Définitivement approuvé par le Parlement le 1er décembre dernier, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été promulgué hier par François Hollande et publié ce matin au Journal officiel. Les mesures votées au mois d’octobre par l’Assemblée nationale afin de lutter davantage contre la fraude aux prestations sociales (lire ci-dessous) sont désormais gravées dans le marbre et entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2016, même si certains députés songent déjà à aller encore plus loin.
Jeudi dernier, l’Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi sur le financement de la sécurité sociale co-rédigé par Gérard Bapt, député socialiste de la Haute-Garonne, et Pierre Morange, député UMP des Yvelines. Leur objectif ? Renforcer l’efficacité d’un « super fichier » destiné à lutter contre la fraude aux prestations sociales.
Encadré par l’article L114-12-1 du Code de la sécurité sociale depuis décembre 2006, le répertoire national commun de protection sociale (RNCPS) a mis longtemps à prendre son envol. Il a en effet fallu attendre 2009 pour qu’un premier décret d’application vienne en préciser les modalités de mise en place, puis deux ans supplémentaires pour que le dispositif soit complété par un arrêté.
Aujourd’hui, il contient des informations sur les bénéficiaires de nombreuses prestations sociales : du RSA au chômage, en passant par les allocations familiales, les pensions de retraite (voir la liste complète)... Ce « super fichier » est donc alimenté par des dizaines d’organismes, lesquels peuvent venir consulter les données déposées par d’autres, en vue de contrôles anti-fraude. Pôle Emploi, les CAF et l’Assurance maladie font partie des principaux utilisateurs de ce dispositif, tout en sachant que le fisc peut lui aussi être amené à profiter de certaines de ses informations.
Automatiser les recoupements et intégrer le montant des prestations
Sauf que le tout est encore loin d’être assez performant selon quelques députés. Le socialiste Gérard Bapt avait ainsi rejoint son collègue de l’opposition, Pierre Morange, et demandait à ce que les organismes utilisant le RNCPS puissent, à partir du 1er janvier 2016 « avoir accès aux montants des prestations versées ». Selon lui, cela répondrait d’une part à une demande formulée par la Mission parlementaire d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, et « d’autre part au fait que ces échanges existaient déjà mais pas de manière automatique », puisqu’ils « avaient lieu à la demande » (voir le compte-rendu des débats).
« L’automatisation de la transmission des montants va permettre de définir plus facilement des cohortes de fraudeurs potentiels, alors que aujourd’hui on perd un temps fou à tenter de les identifier aléatoirement. Cela permettra aussi de faire des progrès sur le front de la lutte contre la fraude fiscale, en mettant au jour l’économie souterraine et les trafics » a expliqué le député Pierre Morange à nos confrères des Échos. Le parlementaire espère arriver à une démultiplication de « la force de frappe du contrôle », le tout placé entre les mains des différents organismes : administration fiscale, Pôle Emploi, CAF...
Plus concrètement, l'idée est de croiser systématiquement les sommes perçues par chaque bénéficiaire, afin de déceler plus rapidement un couple qui vit ensemble mais se déclare séparément pour toucher les APL, ou bien profiter du RSA, etc.
L'avis de la CNIL est attendu pour la seconde lecture du texte
Si cet amendement a été voté par 39 des 40 députés présents dans l’hémicycle, il s’est toutefois confronté à l’opposition du gouvernement. La secrétaire d’État chargée de la Famille, Laurence Rossignol, a ainsi expliqué que ces dispositions « étendent le périmètre des données du répertoire et présentent (...) des incertitudes juridiques que la Commission nationale informatique et libertés ne manquerait pas de soulever. Il conviendrait en effet de pouvoir démontrer le besoin de faire figurer de façon systématique tous les montants, au vu des besoins de tous les utilisateurs, qui sont nombreux ».
Pour mieux faire passer la pilule, le député socialiste Gérard Bapt a proposé à l’exécutif de « reparler » de ces questions en deuxième lecture, à l'appui d'une position officielle de la CNIL. Le sujet est donc loin d'être totalement clos, et devrait être à nouveau évoqué avant la fin de l'année.