises spécialement quant à l’avenir de la riposte graduée, alors que l’année avait surtout été marquée par l’incertitude et la fin de la suspension de l’accès à Internet. « Si une partie de cette baisse est liée à un relatif manque de titres forts et s’inscrit dans une conjoncture économique délicate, elle demeure très inquiétante, surtout à un moment où l’avenir de l’Hadopi est en débat ».

En avril 2014, le CNC jaugeait lui aussi un recul des vidéos physiques. « Entre janvier et mars 2014, le chiffre d’affaires des ventes de DVD et de Blu-ray en France est de 202,01 M€. La dépense des ménages en vidéo diminue de 19,6 % par rapport aux 3 premiers mois de 2013 » écrivait-il dans un communiqué. C’est le marché du DVD qui tirait alors les chiffres vers le bas (-22,7 % de CA en moins), épaulé dans sa chute par celui du Blu-ray (-8,0 %).

La désuétude du DVD, la dévalorisation des œuvres

Cependant, le marché consacre aussi la désuétude douce et lente, quoique douloureuse, des vieilles galettes physiques, à l’instar de l’univers de la musique. Dans ce glissement, « on est en train d’admettre que le passage intégral au numérique engendre une dévalorisation violente du modèle » concède Florence Gastaud.

« La Vod est un outil magnifique, mais qui rapporte beaucoup moins que ce que rapportait le DVD puis le Blu-Ray. Et je ne sais pas comment on peut absorber cette perte-là. Ce sont pourtant des recettes qui servent à fabriquer des films, afin de combler le préfinancement de ceux qui se sont engagés sur les ventes. Le Blu-Ray a donné de l’espoir, mais là, ça se calme surtout parce qu’il y a une maturité de la VoD. Les gens ont compris comment fonctionnaient les box, notamment avec l’arrivée de Netflix. »

Le plan Fleur Pellerin attendue de pied ferme

Du côté de l’APC, l’Association des producteurs de films, le pont entre ce marché en net recul et le piratage est dressé sans nuance. Si Frédéric Goldsmith, son délégué général, applaudit « la sécurisation de la filière cinéma en post production » qui parvient à diminuer voire éviter la circulation des fichiers, du moins pour les films français, « dès que le film sort en DVD ou Vod, il est piraté ». Inversement, la situation serait moins catastrophique par exemple en Allemagne et dans les « pays où les moyens de lutte contre le piratage sont beaucoup plus assumés par les pouvoirs publics. »

Bref, autant de constats qui militent pour un supplément de tours de vis législatifs. « Quand un espace est bien préservé, il marche bien » résume Goldsmith. Le délégué général de l’APC attend du coup de pied ferme le déploiement du plan interministériel contre le piratage, alors que Fleur Pellerin a effeuillé une première mesure : une charte signée avec les régies publicitaires afin d’assécher les sites qualifiés d’« illicites » par on ne sait encore trop qui.

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