C’est non ! Invité à se positionner sur une éventuelle interdiction complète des machines à voter en France, le ministère de l’Intérieur vient d’indiquer à une parlementaire qu’il ne souhaitait pas revenir sur son moratoire de 2007. Les communes ayant obtenu une autorisation avant cette date pourront donc continuer d'utiliser ce type de matériel.
Brandissant les « lourds désavantages inhérents » à ce procédé technique, la députée Isabelle Attard a demandé en juillet dernier au ministère de l’Intérieur s’il comptait « interdire le vote électronique lors de tous les scrutins électoraux ». Au travers d’une question écrite, l’élue Nouvelle Donne (apparentée Écologiste) faisait valoir que ce type de dispositif « impose à l'électeur d'accorder sa confiance à toute une série d'intermédiaires techniques : fabricant de la machine à voter, programmeur de la machine, installateur de la machine, etc. » Les craintes sont effectivement nombreuses en la matière, comme nous avions eu l’occasion de l’évoquer lors d’une récente émission du 14h42 (voir ici).
L’exécutif ne répond que sur les machines à voter, autorisées depuis 45 ans
Sans évoquer le cas du vote par Internet, qui est également une forme de vote électronique, le ministère de l’Intérieur a répondu cette semaine à Isabelle Attard en faisant allusion uniquement aux machines à voter. Contrairement au vote par Internet, qui n’est actuellement proposé qu’aux seuls Français de l’étranger, ces appareils électroniques sont en fait autorisés en France depuis plus de 45 ans.
Sauf que depuis 2007, un moratoire a été introduit par les pouvoirs publics, suite à différents incidents survenus en cette année d’élections présidentielle et législatives : écarts entre le nombre d’émargements et de votes, temps d’attente parfois très long pour les utiliser, etc. Le gouvernement a ainsi décidé de ne plus accorder de nouvelle autorisation aux communes pour l’utilisation de machines à voter. En 2012, on dénombrait néanmoins une soixantaine de villes qui utilisaient toujours cette technique de vote, pour environ 1,1 million d’électeurs concernés.
Le gouvernement ne veut pas revenir sur son moratoire
L’exécutif n’est cependant pas décidé à changer de position sur ce dossier. Dans sa réponse à l’attention de la députée Attard, il explique tout de go qu’il ne souhaite pas « revenir actuellement sur sa décision de l'arrêt de délivrance de nouvelles autorisations à des communes souhaitant recourir aux machines à voter ».
En dépit des problèmes relevés notamment en 2007 et consignés au travers d'un récent rapport sénatorial, le ministère de l’Intérieur assure que « l'agrément d'une machine est accordé sur la base du résultat de son examen par des organismes d'inspection agréés par arrêté du ministère de l'Intérieur », et que « les opérations de dépouillement sont entièrement automatisées et sécurisées puisqu'elles ne sont possibles qu'après la mise en oeuvre d'un double dispositif d'authentification électronique, constitué de deux clés actionnées par le président du bureau de vote et un assesseur ».
« Aucun dysfonctionnement remettant en cause la sincérité du scrutin n'a été relevé par l'État ou le juge des élections depuis le début de l'utilisation de ces machines » insiste enfin la Place Beauvau.
Cette réponse devrait néanmoins faire un grand déçu : le sénateur socialiste Philippe Kaltenbach, qui a déposé cet été une proposition de loi afin que l’on retire les autorisations aux communes qui utilisent encore des machines à voter. L’intéressé avait d’ailleurs un discours bien différent de celui du ministère de l’Intérieur. Voici ce qu’il nous avait répondu lorsque nous lui avions demandé ses motifs de mécontentement : « Parce qu'il y a toujours une suspicion, parce qu’il y a toujours des difficultés techniques, parce que tous les avantages qui avaient été vendus à l'origine par les fabricants de ces machines se révèlent être des écrans de fumée... Ça ne coûte pas moins cher, loin de là, ça n'est pas plus écologique, loin de là, et il n'y a pas plus de participation des citoyens dans les villes avec ces machines à voter ! Ça créée un climat de suspicion, de contestation, et puis surtout les citoyens ne sont plus maîtres du processus électoral puisqu'il n'y a pas de bureau de vote qui contrôle, de dépouillement citoyen des résultats des urnes, ce qui fait que le citoyen est un peu écarté aussi du processus démocratique. »