Suite à un arrêté publié ce week-end, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, ex-DCRI) s’est vu ouvrir les vannes de Pharos. Un traitement automatisé qui aspire l’ensemble des signalements des FAI, hébergeurs et internautes visant des contenus illicites en ligne.
Pharos ou plate-forme d'harmonisation, d'analyse de recoupement et d'orientation des signalements est un site internet qui permet aux utilisateurs et aux acteurs d'internet de signaler à l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), des sites ou des contenus illicites diffusés en ligne. C’est aussi un traitement automatisé où des données à caractère personnel collectées sont conservées selon les cas, entre deux ans et 10 ans.
Un traitement automatisé de plus en plus accessible aux autorités
À l'origine, avaient accès à cette base les seuls membres de l'OCLCTIC, lesquels pouvaient alors adresser les signalements aux agents de police judiciaire, spécialement habilités par leur autorité hiérarchique, voire à leurs homologues étrangers du moins « lorsque cet État assure à la vie privée, aux libertés publiques et aux droits fondamentaux des personnes à l'égard des traitements de données à caractère personnel un niveau de protection suffisant. »
Au fil du temps, cependant, les portes ont été ouvertes également à la direction générale de la police nationale, la direction générale de la gendarmerie nationale, la préfecture de police, la direction générale des douanes et des droits indirects, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et la direction générale des finances publiques. Via le Journal officiel, en plein préparatif des fêtes de fin d’année, le gouvernement vient désormais d'offrir ce droit d'accès à une nouvelle entité. Et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure, ex direction centrale du renseignement intérieur ou DCRI).
Pharos, Cristina & co
Avec l’ouverture des portes de Pharos, ses agents vont pouvoir butiner librement les informations signalées par les acteurs de l’Internet et les abonnés. Les intermédiaires ont spécialement l’obligation en effet de dénoncer à Pharos toute une série de contenus illicites (apologie des crimes contre l'humanité, incitation à la haine raciale, haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap, pornographie enfantine, incitation à la violence, notamment incitation aux violences faites aux femmes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine). Surtout, la récente loi sur le terrorisme a ajouté à ce long listing la provocation et l’apologie du terrorisme.
La DGSI, descendante de la fusion des « RG » (ou renseignements généraux) et de DST (direction de la surveillance du territoire) profitait déjà notamment de Cristina. Un super fichier organisant la centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux. Ce traitement, qui touche notamment au terrorisme, est classé secret défense, ce qui explique l’avis très laconique de la CNIL (« avis favorable avec réserves ») ou le peu de détails qui l’entourent.
Comme confirmé par la récente loi sur le terrorisme, la même DGSI a également accès aux « informations ou documents » traités ou conservés par les FAI et les services en ligne, un tuyau qui leur permet de prendre connaissance cette fois des données de connexion mais également les données liées aux contrats d’abonnement dont celles liées à la facturation. Avec les clefs de Pharos dans la poche, la DGSI étend son périmètre afin d’espérer aiguiser son flair. Un objectif qu’elle n’a pas toujours poursuivi avec brio, comme l’a encore montré l’actualité récente.