En 2012, Square Enix a connu plusieurs revers qui l'ont poussé à se lancer dans une longue restructuration, qui se poursuit encore aujourd'hui. L'éditeur a présenté dernièrement son rapport annuel pour l'exercice fiscal 2014 et revient sur l'avancement de sa mutation et ses prochaines étapes.
Le paysage vidéoludique est en train de changer, les éditeurs doivent s'adapter et tous n'y arrivent pas de la même manière. Les smartphones et tablettes occupent de plus en plus d'espace, de nouveaux modèles économiques sont sur le devant de la scène, et surtout, désormais n'importe quel studio peut avoir accès à un réseau de distribution, sans devoir faire appel à un éditeur pour cela, grâce aux boutiques de jeux dématérialisés.
Face à tous ces changements, Square Enix a entamé une longue restructuration début 2013, et continue encore aujourd'hui à muter. Dans le rapport annuel de l'entreprise, publié il y a quelques jours, Yosuke Matsuda, le PDG de l'éditeur, refait le point sur les changements encore en cours dans son entreprise.
Moins de titres « AAA », et plus de place au free-to-play
Historiquement, Square Enix a pour habitude de ne mener que quelques projets simultanément, mais tous à grande échelle et avec des budgets de développement importants à savoir plus de 2 milliards de yens, soit environ 14 millions d'euros. Problème, lorsqu'un de ces projets ne rencontre pas son public, la santé financière de l'éditeur est tout de suite assez sévèrement touchée. Nous en avons eu le cas en 2012 avec Hitman Absolution et Tomb Raider, qui tous deux n'ont pas rempli leurs objectifs de vente et fait quelque peu vaciller l'entreprise, qui a affiché des pertes sur son exercice fiscal 2013.
Pour limiter les risques, l'éditeur ne veut plus mettre tous ses œufs dans le même panier et multiplier les petits projets, qui s'ils rencontrent le succès seront très profitables, et dont les échecs seront moins douloureux. Cela peut être des jeux sur console avec des coûts de développement moindre, ou bien des titres sur mobile, rapides à produire et assez facilement déclinables.
La question des modèles économiques se pose aussi, puisque selon Matsuda-san, « Il y a de sérieux problèmes structurels sur le marché des jeux HD, et la question de savoir comment gérer ses problèmes est un défi notable. L'une des approches majeures que nous mettons en place est d'appliquer divers modèles économique, comme le free-to-play au sein de nos jeux HD ». Concrètement, attendons-nous à voir débarquer encore plus de micro-transactions dans les prochains jeux de Square Enix, voire à profiter de certaines grandes franchises dans des variantes free-to-play. « Nous annoncerons de nouveaux jeux HD, avec des modèles de prix variables », confirme d'ailleurs le dirigeant.
L'éditeur dit aussi travailler « de manière diligente » afin de raccourcir ses délais de développement pour ses jeux AAA et limiter l'attente des joueurs. Pour ce dernier point, l'une des approches adoptées consiste à tâcher de fournir du contenu aux joueurs plus longtemps après le lancement d'un jeu. Cela signifie probablement que Square Enix se reposera un peu plus sur les DLC qu'actuellement.
Les enjeux du mobile
Square Enix veut également chasser sur le terrain du mobile, et pour ce faire ce sont dans un premier temps ses studios japonais qui lancent l'offensive dans ce domaine. L'éditeur ne veut pas seulement se limiter à des rééditions de ses vieux Final Fantasy sur Android et iOS, et souhaite mettre à contribution ses autres franchises.
Il est par exemple question d'Hitman Go, sorti en avril au Japon dont l'éditeur semble assez content des résultats obtenus. D'autres franchises ont également eu le droit au traitement mobile, dont Dragon Quest, qu'il n'est normalement plus nécessaire de présenter. Ces titres ne sont sortis que dans l'archipel nippon, mais l'éditeur dit « travailler dur pour amener ces avancées en Europe et en Amérique du Nord ».
Les tarifs de l'offre Dive In de Square Enix
Pour s'attaquer au marché mobile, l'éditeur a également montré une nouvelle arme : Dive In. Il s'agit d'un service de cloud gaming, permettant à ses clients de profiter de jeux normalement jouables sur console ou PC directement sur leur smartphone. Le catalogue de jeux proposé avec cette offre est plutôt mince puisqu'ils se comptent sur les doigts de la main. Pour profiter d'un jeu, le client doit en payer la location pour une durée déterminée, de 3 à 365 jours. Comptez un peu moins de 2 euros pour louer un jeu 3 jours, et jusqu'à 13 euros pour un an. Le service est prévu pour fonctionner avec une connexion à 3 Mbps, une valeur plus basse que celle indiquée par Sony pour son PlayStation Now. Pour l'heure, Dive In n'est disponible qu'au Japon, et rien n'indique qu'il arrivera en occident.
Le marché des jeux n'est pas global
Enfin, Square Enix livre un constat assez intéressant : selon la société, il n'est pas possible de créer un produit qui s'adaptera parfaitement à l'ensemble des marchés qu'il cible parce que « chaque région du monde a sa propre culture et son propre style de vie, et nos clients ont différents goûts pour leurs jeux ». Or, jusqu'ici Square Enix essayait au contraire de distribuer ses jeux le plus largement possible en essayant de mélanger les goûts et envies de tout le monde.
Plutôt que de limiter géographiquement la distribution de ses jeux, l'éditeur nippon veut mettre en place une stratégie consistant à se focaliser sur les goûts de ses joueurs. « Il y a de nombreux clients qui aiment les JRPG à travers le monde. En nous focalisant sur des JRPG taillés pour ces clients-là, et en leur offrant les jeux ultimes, nous serons acclamés dans le monde entier ». En évitant de diluer les mécaniques de divers styles de jeu dans un seul titre afin d'attirer un public plus large, Square Enix espère ainsi uniquement se focaliser sur un public précis, mais avec un taux de pénétration plus important.
Il est encore un peu tôt pour voir si ces changements porteront leurs fruits, étant donné que les titres dont le développement a débuté en 2014 ne verront probablement pas tous le jour cette année. Cela étant, l'éditeur semble confiant et estime pouvoir retrouver d'ici deux à trois ans les niveaux de bénéfice qu'il affichait lors de sa période faste entre 2005 et 2010, alors qu'il affichait des pertes en 2013.